« La data n’est qu’un moyen pour connecter problème et solution » : Gauthier Vasseur, Executive Director of Berkeley Fisher Center

A l’ère du tout-numérique, la data devient une ressource inestimable. Elle est l’essence des applications analytiques et permet aux entreprises d’adresser convenablement les défis auxquelles elles sont sujettes. Avoir une culture data et s’en servir, c’est à cela qu’exhorte Gauthier Vasseur, directeur exécutif du Fisher Center for Business Analytics à la Haas School of Business, à travers son ouvrage « Devenez data pionnier. » Il en propose un décryptage dans cette interview et évoque l’Expedition Learning qu’organise Cio Mag en partenariat avec The Fisher Center For Business Analytics.

C’est à partir de 2008 que Gauthier Vasseur amorce le dernier tournant de sa carrière. Il donne des cours data à Stanford et s’engage définitivement dans la voie de la formation. Il crée en 2017 Data Wise Academy à Menlo Park en Californie et se concentre à la recherche et à l’enseignement académique et professionnel : projets entrepreneuriaux avec Data Wise Academy globalement, Le Pont en France, des leaders de la formation Data/IA en France, missions d’inclusion et d’accès à la formation.

« Quand on me demande pourquoi j’ai cette passion pour la data, je réponds qu’au-delà de l’inspiration de mes parents et de mes mentors, c’est l’attraction pour l’apprentissage : toujours apprendre et découvrir. C’est ce que la Berkeley Haas School of Business  définit comme rester Student Always.   »

Cio Mag : Quelle valeur revêt aujourd’hui la data et pourquoi les entreprises doivent-elles en produire ?

Gauthier Vasseur : La data n’a pas de valeur intrinsèque : c’est son application à la résolution de problèmes qui crée une vraie valeur pour l’entreprise. Avant toute chose, ce sont les collaborateurs qui doivent détecter ces opportunités et ces challenges à résoudre. La data devient clé dans un second temps car elle va permettre d’aborder les problématiques de la manière la plus précise et holistique possible. Si la captation, la préparation et l’analyse de cette donnée est complète et efficace, alors l’entreprise aura un avantage dans une prise de décision plus rapide et plus pertinente. Une des priorités de l’entreprise est donc d’assurer une production ou collecte durable des données fluides et durables pour continuellement répondre à ses défis.

Quelle est l’urgence et la nécessité de « devenir data pionnier » comme vous y incitez dans votre ouvrage ?

L’urgence pour les entreprises est avant tout dans l’acculturation et la formation de leurs collaborateurs. Les techniques et technologies autour de l’analytique sont matures et peuvent largement répondre aux besoins des entreprises. La limitation dans le progrès d’une « data-driven culture » réside dans notre manque de connaissance du sujet, l’utilisation non optimale de solutions, l’organisation autour de process non optimaux et nos propres résistances ou anxiété face aux révolutions digitales. Les Data Pionniers, tels qu’ils sont abordés dans l’ouvrage, représentent ces profils qui abordent l’analytique à travers toutes ses composantes (humaine, data, système et processus) pour bâtir non seulement des analytiques pertinentes mais également créer et entretenir une culture data partout dans l’entreprise.

Comment s’assurer de l’utilisation à bon escient des données produites en entreprise ?

La concentration sur des besoins métier doit être notre guide. Dans l’abord de ces problématiques, nous devons ensuite réfléchir aux implications de l’application de ces données.

Je considère souvent 4 aspects : Est-ce que j’ai vraiment besoin de ces informations ? Ou est-ce qu’il n’y a pas une autre data tout aussi pertinente et moins sensible ? Est-ce que la complexité de récupération de l’information (coût, temps, complexité) est en phase avec le bénéfice attendu ? Ai-je le droit d’utiliser ces informations pour répondre à mon problème ? Est-ce respectueux, éthique, moral d’utiliser ces données ?

Quelle doit être la place de l’humain au sein des technologies et des données dans le nouveau monde vers lequel on tend ?

La place de l’humain sera et a toujours été centrale. L’humain est l’alpha et l’oméga de l’analytique : il pose la question et il agit en fonction de la réponse. La data n’est qu’un moyen pour connecter problème et solution. La partie du travail la plus importante nous incombera toujours : challenger et agir.

La formation reste-elle le seul moyen d’avoir des data analysts compétents au service des entreprises et des administrations ? Quels sont les avantages à maîtriser la data ?

Je suis probablement biaisé sur ce sujet. La formation est clé car la maîtrise de la data passe par l’apprentissage de gestes et techniques précis. On peut faire sans, comme nous le pratiquons souvent sur tableur, mais nous nous privons de tellement d’opportunités d’analyses, de puissance et rapidité de traitement.

Mais la formation doit être accompagnée des éléments tels qu’une pratique immédiate et régulière. Comme dans la plupart des disciplines, c’est l’entrainement qui fait progresser. Et ensuite, un état d’esprit curieux, conquérant et courageux pour oser s’aventurer sur de nouveaux domaines et accepter les échecs nécessaires au progrès.

En plus des formations nécessaires à offrir aux collaborateurs, les organisations doivent offrir un environnement propice à la pratique et à l’audace en analytique. C’est aussi pour cela que le Fisher Center for Business Analytics travaille avec les équipes dirigeantes.

En partenariat avec The Fisher Center For Business Analytics, Cio Mag organise une Expedition Learning à l’Université de Berkeley. Selon vous, quel rôle peut jouer l’Afrique dans la course vers le metavers ?

Absolument. Si les défis techniques sont portés par des organisations qui ont les moyens financiers et la force de recrutement, l’opportunité du Metavers se situe aussi sur ce qui en sera fait. Et dans ce domaine, il ne tient qu’à nous de créer le Metavers que nous voulons. Nous pouvons suivre les sillons créés par les GAFA mais aussi inventer les applications de cet environnement. Il ne tient qu’à nous d’en faire un outil qui serve à nos communautés et de limiter les dérives que nous avons laissées se développer dans les réseaux sociaux actuels.

Plus que jamais, notre créativité, notre pragmatisme, nos valeurs humaines devront être nos guides pour faire de ce Metavers un progrès pour l’humanité. L’Afrique peut être une formidable « Powerhouse » de proposition et d’innovation dans ce domaine. La taille, la richesse culturelle et la diversité d’un si beau continent devrait pouvoir rivaliser avec l’énergie d’une petite vallée sur la côte ouest.

Retrouvez son intervention sur le Métavers lors de la seconde journée des Assises de la Transformation Digitale en Afrique (ATDA 2021). Minutage : 7 : 01 : 28 – 7 : 18 : 52

Michaël Tchokpodo

Michaël Tchokpodo est journaliste communiquant, grand observateur des mutations relatives aux technologies numériques et au développement durable. Correspondant au Bénin pour CIO Mag.

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