Jean-Paul Steinitz : « Global Technologies oriente ses actions pour faire des Télécoms une contribution à l’essor économique des pays »

Le Groupe Global Technologies est un acteur de premier rang dans la mise en place des systèmes d’informations technologiques en Afrique. Il totalise 20 années d’expertise en ingénierie, déploiement de projets IT et infrastructures télécoms ; avec une présence dans plus de 40 pays à travers le monde. Son Président directeur général Jean-Paul Steinitz en parle dans cette interview et fait une lecture du secteur des télécoms en Afrique.

CIO Mag : Quelle est la part de marché et la contribution du Groupe Global Technologies ?

Jean-Paul Steinitz : Présente dans 22 pays africains, Global Technologies opère sur le continent depuis plus de 20 ans. Nous avons acquis une solide expertise ainsi qu’une forte expérience. Souvent confrontée à l’austérité des terrains, à des conditions naturelles difficiles, nous déployons nos équipes dans différents contextes d’intervention, avec une large gamme de services, en faveur de différents types de clients.

Metracom, spécialiste en systèmes de télécommunications par satellites, vient d’être ajouté aux entités phares de GT. Pourquoi un tel rachat et quelle vision sur le long terme sous-tend cette action ?

Metracom est un des intégrateurs systèmes de solution SATCOM très connu sur le continent africain et cela depuis plus de deux décennies. Cette société détient un précieux savoir-faire dans le domaine des télécommunications par satellite pour les opérateurs mobile, les réseaux VSAT d’entreprises et le Broadcast. Aujourd’hui, le marché des télécommunications par satellite est en pleine mutation en raison des évolutions technologiques. Ce qui nécessite une nouvelle approche et permet de viser de nouveaux marchés.

L’approche évolue vers des offres en mode service, associant la capacité satellitaire et les stations sols ou mobiles sous la forme de services managés. La combinaison de Metracom avec son expertise SATCOM et de GLOBAL Technologies avec sa capacité à déployer des ressources pour assurer le service dans de nombreux pays, va permettre d’offrir à la fois les solutions et le service, au quotidien.

Aujourd’hui en Afrique, le secteur des télécoms est à la croisée des chemins avec le récent accord entre l’Union Africaine et Huawei. Quelles réflexions cela suscite ?

Huawei est, depuis de nombreuses années, un acteur clé pour les télécoms en Afrique. Nous les voyons comme l’un des acteurs dynamisant le développement des télécommunications sur le continent. Cet acteur vise essentiellement à déployer le haut débit, l’Internet des Objets (IoT), le Cloud Computing, la 5G et l’intelligence artificielle dans les années à venir.
Cette dynamique que représente Huawei crée des opportunités pour tous les acteurs dans le sens où ils n’apportent pas la solution universelle. Le satellite en est un exemple. Il joue un rôle essentiel pour compléter la couverture des zones rurales et isolées où le coût des infrastructures nécessaires pour offrir du haut débit comparé au potentiel de revenus, ne permet pas de déployer ces infrastructures. Il permet également de répondre à la mobilité en haut débit…

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La concurrence devient farouche entre le géant chinois et les entreprises de télécoms existant déjà sur le continent…

Depuis quelques années, Huawei prend une part importante dans la fourniture d’équipements mais n’est pas unique. Il reste de la place pour d’autres avec une approche différenciée notamment en termes de services à apporter pour optimiser et maintenir les infrastructures télécoms. Et c’est précisément à ce niveau que GLOBAL Technologies se positionne. Il y a également des solutions qu’ils n’ont pas en interne comme le satellite qui demeure un compagnon indispensable pour le délestage, les zones rurales ainsi que la mobilité.

“Les télécoms, tout comme l’énergie est primordial pour le développement économique du continent.”

Huawei ne se contente pas de fournir et de mettre en œuvre des équipements, ils les opèrent au quotidien pour certains opérateurs. L’idée pour ces opérateurs étant, à terme, d’externaliser la partie purement physique du réseau pour se concentrer sur le commercial et les applications, en ne conservant que les couches élevées de leurs réseaux. Ces réseaux pourront ainsi être unifiés pour les différents opérateurs et ainsi partager les coûts d’infrastructures. C’est dans ce sens que l’on peut risquer une forme d’asphyxie. Les gouvernements et les régulateurs ont un rôle important à jouer dans ce domaine pour maintenir la concurrence à tous les niveaux, y compris sur la couche physique.

Au vu de cette nouvelle donne, comment se présentent les nouveaux enjeux des télécoms en Afrique ?

Les télécoms, tout comme l’énergie est primordial pour le développement économique du continent. Il faut pouvoir offrir un service universel (à tous) à un prix accessible. La clé pour cela est de continuer d’accroître la couverture afin de donner l’accès à tous, et en parallèle de mettre les nouvelles technologies en service. Ces dernières favorisant la baisse des coûts opérationnels permettant ainsi de baisser les prix au Mbps.

A ce jour, les prix des télécommunications sont plus élevés en Afrique qu’en Europe ! Le déploiement et l’essor des entreprises nécessitent également de pouvoir offrir des services télécoms à plus forte valeur ajoutée incluant des hauts débits, une disponibilité élevée et la mobilité. GLOBAL Technologies et Metracom travaillent au développement de ces services.

La croissance du secteur des technologies en Afrique tient pour beaucoup à sa démographie qui suscite l’implantation des grandes entreprises IT. Pour quels opportunités et risques ?

L’implantation des grandes sociétés du numérique est un bien fait dans le sens où leur savoir-faire permet de mettre en place toute la palette de services et d’applications permettant d’accélérer le développement économique et social des pays dans tous les domaines (Education, Santé, Administration, Commerce, Agriculture, Industrie…). En s’implantant localement, ces entreprises permettent également de recruter et former les personnels et dirigeants localement. Ce qui contribue à la création d’emplois nouveaux, et au développement social.

Justement à ce sujet, l’avènement de la 5G n’est certainement pas sans dangers ?

La 5G apporte essentiellement plus de débit, plus d’ondes sur des fréquences plus élevées avec moins de portée, donc plus d’antennes relais pour une couverture donnée. Le déploiement des réseaux 5G nécessitera de ce fait, une vigilance accrue sur le positionnement des antennes relais afin de prévenir des expositions trop directes sur les personnes.

Et l’insécurité numérique qui reste un monstre à plusieurs têtes. Sous quelles formes se présente-elle ?

Il y a d’une part les réseaux sociaux qui présentent un risque identique à celui que nous rencontrons en Europe : la position dominante des entreprises américaines sur ce créneau et la captation massive des données. Pour certains pays, les réseaux sociaux sont ressentis comme des accélérateurs dans le déploiement de mouvements idéologiques pouvant être source d’instabilité politique, voire de terrorisme.

Comment les entreprises télécoms d’Afrique doivent-elles s’organiser face à ces dangers ?

Les services gouvernementaux de surveillance doivent gagner en efficacité pour détecter ces risques. Les opérateurs télécoms doivent de leur côté être aussi équipés et préparés contre toute malveillance. Cela donne également des opportunités à GLOBAL Technologies pour apporter des solutions de sécurisation afin de contribuer au bon déroulement de cette croissance dans le secteur des technologies.

GLOBAL Technologies est également spécialisée dans la supervision de systèmes et d’infrastructures de télécommunications partout dans le monde. Que préconisez-vous pour parvenir à la sécurité du numérique ?

Il y a essentiellement deux aspects sur ce sujet : la résilience des réseaux afin de garantir un service à tout moment, et en tout lieu. L’évolution technologique va dans ce sens avec les réseaux SDN et notamment l’appui du satellite en délestage et en couverture des zones isolées de façon sécurisée. L’autre aspect est la cyber-sécurité afin de prévenir de toutes malveillances, Les opérateurs en Afrique sont sensibilisés à ce type de menace et cela nous donne, là aussi, une opportunité pour apporter des solutions efficaces.

“Le risque de congestion faute de bande passante suffisante affectera lourdement les réseaux.”

Selon vous, sur quels leviers se jouera l’avenir des télécoms en Afrique ?

Le premier levier est la formation des techniciens et ingénieurs au niveau local. C’est également un gage de succès pour mettre en place les bonnes solutions et apporter un suivi opérationnel de qualité. Un service de télécommunications non satisfaisant est voué à l’échec. Cela se solde par des investissements inutiles et du temps perdu. Le second levier est l’accès universel au numérique qui implique de couvrir toute une zone habitée et des prix accessibles à tous. Le troisième levier est d’être prêt à tenir la bande passante suffisante face à la demande. L’accroissement significatif de consommation de contenus vidéo en est la principale raison. Le risque de congestion faute de bande passante suffisante affectera lourdement les réseaux.

Il est donc nécessaire de mettre en place les solutions permettant de mieux appréhender ces nouveaux modes de consommation : les solutions multicast par satellite pour la distribution de contenus jusqu’aux réseaux d’accès, les solutions SDN (Software Define Network) pour du délestage par satellite en renfort des artères terrestres. C’est essentiellement sur ces axes que GLOBAL Technologies oriente ses actions pour faire des télécoms un succès et par-delà, une contribution à l’essor économique des pays.

Propos recueillis par Michaël Tchokpodo, Bénin

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