Etienne Kouadio Doh, General manager Afrique de l’Ouest francophone de MainOne, opérateur international de connectivité Internet et Data, se prononce sur les investissements qui permettront à la Côte d’Ivoire d’être totalement numérique. Interview.
Propos recueillis par Anselme AKEKO
CIO Mag : Avec la multiplication des usages et l’appétence des clients pour le haut débit, peut-on affirmer que la fibre optique est la seule alternative ?
Etienne Kouadio Doh : La forte demande en haut débit en Côte d’Ivoire est générée par l’évolution rapide de son écosystème numérique. Un écosystème caractérisé par la fourniture d’une connectivité et par des infrastructures mobiles améliorées, en particulier grâce à la fibre optique. Selon l’Autorité de régulation des télécommunications/ TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI), le taux de pénétration de la téléphonie mobile était de 141,6% en septembre 2019. Et 75% de la population bénéficiait d’une couverture 3G. La pénétration du haut débit mobile 4G étant pour sa part de 55%. Si le secteur ivoirien des télécommunications est l’un des plus développés d’Afrique de l’Ouest, le nombre d’abonnés à l’Internet fixe reste encore très faible. Ils sont 204.748 abonnés pour l’Internet fixe contre 15.254.087 pour l’Internet mobile. Le gros défi en Côte d’Ivoire consiste à développer, dans les foyers et dans les entreprises, des services numériques.
Le développement des infrastructures permettra à la Côte d’Ivoire de soutenir l’essor du numérique. Avec la demande croissante de contenu vidéo, d’analyse de données et de services cloud, les câbles de communication à fibres optiques sont devenus essentiels. Le transfert de données s’effectue à une vitesse proche de celle de la lumière. Et les câbles supportent des capacités de bande passante par usager allant jusqu’à 100 Gbps. Il faudra néanmoins quelques années pour construire un réseau de fibre sur tout le territoire ivoirien.
Malgré les bonnes performances des backbones, des opérateurs choisissent des voies intermédiaires entre le DSL et le tout fibre. Quelles sont leurs motivations ?
Les connexions DSL et fibre ont toutes pour objectif de connecter les consommateurs au Backbone. Le DSL (Digital Subscriber Line) distribue Internet via des lignes téléphoniques en cuivre. Ses vitesses de téléchargement sont généralement comprises entre 1 et 35 Mbps. Quant à la fibre optique, elle utilise une technologie fiable et évolutive. Et fournit Internet via des câbles à fibre optique. Ses vitesses de téléchargement vont jusqu’à 1 000 Mbps en fonction de l’interface du réseau d’accès. Le principal argument de vente de la technologie DSL est sa disponibilité, en particulier dans les zones rurales.
« Les opérateurs ont réalisé que les services en ligne sont de plus en plus gourmands en bande passante (…) Pour eux, l’avantage de la fibre, c’est sa vitesse, sa qualité et sa résilience. »
Pour fournir des connexions directes aux consommateurs, les Fournisseurs de services Internet (FAI) ont en effet utilisé les infrastructures en cuivre installées dans les années 1970-80 pour les lignes téléphoniques. Mais, au fur et à mesure, la fibre va remplacer le cuivre. Les opérateurs ont réalisé que les services en ligne sont de plus en plus gourmands en bande passante. Et que la demande des consommateurs est à la hausse. Pour eux, l’avantage de la fibre, c’est sa vitesse, sa qualité et sa résilience. Et pour le fournisseur, c’est sa capacité à fournir aux utilisateurs finaux des services diversifiés et évolutifs.
Face à la concurrence des OTT (Over The Top), quel est le marché de niche d’Internet pour les opérateurs télécoms ?
La demande en haut débit s’accentue pour diverses raisons. La croissance démographique en est une, tout comme l’amélioration des infrastructures et l’augmentation du nombre d’abonnés au réseau mobile. La commercialisation d’appareils et de smartphones plus sophistiqués, et l’entrée de plateformes OTT, contribuent également à cet essor. Les opérateurs télécoms créent non seulement leurs propres produits et services numériques, mais fournissent également l’infrastructure de connectivité. Et les OTT ont besoin d’infrastructure pour fournir leurs services média.
« Les OTT sont déjà positionnés pour fournir des services gratuits comme WhatsApp, Facebook, Skype… Et vont le rester. »
Au cours des prochaines années, le nombre de clients numériques sur la planète augmentera, ainsi que le temps passé sur les plateformes pour communiquer. Les OTT sont déjà positionnés pour fournir des services gratuits comme WhatsApp, Facebook, Skype… Et vont le rester. A charge pour les fournisseurs de services de développer de nouvelles approches pour augmenter leurs revenus. Par exemple, en recrutant et en fidélisant davantage de clients grâce à des options de connectivité améliorées. Et en les distribuant sur les réseaux 4G et 5G. Les collaborations entre OTT et opérateurs vont accroître le phénomène. Et seront vecteur de développement de l’économie numérique.
Quelle peut-être la contribution de MainOne pour renforcer la connectivité de la Côte d’Ivoire ?
MainOne propose une connectivité de classe mondiale et des infrastructures de datacenter qui répondent aux besoins actuels et futurs du marché. Grâce à notre service de transporteur Global Internet Transit (GIT), nous offrons une connectivité Internet XXL. Les opérateurs, les grandes entreprises, les fournisseurs de services Internet (FAI) et les agences gouvernementales bénéficient d’une connectivité optimisée. Ils peuvent ainsi proposer une gamme complète de services à haut débit à leurs clients. Notre réseau IPNGN (Internet Protocol Next Generation Network) permet la commutation du trafic en Afrique de l’Ouest. Grâce à ses connexions aux différents points d’échanges Internet au Ghana, au Nigéria, en Afrique de l’Ouest – West Africa Internet exchange (WAF-IX) – et bientôt en Côte d’Ivoire avec CIV-IX, les clients peuvent désormais bénéficier d’une prestation de services améliorée, à des coûts réduits. Et avec de faibles temps de latence. International Private Leased Circuit (IPLC), notre service de communication pour les entreprises et les organisations internationales, offre de nombreux avantages. Comme l’accès à Internet et l’échange de données commerciales. Ou encore la vidéoconférence entre les points de présence en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. En incluant l’accès à plus de 200 points de peering dans le monde.
« Stratégiquement, nous promouvons le partage des infrastructures et considérons ces collaborations comme essentielles pour les opérateurs. »
Le déploiement de MainOne en Côte d’Ivoire peut-il servir de modèle pour celui d’Internet en Afrique de l’Ouest ?
Notre objectif est de réduire la fracture numérique entre l’Afrique et le reste du monde. Nous avons pour cela investi dans des infrastructures de dernière génération et nous collaborons avec d’autres opérateurs d’infrastructures de réseau. Grâce à nos investissements dans la sous-région, des pays tels que le Burkina Faso ou le Niger ont pu être connectés. Ils l’ont été en s’appuyant sur les réseaux des opérateurs au Ghana, au Bénin et au Togo. Ces opérateurs ayant des actifs de fibres jusqu’aux frontières de ces pays, les services sont alors récupérés et livrés aux partenaires commerciaux de MainOne. Stratégiquement, nous promouvons le partage des infrastructures et considérons ces collaborations comme essentielles pour les opérateurs. Elles maximisent efficacement la valeur des actifs de fibre existants, élargissent la portée des services et réduisent le coût de la prestation de services aux consommateurs.