IA, la foi dans les algorithmes compromet-elle l’avenir de la médecine?

Le domaine de la médecine s’est fortement modernisé en profitant des différentes révolutions industrielles, ce qui a contribué à une amélioration notable de l’espérance de vie. L’Afrique n’est pas à la marge de cette transition du secteur médicale avec l’adoption de certaines pratiques certes balbutiantes mais ö combien vitales. La crise du Covid-19 a permis d’explorer encore une plus grande capacité de déploiement de solutions à la fois intelligentes et frugales.

Aujourd’hui, et selon le dernier rapport de l’OMS l’espérance de vie à la naissance a déjà connu et connaitra une nette amélioration : « alors qu’une personne, née en 2000 pouvait espérer vivre jusqu’à 66.5 ans, celles qui sont nées en 2016 peuvent espérer atteindre les 72ans ». Aussi, les maladies non transmissibles (MNT) tuent chaque année 41 millions de personnes, ce qui représente 71% des décès dans le monde. Chaque année, 15 millions de personnes âgées entre 30 à 69 ans, meurent d’une MNT et plus de 85% de ces décès «prématurés» surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.[1]

L’avènement de la révolution numérique, l’émergence du « digital Healthcare », et de l’intelligence artificielle (IA) offrent maintenant aux patients la possibilité d’introduire des solutions connectées pour un accès aux soins plus performant, un meilleur diagnostic, une meilleure efficacité thérapeutique et un suivi plus précis. Ce qui interpelle, les médecins futuristes à repenser l’avenir de la profession médicale.

Alors, la question qui s’impose : jusqu’où la transformation numérique pourra améliorer la performance du processus médical ?

La réponse est de plus en plus évidente, puisque la digitalisation concerne désormais toutes les étapes du parcours de soin, le E-rendez-vous, les plateformes médicales du médecin remplaçant, les Apps santé, le dossier médical informatisé, la télémédecine, la médecine robotisée, les soins à distance, l’internet des objets (IOT), les objets connectés, l’intelligence artificielle, le Big- data et mille autres innovations.

Dans le domaine du diagnostic médical, l’IA apporte une plus-value au travail du médecin et surtout luis permettre une prise en charge plus économique ciblée et efficace.

Figure 1 : avantages de l’IA en médecine

Les objets connectés :

Ce sont de petits appareils portés (montre, bracelet, téléphone…), capables de collecter des données personnalisées en temps réel, encourageant des modes de vie plus sains et rassemblant une quantité de données à utiliser dans la recherche médicale. L’ère du  « Quantified Self » semble connaître un tournant puisque les données sont davantage réutilisées à des fins plus médicales et moins autocentrées.[2]

Désormais, les praticiens seront appelés à prescrire de plus en plus des montres connectées « SMARTWATCH », permettant la mesure et le suivi de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque, du l’ECG voire même du Holter tensionnel, ce qui contribuera à mieux prévenir les crises cardiaques et les complications de l’hypertension artérielle, notamment, les accidents vasculaires cérébraux.

Dans le domaine de la santé et sécurité au travail, les entreprises peuvent à l’aide de dispositifs portables connectés, mesurer des paramètres de sécurité au travail (température, niveau de son, niveau de lumière…), réviser leur démarche ergonomique ou même les processus internes, afin d’évoluer vers un niveau de sécurité plus élevé.

Certaines entreprises ont déjà introduit des appareils portables sur leur lieu de travail pour évaluer ou améliorer le niveau de performance du personnel, en surveillant les niveaux de stress et des paramètres de santé.

Les logiciels d’aide au diagnostic

Ce système a été inspiré du programme Watson, celui-ci est en mesure d’analyser avec un degré de pertinence et de précisons jamais égalé de toutes les données d’un patient : ses informations personnelles (Age, sexe, poids…), symptômes, les consultations médicales, ses antécédents familiaux, ses antécédents personnels ses résultats d’examens paracliniques, ses habitudes de vie, ses traitements etc. La firme IBM avait affirmé que «le logiciel peut engager avec le professionnel une discussion collaborative dans le but de déterminer le diagnostic le plus vraisemblable et les options de traitement». Et surtout, aller au-delà de tout cela,  comparer un patient particulier, sa situation, et son pronostic en fonction de l’effet de tous les traitements déjà appliqués à tous les patients similaires avant lui, il a la capacité de surfer le web et de chercher les toutes nouvelles publications , en particulier dans le domaine de l’oncologie médicale , permettant de proposer au médecin traitant les tout nouveaux traitement tout en précisant le pronostic  .

Les algorithmes de l’apprentissage automatique

En 2017 déjà, des chercheurs américains avaient mis en valeur la pertinence des systèmes d’intelligence artificielle dits de deep learning (ou apprentissage profond) en dermatologie. Un algorithme de l’IA a été conçu en se basant sur une grande sélection d’images de lésions prises par dermatoscopie (une technologie qui permet la fois de supprimer les reflets de la lumière sur la peau, donc d’accéder aux couches plus profondes, et de les visualiser grâce à un très fort grossissement). Cet algorithme serait capable de faire le diagnostic instantané d’une lésion dermatologique, en détectant le mélanome malin avec une précision proche à celle du meilleur dermatologue, soit 89 % de bonnes réponses pour les dermatologues, 95 % pour la machine.[3]

Le deep learning ou apprentissage profond est un type d’intelligence artificielle dérivé du machine learning (apprentissage automatique) où la machine est capable d’apprendre par elle-même, contrairement à la programmation où elle se contente d’exécuter à la lettre des règles prédéterminées.

 

Dans le domaine de la radiologie, les algorithmes de l’IA, pourraient révolutionner le domaine de la radiologie diagnostique, lui permettant de mieux se concentrer sur l’étude de cas cliniques compliqués, détecter les lésions millimétriques et les anomalies non détectables à l’œil nu, ils peuvent aussi améliorer la qualité du compte rendu, offrant au médecin la possibilité de  consacrer plus du temps au patient. Selon une analyse une analyse publiée dans The Lancet Digital Health, dans le domaine de la radiologie, il y a encore du chemin à parcourir, selon xiaoxuan Liu et al. , “L’intelligence artificielle semble détecter les maladies à partir de l’imagerie médicale avec les mêmes niveaux de pertinence que les professionnels de santé” mais “au vu du faible nombre d’études de bonne qualité disponibles, le vrai potentiel de l’IA reste incertain”.[4]

En avril 2018, la FDA a approuvé IDx-DR, un outil utilisant l’IA pour détecter la rétinopathie diabétique en étudiant les images de fond d’œil.  Dans l’étude clinique qui a mené à l’approbation, l’algorithme de l’IA a détecté correctement la rétinopathie diabétique selon un degré de précision 89,5%. C’est le premier outil du genre qui peut être utilisé pour le diagnostic sans l’intervention d’un médecin.

Aujourd’hui, le principal défi consiste à réussir des algorithmes utilisant simultanément différentes sources de données interopérables (cliniques, génétiques, appareils connectés, smartphones, big-data, fichiers médicaux, etc.)

Ce tsunami technologique, avance selon une vitesse bouleversante, surtout après l’avènement de la pandémie du covid-19. Il faut néanmoins s’interroger non seulement sur l’efficacité et la fiabilité de ces algorithmes, mais aussi sur les questions éthiques que leur utilisation suppose (secret médical, protection des données à caractère personnel, éthique médicale, délimitation de la sphère privée). Et surtout, de l’accompagner par une réglementation solide, par exemple en cas de préjudice, un retard ou une erreur diagnostic et/ou thérapeutique, quel serait le responsable, le(s) concepteur (s) du logiciel, le développeur, le chargé de la programmation, le vendeur, ou bien le médecin qui l’a utilisé ?

Et si l’Afrique devenait l’épicentre de la médecine moderne ?

Entre manque d’infrastructures hospitalières et grande capacité de résilience face à la pandémie du Covid-19, l’Afrique a donné une leçon au reste du monde. Des enseignements à méditer pour les occidentaux et à explorer pour les africains pour faire émerger de nouvelles pratiques basées sur l’IA et la big data.

En Afrique, ces solutions technologiques pourraient apporter une formidable réponse au manque physique d’infrastructures hospitalières. La digitalisation des systèmes de santé en Afrique est devenue une réalité. De l’hôpital Zéro papier au Ghana grâce à la technologie de la blockchain aux applications SMS adoptées au Rwanda pour amélioration du suivi des grossesses et la santé des nouveau-nés ou encore celles de la plateforme de drones pour livrer des poches de sang dans des zones rurales ou difficile d’accès sont quelques exemples pour confirmer l’engouement de l’Afrique à l’eSanté.

Le fort élan des innovateurs pour mettre en place des solutions pour faire face au Covid-19 confirme aussi la grande capacité des africains face à la résilience et leur foi aux technologies numériques pour améliorer les systèmes de santé. On assistera de plus en plus l’introduction d’innovations sur mesure réfléchies et adaptées aux contextes locaux. C’est le cas du masque intelligent de détection automatique à distance du Covid-19 (MIDAD) crée au Maroc, du ChatBot disponible sur WhatsApp pour informer la population congolaise sur la pandémie de COVID-19 ou encore une solution robotique baptisée “Docteur Car” mis en place par l’Université Polytechnique du Sénégal. Il s’agit d’un robot, multitâches et polyglotte 100% africain au service des soignants, piloté à distance grâce à une caméra et une application. Le robot peut faire le tour des chambres pour prendre la température ou la tension des malades ou leur apporter leurs médicaments ou leurs repas. Tout ceci porte à croire que l’Afrique peut se doter d’un système de santé plus performant grâce à la logique prédictive issue de la big data. Avec une stratégie et une volonté politique plus avancées, l’Afrique, à l’image de ses performances dans l’adoption de la téléphonie mobile ou de la finance mobile, pourrait accroitre une plus grande inclusion sanitaire de ses populations de façon plus directe, simple, beaucoup moins onéreuse.

« Le vrai signe d‘intelligence n‘est pas la connaissance, mais l‘imagination »
Einstein

Dr GHANIMI Rajae
Docteur en médecine
Spécialiste en médecine du travail
Ecrivaine chercheuse.

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[1] https://www.who.int/fr

[2] https://quantifiedself.com

[3] https://www.sciencesetavenir.fr

[4] https://www.thelancet.com/journals/landig/article/PIIS2589-7500(19)30123-2/fulltext

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