Pas d’Ed-Tech possible sans enseignants !

  • Par CIO MAG
  • 23 mars 2023
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Une tribune de Juan Pirlot de Corbion

Pour assurer l’accès à une l’éducation de qualité et promouvoir les possibilités d’apprentissage auprès de toutes et tous, les gouvernements africains sont confrontés à deux défis majeurs. Le premier, qui a notamment été mis en exergue lors de la pandémie, est de rattraper le retard dont souffrent de très nombreux pays du continent en matière d’accès à l’éducation. Selon une étude de l’Unesco1, en Afrique subsaharienne, si le ratio du nombre d’élèves par enseignant qualifié s’est amélioré ces dernières années, il reste néanmoins très élevé. En moyenne, dans le primaire, un enseignant qualifié est responsable de 58 élèves. Un chiffre qui descend seulement à 43 élèves par enseignant qualifié dans le secondaire. La qualité et l’accès à l’éducation est directement lié à ce ratio.

En effet, plus le nombre d’élèves par enseignant qualifié est élevé, plus le temps d’enseignement personnalisé est réduit, dégradant de fait la qualité de ce dernier. Le second défi réside dans la nécessaire adaptation des systèmes éducatifs du continent pour faire face à la forte croissance démographique qui entraîne une hausse très importante du nombre d’élèves à scolariser. Selon l’UNICEF2, la croissance démographique portera, en 2030, la population en âge de fréquenter l’école primaire de 189 millions à 251 millions, impliquant un besoin en enseignants qualifiés de l’ordre de 11 millions de professeurs afin de pouvoir accompagner au mieux cette transition.

Confrontés à ces défis majeurs, la Ed-tech, contraction des termes « éducation » et « technologie », apparait de plus en plus, et ce pour l’ensemble des pays d’Afrique, comme une véritable opportunité pour à la fois améliorer l’accès à un enseignement de qualité et assurer une continuité pédagogique dans l’apprentissage tant assisté qu’en autonomie. Si à ce jour, beaucoup de projets sont encore dans une phase pilote, d’autres font preuve d’un grand succès. Pour preuve sur le continent, le secteur de la Ed-Tech se structure de plus en plus et gagne en visibilité et en crédibilité. Une évolution qui se concrétise à travers une progression significative des financements obtenus par les entrepreneurs mobilisés sur cette problématique. Ainsi, selon Partech, les start-up qui innovent dans ce domaine ont levé 291 millions de dollars en 2021, contre 124 millions de dollars en 2019, soit une croissance de 134 % en deux ans.

C’est conscient de ce contexte que j’ai participé, dans le cadre du Sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Djerba, au colloque organisé par Business France et ses partenaires, sur le thème “EdTech et Francophonie”. Si ce colloque a permis de réaffirmer la volonté partagée par les acteurs francophones du secteur de se mobiliser pleinement pour faire du numérique cet allié salutaire pour assurer l’accès à l’éducation de tous, cet évènement a également été le lieu d’un rappel essentiel et d’une réalité continentale, qu’aucun miracle technologique ne doit effacer. Les projets Ed-Tech doivent s’adapter à la vitesse de développement du réseau internet en Afrique, et d’autant plus dans les zones rurales, ainsi qu’au taux d’équipement, en proposant des solutions innovantes afin de ne pas générer de nouvelles exclusions. En Afrique, la fracture numérique s’accompagne souvent d’une fracture économique. En effet, selon la Banque Mondiale, le taux de pénétration d’Internet en Afrique se situait autour de 22% en Afrique subsaharienne en 2019, contre 55% dans les pays d’Afrique du Nord. Le taux de pénétration du mobile, en pleine expansion, ne se situait qu’aux alentours de 44%3. D’où la nécessité pour que les acteurs de la Ed-Tech puissent permettre l’accès à l’ensemble de leur contenu pédagogique hors réseau internet afin d’atteindre les populations qui n’ont pas les moyens un accès illimité.

Il est indéniable que la dématérialisation des supports pédagogiques facilite l’accès au savoir du plus grand nombre et qu’une réelle appétence existe en Afrique pour cette typologie de contenus. Dans le récent baromètre des lectures publié, nous avons constaté que 31% des lectures enregistrées sur la plateforme depuis l’Afrique concernent des contenus relatifs au développement des savoirs (efficacité professionnelle, entreprenariat, marketing, ouvrages de droit, de compta, éducation…etc.). Et même, au Sénégal, cette typologie de contenu est la première thématique de lecture, représentant presque 35% des lectures totales.

Afin que les distributeurs de contenu éducatif puissent continuer à jouer leur rôle dans l’accès à la connaissance au travers de la lecture, je suis convaincu que nous devons favoriser la formation des enseignants aux outils numériques pour garantir une meilleure utilisation des ressources pédagogiques disponibles en ligne et aussi pour les inciter surtout à partager leurs supports d’enseignements. Ainsi, l’accompagnement des enseignants, par la formation est indispensable si nous voulons assurer l’accès à l’éducation de tous. Il ne peut y avoir une Ed-tech performante sans enseignant formé. Et j’entends jouer un rôle moteur dans la diffusion et la promotion de contenus pédagogiques en accompagnant les enseignants africains à devenir de véritables producteurs de contenus et je souhaite poursuivre notre engagement en faveur de la promotion de la langue française, car comme l’a dit Emmanuel Macron lors de son récent déplacement à Kinshasa, « la francophonie est plus qu’un trait d’union entre la France et l’Afrique c’est un trésor en partage dont la République démocratique du Congo est le centre de gravité ».

1https://www.unesco.org/fr/articles/la-penurie-persistante-denseignants-en-afrique-subsaharienne-compromet-la-reprise-de-leducation

²https://news.un.org/fr/story/2017/10/366732-la-croissance-demographique-en-afrique-necessitera-des-investissements-dans

3https://www.findevgateway.org/fr/publication/2019/09/leconomie-mobile-en-afrique-subsaharienne-edition-2019

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