Au Tchad, le numérique défend les femmes rurales via Femmomètre

(CIO Mag) – Pour échapper à la crise foncière et promouvoir la culture démocratique en faveur des femmes rurales, la plateforme numérique issue d’un partenariat entre Oxfam, une confédération internationale de lutte contre les injustices et la pauvreté, et Wenaklabs, un Tech hub tchadien, vient de voir le jour. L’un des promoteurs du projet, le Tchadien Salim Azim Assani en a confié les contours à Cio Mag.

Les campagnardes tchadiennes constituent plus de la moitié de la population féminine tchadienne et elles peuvent désormais se réjouir d’avoir un allié numérique pour plaider en leur faveur. Ce nouvel outil répertorie l’ensemble des promesses faites durant les campagnes et note l’évolution de leurs réalisations.

« Elles y sont consignées sous forme de bases de données facilement manipulables, accessibles et aussi exportables sur des standards ouverts avec l’appui de la notion d’open data », a expliqué Salim Azim Assani codirigeant de Wenaklabs.

D’après lui, elle est encore en phase test mais sera bientôt mise en échelle.  Elle se constitue de plusieurs rubriques telles que des appels à l’action, de l’actualité et des histoires de vies de la femme pastorale à travers des articles et vidéos déjà disponibles.

En termes d’objectifs, le projet vise à consolider la culture démocratique, institutionnaliser le suivi citoyen des engagements politiques en faveur de la femme rurale, favoriser l’accès à l’information, soutenir l’imputabilité et la redevabilité socio-économique pour promouvoir les politiques publiques en faveur de ces femmes et réduire la malnutrition dans le pays. Ainsi la plateforme met un accent poussé sur l’agriculture.

Notons d’ailleurs que la lutte contre la malnutrition est au cœur de la campagne « Un Tchad sans faim avec les femmes rurales » initié par Oxfam Tchad et une dizaine d’ONG et associations tchadiennes. Celle dans le cadre duquel s’inscrit la création de Femmomètre.

Le numérique « le bon relais »

A en croire Salim Azim Assani, elle traduit aussi le rôle important du numérique. Lequel « se trouve être un bon relais pour amplifier la voix des campagnardes », a-t-il déclaré.

Dans un même élan, il trouve que « le digital permet d’étendre la campagne et sa communication. Sachant qu’internet est un support neutre et transparent. Ainsi, il offre la possibilité de communiquer de façon assez limpide et accessible ».

Cependant, si comme il l’a rapporté à Cio Mag, « la femme rurale et même plus de la moitié de la population tchadienne est analphabète », a quoi servirait un support qu’elles ne savent pas utiliser et qu’elles ne peuvent exploiter car n’ayant pas les acquis pour les faire ?  Il dit avoir la solution toute trouvée.

« Nous travaillons à intégrer l’interactive Voice reponse (IVR). C’est-à-dire utiliser des moyens de messageries vocales à travers un téléphone afin de permettre à ces femmes d’avoir des informations et d’être contributrices à travers des messages vocaux que nous pourrons par la suite retranscrire sous forme d’articles. Les langues employées seront l’arabe local, le Ngambay et le français », a-t-il dit.

Encore en perspective, ce procédé rejoint la liste des paramètres qui seront également disponibles sur la plateforme. Notamment l’application mobile pouvant permettre de stocker des données directement sur smartphone avec des possibilités d’utilisation offline et une autre possibilité d’appels à contributeurs pouvant permettre à des différents acteurs de partager leurs expériences indépendamment de leur géolocalisation. Elle est annoncée pour la fin d’année 2019.

Contexte

Selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « seulement 20% des femmes rurales » au Tchad possèdent une parcelle agricole.

« L’exclusion des femmes de la propriété foncière, en plus d’être d’ordre socioculturel, revêt un caractère économique du fait de la faiblesse de leurs ressources monétaires pour acquérir des parcelles d’exploitation », a également constaté l’organisation onusienne, l’année dernière.

Un constat partagé par les promoteurs de Femmomètre en plus d’autres problématiques ayant motivé sa création.

« Nous sommes partis du constat que 80% de la sécurité alimentaire au Tchad est soutenu par 40% de femmes et la plupart d’entre elles n’ont pas d’outils ou de moyens sécurisés tels que la terre et les crédits à taux préférentiels pour amplifier leurs productions », a dénoncé Salim.

Il espère que cette nouveauté technologique attirera l’attention des autorités sur la situation des femmes concernées et veillera à ce que leurs droits soient respectés.

Aurore Bonny

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