Lamine Tall, la finance digitale, au nom de la diaspora

Issu d’une famille d’entrepreneurs, Lamine Tall était condamné, dès le départ, à prendre son destin en main. Seulement, il ne fallait rien décider sur un coup de tête. Le Dakarois qui valse entre Petersen, Maristes et Mermoz comprend que rien ne valait un cursus universitaire rempli. Il s’y attèle, lentement, mais surement.

(CIO Mag) – Après un baccalauréat scientifique obtenu aux Cours Sainte Marie de Hann, à Dakar, Lamine Tall s’envole pour la France où il démarre un Bachelor en systèmes d’information à SKEMA Business School (Lille) qu’il complète aux Etats-Unis, plus précisément à l’Institut Polytechnique de Virginie (Virginia Tech). C’est après qu’il rentre au Sénégal pour s’essayer à l’entrepreneuriat. Seulement, son « projet de tous les risques » qu’il appelle Cauri arrive plus tard lorsqu’il termine son Master en stratégie à l’EDHEC à Lille et intègre de prestigieux cabinets de conseil comme CGI, EY et Deloitte. «Impulser le passage d’une diaspora de la consommation à une diaspora de l’investissement» va sonner comme un déclic dans la tête du jeune entrepreneur qui lance alors Cauri qu’il crée en 2019 mais dont les activités commencent en janvier 2020.

Faire mieux que les acteurs classiques du transfert d’argent

Sa nouvelle trouvaille est « une plateforme digitale construite pour les diasporas africaines et agrégeant des solutions alternatives au transfert d’argent traditionnel à des prix imbattables ». Son apport consiste à démontrer que les besoins de la diaspora envoyant de l’argent en Afrique dépassent l’éternel casse-tête de la dépense quotidienne. Cela implique  une éducation des plus jeunes à l’épargne aux contributions sociales sociales pour le développement de la localité ainsi que l’aide à apporter aux couches défavorisées. Des « problématiques multiples » et ignorées, à ses yeux, par les acteurs classiques du transfert d’argent auxquels il aimerait apporter des solutions innovantes et pérennes. Le partenariat entre Cauri et Village Pilote, une association spécialisée dans la protection des enfants de la rue au Sénégal, qui vise à faciliter la collecte de dons pour l’association auprès de la diaspora Sénégalaise, en est la parfaite émanation.

Une bonne partie de sa clientèle réside en Europe

Pour avoir été émigré et donc au contact de la diaspora sénégalaise pendant plus de 10 ans, Lamine Tall n’a pas vraiment peiné pour se constituer un solide carnet d’adresses. Une partie importante de sa clientèle est constituée de Sénégalais d’Italie, de France et d’Espagne qui envoient 10 à 25 euros par jour au Sénégal. Les enjeux sont énormes et l’entrepreneur en est conscient. Rien qu’en 2017, la diaspora sénégalaise a envoyé 1332 milliards de francs CFA au pays à en croire le rapport annuel de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie. Un chiffre qui pourrait grimper malgré la propagation spectaculaire de la pandémie du Coronavirus et ses conséquences sur l’économie mondiale, explique le Dakarois qui a mis au point une application 100% digitale et spécialisée dans le transfert d’argent des Africains de l’étranger. Actuellement, le polytechnicien a plusieurs centaines de clients. Sauf qu’il voudrait faire mieux d’ici à la fin de l’année avec un objectif chiffré de plus de 15.000 usagers réguliers de Cauri qui prépare actuellement son implantation au Mali et en Côte d’Ivoire avec un œil sur le géant Nigéria où plus de la moitié des 180 millions d’habitants recourent au mobile faute de comptes bancaires.

Atteindre le million d’Africains dans la diaspora

Partis sur des fonds propres, l’ancien pensionnaire des Cours Sainte Marie de Hann et son équipe misent beaucoup sur les Sénégalais de la diaspora, mais comprennent tout de même que le marché est plus global. Pour les prochaines années, le fondateur et patron de Cauri veut franchir la barre du million de clients. L’incubation de sa start-up à la fameuse station F de Paris l’aide beaucoup en terme de contacts, reconnait-il, mais ne perd pas de vue, une seule fois, que le terrain est capital pour assurer le développement et la promotion de sa solution basée sur une tarification adaptée et une plateforme hautement sécurisée.

Un fou de l’informatique

Passionné très tôt du montage et du démontage d’unités centrales d’IBM, il y peinait malgré tout, au grand dam d’un père qui observait, désespéré, son fils. C’est avec un sourire que Lamine Tall glisse ses petits souvenirs qui remontent à ses 14 ans. L’intérêt pour la physique et la chimie arrive plus tôt lorsqu’il en était à ses dix ans. Le petit voulait devenir inventeur à force de côtoyer ces matières et le monde réel. Un geste de son papa lui fit d’un grand secours. Il lui offre un dictionnaire intitulé «Fallait y penser» de François Sebastia, devenu vite un «objet de fascination», raconte encore l’intéressé qui ne manqua pas d’être accroché d’ailleurs en y découvrant des noms devenus célèbres comme Galilée, Gutenberg et un peu plus proche de chez nous, Cheikh Anta Diop. S’il n’a pas su identifier et résoudre les problèmes de la vie, il l’apprendra plus tard lorsque des cabinets tels que CGI le recrutent. C’est d’ailleurs pendant ces années que Lamine Tall sentit concrètement que le destin le préparait à l’entrepreneuriat où l’on fait face à mille équations. Cette expérience m’a préparé « aux exigences de l’entrepreneuriat et de sa fonction première : résoudre des problèmes », se souvient celui qui est de retour au Sénégal pour prendre en charge la digitalisation des transferts d’argent de la diaspora.

Casbi Rudy

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