L’édition 2022 du Digital African Tour a été un rendez-vous d’échange autour du modèle de smart city à proposer aux villes africaines. Cette première DAT en présentiel post covid-19 a réuni du beau monde : décideurs, spécialistes, universitaires, bailleurs et partenaires de l’événement. Le deuxième panel de la conférence a porté sur le thème « Co-construire la smart city, de la réflexion stratégique au modèle de financement : quelles spécificités pour l’Afrique ? »
(Cio mag) – Le modèle de financement des villes durables et intelligentes en Afrique était la problématique analysée dans le deuxième panel du Digital African Tour 2022 tenu au Maroc ce 6 octobre. Sous la modération de Redouane El Halaoui, Président APEBI-Maroc ; Vincent Poujol, DG Sofrecom Maroc ; Mehdi Kettani, CEO DXC Technology Maroc ; Mounir Soussi, Vice-président cloud et IA Huawei Technologies ; Alan Houndelette, Directeur Général OpenCitiz France ont proposé leurs lectures du sujet.
La stratégie ou les stratégies ?
Les villes africaines sont appelées à construire des modèles de développement propres à elles. L’ensemble des intervenants sont d’avis sur ce point. Vincent Poujol, DG Sofrecom Maroc a évoqué le cas de la ville de Benguerir, un exemple de smart city autour d’un pôle universitaire. S’il est impossible d’implanter une université dans chaque ville, pour M. Poujol, c’est bien la preuve que chaque ville doit penser son modèle de développement et de ville intelligente. Il a invité les villes à « libérer les énergies qui sont des facteurs de développement des smart cities ».
La stratégie de développement d’une ville intelligente devrait s’appuyer sur trois axes, a évoqué pour sa part Mounir Soussi, Vice-président cloud et IA Huawei Technologies. Il s’agit des « cas d’usage, des infrastructures et la réglementation et de la définition même des modèles ». Les ‘’use case’’, selon le Vice-président Cloud et IA Huawei Technologies permettent de créer de la valeur pour les citoyens. Cela passe, entre autres, par la création de la ‘’safe city’’, la ville sécurisée ; celle qui facilite le quotidien (transports, désengorgement des voies, les soins de santé etc). Les cas d’usages nécessitent donc la mise en place d’infrastructures. Deuxième axe de la stratégie ! Mounir Soussi a expliqué qu’ « il n’y a pas de smart city sans infrastructures ». Pour ce faire, il faut s’appuyer sur des leviers comme le cloud, le big data, l’open data. Le tout avec une réglementation qui garantisse la protection des données, la sécurité a soutenu M. Soussi de Huawei. A en croire le Vice-président Cloud et IA Huawei Technologies, l’entreprise accompagne plus de 700 villes en Afrique, en Asie et au Moyen Orient à développer leurs modèles de smart cities. Parmi elles, plus d’une cinquantaine se sont distinguées avec des Awards comme villes intelligentes en sécurité, transport, services rendus aux citoyens…
Alan Houndelette, Directeur Général OpenCitiz France a également soutenu ce même point de vue. En accompagnant les territoires dans leurs développements, Alan Houndelette en vient à la conclusion selon laquelle « il ne faut pas copier un modèle existant ». Il explique sa vision par l’évolution rapide des technologies qui rendent très vite caduc ce qui a existé. Chercher à aller au-delà de ce qui existe est plus pertinent, fait-il observer. Mais il rappelle que pour les villes et les territoires, il n’est pas forcément aisé de suivre la tendance des évolutions technologiques.
Pour ce faire, les panélistes ont proposé aux villes de repenser leur mode de fonctionnement lorsqu’il s’agit de déployer des projets de villes intelligentes. Alan Houndelette a proposé de ne pas s’y lancer projet par projet mais d’adopter une démarche globale, avec le lancement de plusieurs projets à la fois, mais à des degrés différents. Ce qui, selon l’expert, permet de lutter contre l’acculturation dont le rattrapage est plus difficile.
Quid du financement des smart cities ?
A chaque modèle, un mécanisme de financement. Mehdi Kettani, CEO DXC Technology Maroc fait observer que le citoyen doit être la préoccupation des services. Et comme tel, le citoyen par le paiement de ces impôts a droit à un certain nombre de services gratuits. Cependant, en fonction des besoins, il y a potentiellement un certain nombre de services payants, a expliqué Mehdi Kettani. Selon lui, les villes ont des capacités de mobilisation de financements qu’il faut donc mettre à profit, qu’il soit des financements publics ou privés.
Pour les villes, « ne pas investir coûte aujourd’hui plus cher qu’investir », a soutenu Alan Houndelette qui a appelé à sensibiliser les villes et territoires.
Parlant de levier, Vincent Poujol, DG Sofrecom Maroc a fait observer que les opérateurs sont en première ligne. Pour inciter les investissements, il a invité les Etats à ne pas mettre les bâtons dans les roues des acteurs privés. Sa réflexion consiste à demander aux Etats « d’être capable d’alléger, de simplifier et de réguler avec délicatesse » les opérateurs. Car, une réglementation trop corsée (impôts et autres) peut constituer des freins aux investissements. « Les opérateurs télécoms sont en première ligne des investissements qui soutiennent le développement numérique. Il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or », a-t-il alerté.
Les gouvernants ne peuvent pas tout. Il faut dès lors encourager le partenariat public-privé (PPP), a insisté Mounir Soussi, Vice-président cloud et IA Huawei Technologies. « Les projets de smart cities sont créateurs de valeurs », a-t-il laissé entendre en citant des exemples de modèles en Arabie Saoudite avec une augmentation du PIB de plus de 3% en trois ans ! L’ensemble des acteurs ont appelé les Etats à mettre en place des législations qui permettent aux villes et territoires de mener de manière autonome leurs projets de développement, notamment par la recherche de financements ou par des mécanismes souples d’appels d’offres.
En conclusion de ce panel, le modérateur Redouane El Halaoui, Président APEBI-Maroc a proposé une synthèse centrée sur les enjeux des smart cities en Afrique. Il s’agit avant tout de « la création de la compétence et la création de valeur pour ne pas subir, être uniquement consommateur mais producteurs des technologies », a-t-il conclu. Ce qui suppose d’éviter de copier-coller les modèles, de développer des modèles en fonctions des besoins en diversifiant les sources de financement et à penser à la sécurité, la réglementation etc…pour des services appropriés aux populations.