« Les villes intelligentes existent déjà » en Afrique : Jérôme Chenal (EPFL) au DAT Maroc 2022

Les villes intelligentes étaient au coeur du Panel 1 du Digital African Tour Maroc 2022

Digital African Tour Maroc 2022 sur les smart cities (ou villes intelligentes) et villes durables. Panel 1, de g. à d, Saloua Karkri Belkeziz, Senior Experte NTIC (Modératrice), Jérôme Chenal, Directeur de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne – Suisse, Hicham Iraqi Houssaini, Francophone Africa Manager director SAP, Safia Faraj, CM Atos Maroc COO Africa, et Imad Haddour, Managing director Africa Inetum.

Jérôme Chenal, le directeur de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, déclare que les villes intelligentes existent déjà en Afrique. Selon lui, il faut juste réussir à en révéler davantage. Mais aussi investir dans la formation, car elle sera le nerf de la guerre dans le domaine des smart cities.

(Cio Mag) – Pour le directeur de l’EFPL, « les villes intelligentes existent déjà » sur le continent. Il faut maintenant réussir à en révéler encore plus. Et « réfléchir en matière de formation pour ce qui concerne les smart cities parce que ça va être le nerf de la guerre ».

« Si on veut que ces villes deviennent encore plus intelligentes qu’elles ne le sont, si on veut véritablement créer une économie derrière, ça passera par la formation des gens et pas par l’infrastructure routière. Depuis plus de 20 ans que je suis en Afrique, j’ai vu plus de routes se faire que d’ingénieurs se former. Si je ne forme pas les gens capables de comprendre, eh bien, ce sont d’autres qui viendront depuis la Suisse, depuis la France et d’autres pays pour dire comment est-ce qu’on doit faire », a prévenu Jérôme Chenal. Il s’exprimait au cours du Digital African Tour Maroc 2022. Une conférence organisée le 6 octobre à Casablanca par Cio Mag autour du thème : « Villes africaines, comment concilier développement durable, modernisation et innovation ? »

Compétences en villes intelligentes

Partant de son expérience, le directeur de l’EPFL s’est « toujours dit que la ville africaine était par définition une smart city ». C’est-à-dire, cette ville qui est faite de l’intelligence collective de tous les habitants. Cette ville qui fournit « les réseaux que certains appellent informels et qui correspondent à des structures sociales extrêmement précises ».

« Certaines villes étaient bien plus en avant que ce qu’on imaginait. Simplement parce qu’on regardait la chose par le mauvais bout. On regardait la chose par la force de calcul et par l’infrastructure mais pas par l’usage. Moi, ce qui m’intéresse c’est l’usage, l’utilisation finale qu’on va en faire. Lorsque je commence par l’usage, je me rends compte qu’on est bien avancé dans les villes africaines qu’européennes ou américaines », a-t-il soutenu au cours de cette session sur les stratégies numériques et la gouvernance des collectivités territoriales africaines modérée par Saloua Karkri Belkeziz, senior experte en NTIC.

De l’avis du spécialiste, ce qu’on essaie de faire aujourd’hui sur le continent, c’est de « casser » les modèles préexistant et de collecter des modèles qui ne sont pas issus du contexte mais venus d’ailleurs. « Ce qui fait qu’on est à l’aune d’une nouvelle colonisation par le digital, par les Gafa, par les sociétés qui sont en train de mettre le grappin sur les villes et sur les territoires. »

« Si on veut éviter que le prochain maire d’une grande ville [africaine] ne soit un ingénieur de Google », a poursuivi Jérôme Chenal, il faut se donner les moyens « de comprendre ce qui est en train d’être fait, de comprendre ce qu’on est en train de nous vendre ». D’où l’urgence de la formation.

Formation dans les technologies smart cities

Les compétences, une préoccupation partagée par Safia Faraj, Country manager Atos Maroc COO Africa. Au cours de ce panel, elle a énuméré à un certain nombre de problématiques auxquelles sont confrontées les Africains. Entre autres, la croissance démographique, les transports et l’accès aux soins de santé. Des problématiques qui peuvent être adressées via des solutions qui existent et qui émergent sur le continent avec des prérequis. Parmi lesquels, des accès haut débit, des plateformes sécurisées respectant la vie privée et des ressources humaines compétentes.

« Il ne s’agit pas d’importer des solutions [de smart cities] mais de le faire avec nos compétences et d’avoir les moyens de pouvoir les mettre en œuvre », a-t-elle affirmé.   

Attractivité des collectivités territoriales

Pour sa part, Hicham Iraqi Houssaini, Francophone Africa Manager director SAP, a mis en relief quelques statistiques qui ressortent les défis et le potentiel de croissance inclusive des villes africaines.

« Selon un rapport de la Banque mondiale, en 2025, il y a 187 millions d’habitants qui vont migrer vers les villes, et cela, c’est la population du Nigeria. Ça montre qu’il y a une attraction très forte des villes et que c’est un sujet qui devient important. En 2050, deux personnes sur trois vont être urbaines contre une personne actuellement. En Afrique 60% de la population sera urbaine contre 39% aujourd’hui », a présenté Hicham Iraqi. A l’en croire, « ce contexte renforce l’importance de porter un regard particulier sur la smart city parce qu’on a du volume à gérer ».

« A mon avis, il y a un aspect de gouvernance, et la digitalisation doit amener à prendre en charge tout ce flux important de population », a-t-il ajouté.

Selon lui, SAP a travaillé ces cinquante dernières années dans le secteur public et sur de gros sujets de smart city. Ce qui a permis d’identifier quatre axes essentiels dans la gouvernance des collectivités territoriales. A savoir, le management du digital, l’exploitation de la data au service des citoyens, l’excellence opérationnelle et l’innovation, ainsi que l’expérience des citoyens, des investisseurs et des touristes.

Bureaucratie et projets de villes intelligentes

Intervenant à cette occasion, Imad Haddour, Managing director Africa Inetum, a quant à lui, décrié la lenteur d’exécution des projets.  

« On a un problème de rythme avec les projets qui se font. Entre le moment où on a un plan et le moment où on met en production, il se peut qu’il se passe dix ans. Entre temps, la technologie est passée. Il se trouve que nous mettons en place des choses qui soient dépassées par ailleurs. »

Aussi appelle-t-il à réfléchir sur le rythme de réalisation des projets, outre la problématique de la ressource, de la formation et de l’attraction des villes. « La technologie est l’antinomique de la bureaucratie », a-t-il ajouté.

Cas de la commune de Mékhé au Sénégal

Dans un exposé virtuel, Magatte Wade, le maire de Mékhé (Sénégal), a présenté quelques cas d’usage du numérique dans la gouvernance de cette commune rurale. Située à 150 km de Dakar, cette collectivité s’est dotée d’une marketplace ayant permis de vendre les produits artisanaux pendant la crise du Covid.

« Au niveau de Mékhé, nous avons tiré profit de la digitalisation en informatisant tout le système de l’état civil grâce à la coopération internationale. Nous avons procédé à l’élaboration de bases de données et à la numérisation », a déclaré le maire. Il a aussi évoqué d’autres réalisations telles que la monographie digitalisée de l’artisanat assortie d’une base de données et la géolocalisation du matériel roulant.

Mékhé « est la seule ville du Sénégal qui dispose d’une médiathèque et nous sommes en train de mettre en place un musée numérique », a affirmé Magatte Wade.

Les échanges se sont poursuivis par une série de questions/réponses. Pour accéder à la vidéo complète, cliquer 👇 (Panel 1 : 1h29mn13 – 2h31mn19)

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag Online
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
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