Offshoring marocain : malgré la crise, le royaume maintient son leadership régional

Bien que la pandémie ait impacté plusieurs secteurs de l’économie marocaine, elle a aussi été favorable à d’autres secteurs d’activités. Cette conjoncture économique spécifique a été particulièrement bénéfique à l’Offshoring, qui s’est distingué notamment via ses centres de contacts multicanaux et ses opérateurs de BPO (Business Process Outsourcing). La Covid-19 a servi de révélateur à de nouveaux modes opératoires et à des opportunités économiques, ce qui a profité au développement du secteur. L’offshoring s’est saisi de cette opportunité pour implémenter le télétravail à grande échelle et pour renforcer sa résilience managériale. En réponse aux mesures de distanciation, de nouvelles perspectives de développement ont été envisagées, dont l’E-commerce qui connaît une progression historique dans les marchés clients. 

L’offshoring, un secteur porteur

Aujourd’hui l’activité représente un chiffre d’affaires de 14 MMDH, avec plus de 120 000 emplois et 5 écosystèmes. Ce poids lourd de l’économie marocaine est le troisième secteur industriel pourvoyeur de devises du Maroc et le premier pourvoyeur d’emplois en 2020 (Auparavant second après l’automobile). L’Offshoring contribue à hauteur de 5% à la croissance du PIB. A l’international, le Royaume est l’un des leaders régionaux, et notamment n°1 pour le monde francophone, où il maintient son leadership avec 50% de parts de marché. Ses champions nationaux sont engagés dans une dynamique d’expansion internationale, avec des ouvertures en Afrique et en Europe, à l’instar des groupes Majorel et Outsourcia.

Cette évolution spectaculaire résulte de la politique volontariste de l’Etat et de sa stabilité, et de l’offre d’une infrastructure qui répond aux normes internationales. Des atouts qui bénéficient au Maroc et lui permettent de se distinguer de ses concurrents. Ils profitent également à la fédération du secteur, laquelle peut marquer son ancrage dans les cercles économiques influents. La Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES) vient ainsi d’être cooptée par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), qui n’est autre que le patronat du pays. Pour la Fédération sectorielle statutaire externe, c’est le signe de la reconnaissance du caractère stratégique de l’activité de l’Externalisation de façon générale.

Continuité des services avec le télétravail

Contacté lors de la préparation de ce dossier, Youssef Chraïbi, Président de la FMES et PDG du groupe Outsourcia, a expliqué que le passage vers le télétravail s’est opéré avec fluidité car il avait été anticipé par les différents opérateurs, avant qu’il ne devienne obligatoire.  « Le premier critère a été l’anticipation. Nous avons vu la crise venir à l’avance, ce qui nous a permis d’être prêts lorsque les mesures de confinement ont été prises au Maroc. Nous avons donc migré très tôt vers le télétravail et avons transféré plusieurs dizaines de milliers de collaborateurs vers le travail à domicile. Ce choix a permis d’assurer la continuité des activités de nos clients, dans le respect de leurs exigences en termes de sécurité et de qualité de service. »

Pour les activités nécessitant la présence des collaborateurs sur site, les outsourcers ont mis en place les mesures de distanciation sociale, avec un taux d’occupation de la capacité de leurs plateaux limité à 50 %. Les salariés ont ainsi pu travailler dans le respect des normes de sécurité anti Covid-19.

L’autre facteur de la fluidité du switch est la prédisposition technologique et managériale du secteur à la collaboration à distance. « Les acteurs du secteur disposaient déjà d’un ensemble d’outils collaboratifs, de processus dédiés à la sécurité des données et des technologies nécessaires pour télétravailler. Tout ceci a facilité la gestion des opérations à distance ».

Sécurité des données

Pour réussir ce challenge, le management a adressé les différentes zones de compromis qui pouvaient affecter sa performance : la productivité, la qualité des services et la sécurité des données. Ces trois volets ont été évalués à distance par les managers, en temps réel, via une panoplie de mesures et d’indicateurs dédiées. A savoir : le temps passé sur une intervention, le temps d’activités, l’assiduité…

En matière de sécurité des données, le secteur faisait partie des bons élèves bien avant la crise. Ceci s’explique par sa connexion avec des partenaires nationaux et internationaux, qui exigent des dispositifs de cybersécurité auprès des outsourcers.  « Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Commission nationale de contrôle de la protection des données (CNDP). Et pour se conformer à la réglementation marocaine sur la protection des données, chaque entreprise a dû mettre en place un dispositif à la fois technique et humain, ainsi qu’une organisation adaptée », a fait remarquer Youssef Chraibi. Il a précisé qu’à l’heure actuelle, ces mesures sont exigées par les donneurs d’ordre. « Nous sommes obligés de nous conformer à ces exigences pour pouvoir accéder à certains marchés. Et sur ce point, les acteurs marocains sont très en avance. »

Formation des compétences

S’agissant des défis et des challenges que doit relever le secteur de l’Offshoring, Youssef Chraibi évoque la formation et le développement du vivier de compétences. Il considère ce chantier comme prioritaire pour conserver la compétitivité. « Pour pouvoir accompagner cette forte croissance, la formation est le chantier le plus important. Ce secteur, qui a démarré depuis 20 ans, a connu une forte croissance ces dernières années, mais elle est limitée par la taille du bassin d’emploi du marché. Le Maroc regorge de compétences offshores, mais le besoin devient de plus en plus pressant pour les soft skills et les compétences en termes de communication et de maîtrise des langues », insiste-t-il.

Youssef Chraibi plaide par ailleurs pour la mise en place d’un contrat programme, dans l’objectif de renforcer le leadership marocain dans la région. « Le Maroc est pionnier dans les métiers de l’Offshoring en Afrique et il est également leader pour le monde francophone. Mais, nous sommes de plus en plus concurrencés par un certain nombre de destinations africaines, qui gagnent en attractivité », souligne-t-il. Pour le président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services, la solution consisterait à réduire le différentiel de coût avec d’autres destinations tout en renforçant un positionnement haut de gamme. Et notamment à travers une fiscalité en faveur de la compétitivité du Maroc, a fortiori parce qu’il mise sur le secteur pour s’ancrer dans la dynamique des métiers mondiaux.

Zakaria Gallouch

 

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