Kabirou Mbodje, PDG de Wari : «Notre ambition, c’est de connecter l’Afrique entre elle»

La 2ème édition de la conférence annuelle Afrobytes, qui réunit les acteurs mondiaux de la Tech à Paris, s’est tenue du 8 au 9 juin. L’occasion pour CIO Mag d’échanger avec le PDG de Wari, le Franco-Sénégalais Kabirou Mbodje, sur le rachat de Tigo et l’avenir de l’e-Economie en Afrique. Un marché sur lequel Wari entend jouer un rôle majeur.

Propos recueillis à Paris par David GUEYE

CIO Mag : Kabirou Mbodje, quelle est la synergie entre Wari et Tigo dont l’acquisition est effective depuis le 6 février 2017 ?

Kabirou Mbodje : Le rachat de Tigo est effectif depuis le 6 février. Nous sommes en période de transition et comme toute acquisition, il y a tout un process pour prendre le contrôle de la structure. Aujourd’hui, Wari est une marque très forte et dominante sur un pays comme le Sénégal. Nous sommes dans une quarantaine de pays. L’idée, c’est de permettre aux abonnés de Tigo et aux Sénégalais de profiter le plus possible de tous les services que peuvent offrir Wari avec la combinaison de l’opérateur télécoms qui est Tigo. L’ambition de Wari aujourd’hui, c’est de connecter l’Afrique entre elle, créer un seul marché, un seul écosystème et d’ouvrir l’Afrique au reste du monde. Voilà notre objectif et nous comptons bien le mener à bout.

“Là, avec l’économie digitale, on sort de l’écran, et ça devient du réel, du physique.”

Comment entrevoyez-vous l’avenir des services financiers mobiles en Afrique sur les dix prochaines années ?

L’expression Services financiers mobiles est une connotation des opérateurs télécoms pour essayer de tirer la couverture vers eux. Il y a des services qui sont offerts à des gens avec de la proximité. Il n’y a pas de mobilité puisqu’il faut aller dans une agence pour avoir accès aux services. Mais l’avenir de l’Afrique dans l’économie digitale, c’est le fait que les gens, à partir de chez eux, puissent accéder à l’ensemble des services disponibles dans le monde et surtout pouvoir offrir des services à tout le monde. On avait l’Internet qui est complètement figé sur du relationnel. Là, avec l’économie digitale, on sort de l’écran, et ça devient du réel, du physique. On transporte du service, on le livre et on génère du revenu avec. C’est ça l’économie digitale, c’est sur cette économie là que Wari entend jouer un rôle majeur.

Dès lors, comment Wari se positionne dans cet écosystème digital ?

On entend se positionner comme un acteur central, complétement neutre. Il est impossible pour un opérateur télécoms de le faire parce qu’il va se retrouver en face d’un autre opérateur télécoms. Il est également impossible pour une banque de le faire parce qu’elle va se retrouver en face d’une autre banque. De même qu’il est difficile pour une institution de le faire parce qu’elle est bordée par les contraintes réglementaires de son pays ou de sa zone. Donc, il faut un acteur neutre qui permette aujourd’hui de créer justement cette passerelle entre les opérateurs télécoms, les banques et les institutions étatiques, créer cette passerelle entre les marchés. Parce qu’en Afrique vous avez 54 pays. C’est 54 zones différentes. C’est un milliard de personnes. Il faut les interconnecter, il faut connecter l’Afrique entre elle, et après connecter l’Afrique au reste du monde. Pour ça, il faut un acteur qui soit neutre, pour créer l’adhésion de l’ensemble de l’écosystème économique.

“C’est sûr que quelques personnes vont rester sur le carreau. Et ces personnes-là, il faut pouvoir juste les accompagner.”

Par ailleurs, comment percevez-vous l’avenir de l’e-commerce au Sénégal ?

C’est l’e-économie en fait, et c’est l’économie de demain. Il y a des précurseurs. Je donne toujours l’exemple des structures comme Uber et autres qui sont à l’avant-garde de l’économie digitale de demain. Où les gens vont pouvoir travailler dans une entreprise mais en restant à la maison. Ils vont créer leur propre entreprise, non pas à partir d’une éducation qu’ils auront reçue à l’école et à l’université mais uniquement à partir des aptitudes qu’ils ont de façon innée. C’est ce qui va changer et révolutionner le monde. Ça fait peur parce qu’on le prénomme globalisation. On le voit sous le spectre d’un fantôme qui va anéantir plein de choses, alors qu’il faut le voir en opportunités. C’est sûr que quelques personnes vont rester sur le carreau. Et ces personnes-là, il faut pouvoir juste les accompagner. Cela dit, c’est une réelle opportunité parce que la standardisation amène à la globalisation. La globalisation génère énormément d’opportunités parce qu’elle donne une autre perspective. Je suis du Tchad et que je vends des cacahuètes mais je ne peux servir que les gens qui sont autour de moi. Mais si jamais j’ai une passerelle qui me permet de vendre mes mêmes cacahuètes au Mozambique, en Chine ou au Canada, imaginez la multiplication de mon chiffre d’affaires et de l’amélioration de mon quotidien. C’est ça le monde de demain et c’est ce que Wari entend faire avec l’ensemble des acteurs économiques.

“Un support comme CIO Mag est une bonne initiative.”

Connecter l’Afrique au reste du monde, c’est aussi l’objectif de CIO Mag. Quel commentaire vous inspire les initiatives de ce magazine sur le continent ?

Tout ce qui contribue à organiser les écosystèmes, les environnements, est à saluer. Un support comme CIO Mag est une bonne initiative. Il permet de mettre en lumière des acteurs qui sont dans la plupart du temps dans le fonds des bureaux et qui font l’essentiel du boulot. Ça permet de mettre en lumière des initiatives qui sont faites par des gens qui sont un peu perçus comme des personnes spéciales, des Geeks. Mais ces personnes-là changent le quotidien pour notre plus grand bonheur. Par conséquent, des initiatives comme celles de CIO Mag, de contribuer à mettre en lumière, surtout restaurer l’image et modifier la perception qu’on a de l’Afrique, est à saluer et à accompagner. Vous pouvez compter sur notre soutien.

CIO-MAG-47-JUIN-JUILLET-2017 250Interview parue dans votre magazine CIO Mag N°47 disponible en ligne et par abonnement.

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