Kamissa Camara, ministre de l’Economie numérique et de la Prospective : « Au Mali, le virage digital est au cœur de nos projections pour les années à venir »

Le Mali veut davantage dynamiser son écosystème numérique et dématérialiser les procédures administratives. Au terme de la 1ère édition du forum Bamako Digital Days organisée les 18 et 19 février, Mme Kamissa Camara, ministre de l’Economie numérique et de la Prospective du Mali a expliqué, dans un entretien accordé à Cio Mag, la démarche de transformation digitale enclenchée par son pays. Elle détaille aussi les atouts du Mali pour dynamiser l’écosystème des start-ups.

Propos recueillis à Bamako par Mohamadou DIALLO

CIO MAG : Vous êtes du Ministère de l’Economie numérique et de la Prospective. Quelle corrélation entre le numérique et la prospective ?

Kamissa Camara : Le fait de rattacher la prospective au numérique est un message du Président de la République qui veut signifier à l’opinion nationale et internationale que le Mali est dorénavant prêt à aborder le virage digital. Il est au cœur de son développement et de ses projections pour les 10, 20 et 30 prochaines années. Au Ministère de l’Economie numérique et de la Prospective, nous avons pour missions de développer et de dynamiser l’écosystème du numérique, de travailler avec les jeunes maliens dans le cadre des start-ups, de leur offrir un cadre règlementaire et juridique qui leur permet de se développer, mais également de gérer toutes les infrastructures clés du secteur du numérique.

CM : En matière de digitalisation de l’administration malienne, où est-ce que vous en êtes aujourd’hui ?

KC : Au cours des deux dernières années, nous avons tenté d’introduire ces réformes dans l’administration. Il y a eu quelques avancées. Mais beaucoup de progrès restent à faire pour promouvoir l’acculturation au digital de notre administration. Nous sommes un ministère très jeune. Nous allons faire de cette jeunesse un atout pour encourager et promouvoir l’usage du digital dans l’administration, par exemple en réintroduisant les logiciels que l’AGETIC a développés et qui permettront d’avoir des conseils des ministres complètement dématérialisés.

CM : Les défis de la digitalisation de l’administration sont énormes. Avez-vous les moyens et le soutien au plus haut niveau pour réussir cette mission ?

KC : Nous avons plusieurs organismes qui sont rattachés au ministère pour accompagner dans l’accomplissement de ces missions. Il s’agit notamment de vraies structures opérationnelles dotées de budgets et de moyens humains et spécifiques. Nous avons l’Agence de gestion du fonds d’accès universel (AGEFAU) dont la mission principale est de promouvoir l’accès universel aux télécommunications et à l’internet au Mali. Mais également la Société malienne de transmission et de diffusion (SMTD) qui travaille surtout sur le volet des centres de données et du déploiement des réseaux de fibre optique à travers le pays. Enfin, il y a l’Agence des technologies de l’information et de la communication (AGETIC), un établissement public à caractère scientifique et technologique, dont la principale mission consiste à promouvoir des actions pour la modernisation de l’administration malienne. Nous nous appuyons sur la complémentarité de ces structures pour dynamiser l’écosystème du numérique, mais également dématérialiser le travail gouvernemental et les procédures administratives qui sont des chantiers très importants.

La ministre Kamissa Camara lors des Bamako Digital Days.

CM : Au Mali, chaque ministère a son projet digital mais il faut un chef d’orchestre pour harmoniser tout cela. Est-ce qu’on vous donne les moyens de pouvoir le faire ?

KC : C’est en chantier ! Il est important pour le Ministère de l’Economie numérique de travailler avec chacun des collègues pour leur faire comprendre qu’au sein de notre ministère, ils peuvent trouver toutes les ressources qu’ils recherchent.

Il m’arrive très souvent, lors des conseils des ministres, de prendre la parole lorsqu’un de mes collègues expose par exemple un problème de transparence dans le paiement des péages en disant : « nous avons des start-ups qui ont déjà développé ces solutions et il faut les mettre en relation. » Petit à petit, ce rôle de chef d’orchestre sera naturellement remis au Ministère de l’Economie numérique mais je ne force rien. Cela viendra avec le temps.

CM : Le dynamisme de l’entrepreneuriat privé dans le digital fait partie des missions réservées au Ministère de l’Economie numérique. Y a-t-il des fonds ou des programmes de soutien pour permettre à ces start-ups de se développer ?

KC : En plus du Ministère de l’Economie numérique et de la Prospective, nous avons un Ministère de la Promotion des investissements et des Petites et moyennes entreprises qui travaille avec des partenaires étrangers dans le cadre de la promotion et du financement de l’entrepreneuriat.

Au Ministère de l’Economie numérique, nous avons la chance d’avoir des agences spécialisées et des opérateurs de téléphonie mobile très généreux. Nous cherchons donc à autofinancer le secteur, même si je sais que le financement que nous obtenons actuellement n’est pas suffisant. C’est progressivement que nous irons vers des financements plus importants. Et même au niveau du gouvernement, nous avons de gros efforts de communication à faire pour que le secteur du numérique devienne incontournable.

CM : En termes d’incubation, il faut des structures d’accueil pour accompagner les jeunes porteurs de projets. Êtes-vous dans cette démarche ?

KC : Tout à fait ! Nous avons un certain nombre d’incubateurs. J’ai eu l’occasion de les visiter dès le lendemain de ma prise de fonction. Il y en a assez à Bamako et dans les régions. Nous organisons une sélection des petites entreprises chaque dernier vendredi du mois. Il s’agit d’une compétition qui permet de sélectionner des start-ups. Une fois sélectionnées, ces startups sont incubées. Lorsqu’elles sont sélectionnées pour un prix, elles ont l’obligation de travailler avec ces incubateurs pendant au moins une année. C’est encore un autre moyen de dynamiser l’écosystème du numérique.

CM : Selon votre vision, quels sont les domaines dans lesquels les start-ups maliennes excellent ?

KC : Je pense dans le domaine du transport et de la logistique. Parce que dans la plus grande majorité, les solutions apportées par les start-ups maliennes touchent au secteur du transport. La raison est simplement liée au fait que ces solutions répondent à des besoins au quotidien et de la spécificité géographique de notre pays. La grande superficie de notre pays et sa situation d’enclavé y contribuent énormément. Les solutions qui sont présentées sont très originales. Dans le domaine des transports et de la logistique, si nous y mettons du temps et des efforts, on pourrait potentiellement proposer des solutions aux pays voisins. Et positionner les futures licornes dans ce domaine.

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