Professeur associé au Groupe IAM, Joël Pie William Gbaguidi est un Expert Coach et formateur international en développement personnel, professionnel en Intelligence management, certifié Cegos.
Quel est l’impact des TIC et de l’innovation sur le développement du continent ?
Selon l’analyse des auteurs Warigia Bowman, Marianne Mensah, Kevin Urama, «Regard sur la Terre », l’Afrique représente le plus grand défi mondial en termes de technologie de l’information et de la communication. Le continent enregistre les densités de réseaux téléphonique et les niveaux de connectivité Internet les plus bas du monde. Le nombre d’utilisateurs d’Internet en Afrique reste faible, et les tarifs demeurent élevés par rapport aux taux de pénétration et aux coûts pratiqués dans le reste du monde [Akue-Kpakpo, 2013].
Néanmoins, les TIC ont rencontré un succès inattendu en Afrique. Plusieurs analyses mettent en évidence les impacts macroéconomiques des technologies et leurs effets transformateurs sur les sociétés et les économies, en particulier dans les secteurs des banques, de la santé et de l’agriculture. Les autorités publiques, les praticiens du développement, les activistes sociaux et les chefs d’entreprises considèrent l’Afrique comme un nouveau défi, un continent où les TIC pourraient servir de moteur pour la transformation des économies et des sociétés.
Certains préconisent ce qu’on appelle la révolution des TIC, vantant son potentiel pour accroître la participation citoyenne et commerciale, la productivité, les compétences et la transparence. La diffusion des TIC dans toute l’Afrique présente un ensemble complexe de problèmes interdépendants. Elle nécessite la construction des infrastructures physiques, réglementaires, politiques, commerciales et sociales nécessaires pour capitaliser sur la promesse de révolution de la technologie, et doit s’appuyer sur la capacité des citoyens à utiliser la technologie pour faire progresser la démocratie, la participation, la compétence et la transparence. Tout en restant la région la moins connectée au monde, l’Afrique constitue le continent où le nombre d’utilisateurs d’Internet croît le plus vite actuellement.
« L’e-commerce doit inventer sa propre voie, en dehors d’infrastructures parfois déficientes. »
Le monde entre dans l’ère du digital, qu’en est-il de l’Afrique?
Selon le livre de Jean Michel Huet du Cabinet Bearing Point, « le Digital en Afrique ». Le constat est sans appel. Sur fond de forte progression de la téléphonie mobile, du déploiement progressif du haut débit et de l’émergence d’une multitude de start-up, l’Afrique innove à grande vitesse avec des usages inédits et des solutions du quotidien totalement révolutionnaires. Jean-Michel Huet présente dans ce livre les cinq avancées digitales qui ont permis à l’Afrique de sauter des étapes de développement et d’être en passe de devancer les autres continents. Ces cinq sauts numériques, aussi appelés leapfrogs « dépassements », touchent tous les pans de l’économie africaine : les télécoms, les services financiers mobiles, l’e-commerce, l’e-gouvernement et l’économie des plateformes collaboratives.
Les TIC sont-elles une chance pour l’Afrique?
Sans a priori ni angélisme, le livre « le Digital en Afrique » décrypte les évolutions technologiques de l’Afrique et leurs influences sur l’économie. L’auteur parvient à se débarrasser d’une grille de lecture trop « occidentale » ou trop théorique pour saisir les spécificités de ce laboratoire à ciel ouvert qui, un jour ou l’autre, pourrait bien influencer nos propres modes de consommation.
Deux exemples : le développement de nouveaux services financiers (l’Afrique est, de loin, le continent qui concentre le plus d’opérations financières sur mobile) s’est appuyé en grande partie sur un gigantesque réseau d’agents et de boutiques, démontrant que mondes physique et virtuel ne sont pas antinomiques; à l’inverse, le e-commerce doit inventer sa propre voie, en dehors d’infrastructures parfois déficientes sur le sujet. « La technologie vient des pays du Nord mais les usages les plus avancés viennent de l’Afrique », prévient l’auteur, certain que le continent peut rattraper son retard.
Comment se porte le secteur des TIC au Sénégal?
Pour l’année 2017, le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), a contribué à hauteur de 5,1% dans le produit intérieur brut (PIB), selon le rapport de « situation économique et financière en 2017 et perspectives en 2018 », publié par la direction de la prévision et des études économiques du ministère sénégalais de l’Economie, des Finances et du Plan. Le secteur des TIC a généré un revenu de 636,3 milliards FCFA (au prix courant, Ndlr) pour les caisses de l’Etat en 2017. Soit une croissance de 5%. En 2016, la croissance était de 8,7% pour un revenu de 601,4 milliards FCFA.
Dans ce secteur, les services de télécommunications ont pesé pour beaucoup avec 471 milliards FCFA générés, dans un contexte marqué par un taux de pénétration de la téléphonie mobile dépassant la barre des 100% et l’avènement de la 4G, selon Muriel Edjo de Ecofin Telecom
Le Sénégal connait actuellement une phase de reconquête dans le domaine des TIC dans lequel il a été longtemps aux avant-postes en Afrique durant les années 80 à 90, avant de faiblir, faute de constante d’accompagnement par l’Etat, d’un secteur alors en expansion fulgurante.
« Le Sénégal commence à voir émerger le début d’une classe moyenne connectée et consommatrice de contenus. »
Quel est l’avenir de secteur des TIC au Sénégal en particulier et dans l’Afrique en général ?
Selon les états des lieux et perspectives du secteur entre 2010 et 2016, Dakar se positionne comme l’un des centres technologiques actifs en Afrique de l’Ouest. Avec une croissance de plus de 250% entre décembre 2013 et décembre 2015, le secteur de l’Internet mobile, constitue au Sénégal le principal potentiel de développement du secteur des TIC. Avec un taux de croissance économique de 6,5% en 2015 et estimé, pas les autorités sénégalaises, à 7,6% pour 2016 le Sénégal commence à voir émerger le début d’une classe moyenne connectée et consommatrice de contenus, et offre des opportunités à saisir à moyen terme.
Quand il s’agit du numérique et de son écosystème, un pays se détache tout particulièrement des autres en Afrique de l’Ouest : le Sénégal. Les Technologies de l’information et de la Communication (TIC), qui comprennent les télécommunications, segment le plus dynamique et le plus productif de la vie économique sénégalaise, représentent 10% du PIB national et plus de 300 PME/TPE. Le parc technologique et numérique de Diamnadio pourra s’appuyer sur l’implantation de la « Cité du savoir », un espace de 12 hectares qui comprendra des systèmes d’information (centre de mutualisation et de partage, centre de « cloud computing », centre d’archivage physique et numérique, centre de ressources informatiques), un espace de services techniques (centre de surveillance et de contrôle à distance), un espace gouvernance et évaluation (MESR, agence nationale de l’assurance qualité dans l’enseignement supérieur), et un espace recherche et culture scientifique et technique (plateforme de mutualisation des technologies de pointe, incubateur, fablab, planétarium, médiathèque).
L’article d’Évariste Dakouré « TIC et développement en Afrique : approche critique d’initiatives et enjeux », à la faveur de la démocratisation des équipements informatiques et d’Internet au cours des années 1990, les techniques de l’information et de la communication (TIC) ont été présentées (et le sont toujours) comme la passerelle que des pays pauvres comme ceux d’Afrique devraient emprunter pour impulser leur développement. Cette approche a alimenté une large production discursive afin de promouvoir ces dispositifs, et cela est en partie motivé par des stratégies capitalistes visant la conquête de marchés nouveaux.
De plus, le déploiement des infrastructures TIC en Afrique crée des disparités entre pays et à l’intérieur d’un même pays, allant ainsi à l’encontre des discours présentant ces TIC comme la panacée du développement. Par ailleurs, les stratégies capitalistes dans le secteur des télécommunications en Afrique font face à des résistances venant notamment de syndicats, d’associations de consommateurs, de militants de logiciels libres, même si les multinationales usent de lobbying pour passer outre ces réactions.
Entretien réalisé par Youcef MAALLEMI