A Abidjan, le Cyber Africa Forum (CAF 2023) constate la faible préparation du continent à la cybersécurité au regard de la forte exposition des entreprises et des personnes aux risques cybers qui découlent de la transformation digitale.
(Cio Mag) – La pénétration de l’internet mobile augmente à une vitesse constante depuis une dizaine d’années. 250 millions d’internautes sont actifs sur les réseaux sociaux. Plus de 690 milliards de dollars de transactions ont été enregistrées sur les services de paiement mobile en Afrique subsaharienne en 2021 – en hausse de 40% selon la GSMA. L’Afrique est en train de faire de la mobilité le moyen le moins cher et le plus pratique pour les entreprises d’offrir des services à des consommateurs qui passent de plus en plus au numérique.
Toutefois, malgré une croissance rapide de l’accès à internet, plusieurs indicateurs pointent une faible préparation du continent à la cybersécurité pendant que l’économie digitale se développe. On compte parmi ces indicateurs l’exposition “élevée” de l’industrie financière aux menaces informatiques externes (43%), constituant pour la deuxième année consécutive, la préoccupation majeure des chefs d’entreprises comme indiqué dans le Baromètre de l’industrie financière africaine Deloitte / AFIS 2023.
L’on se souvient également de la fuite de données de la BOA du Mali et leur recel pour une somme de 10 millions de dollars. Ou encore du hacking de l’ARTP-Sénégal, avec un vol de près de 150 Go de données personnelles. Plus globalement, les cybercriminels ont sévi sur le continent avec environ 1 848 attaques par semaine ciblant une organisation en Afrique contre 1 164 dans le monde.
Selon le cabinet Verified Market Research, le marché de la cybersécurité au Moyen-Orient et en Afrique, qui était évalué à 5,92 milliards USD en 2018, devrait atteindre 17,30 milliards USD d’ici 2026. C’est dire, suivant le ministre ivoirien Amadou Coulibaly en charge de la Communication et de l’Economie numérique, « l’importance du futur besoin de protection qu’exprimeront les entreprises et les gouvernements » face au risque cyber. Un risque dont la croissance s’est démultiplié depuis l’avènement du Covid-19 et qui continue de modifier les usages tout en exposant aussi bien les consommateurs que les fournisseurs de services dématérialisés.
Des cybermenaces plus que réelles
« En Côte d’Ivoire, en 2021, le coût de la cybercriminalité était évalué à environ 6 milliards de FCFA avec 5 000 plaintes reçues par la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité, et un taux de résolution de 50% environ, ce qui en fait un ratio élevé », a déclaré le ministre Amadou Coulibaly dans son allocution d’ouverture du Cyber Africa Forum 2023, le lundi 24 avril à Abidjan. Selon lui, les autorités ivoiriennes prennent très au sérieux les cybermenaces compte tenu de l’impact négatif qu’elles peuvent avoir sur la croissance d’un pays. C’est donc à juste titre que « le gouvernement a adopté en conseil des ministres le 22 décembre 2021, une Stratégie nationale de cybersécurité 2021-2025, qui définit les grands axes dont certains portent sur la protection du cyberespace, le renforcement de la confiance numérique et la coopération internationale », a ajouté le ministre.
Veiller à la sécurité
En tout état de cause, l’importance économique et sociale de la transformation digitale s’accompagne d’un besoin croissant de veiller à ce que les millions de personnes et d’entreprises connectées par internet et par les services digitaux en particulier, puissent continuer d’en profiter en toute sécurité. Pour répondre efficacement à ce défi, plusieurs propositions ont été formulées au cours du Cyber Africa Forum 2023.
« Au sein de nos pays, les gouvernements doivent travailler en étroite collaboration avec les entreprises et les organisations pour renforcer la sécurité de leurs systèmes informatiques et réduire les risques d’attaques », a réitéré le commissaire général du CAF 2023, Franck Kié.
Anticipation, cyber-résilience, compétences
Adnan Ben Halima, vice-président en charge des relations publiques pour la région Méditerranée de Huawei Northern Africa, recommande la proactivité et l’anticipation. « Il ne faut pas voir la sécurité comme un centre de coût mais comme une priorité », a-t-il soutenu.
Pour sa part, Didier Kla, directeur Orange Business et Broadband Côte d’Ivoire, prône la cyber-résilience par la mise en place d’une politique de sécurité qui englobe les outils et les plans de continuité et de reprise d’activité afin de « minimiser les dégâts » d’une éventuelle cyberattaque.
Intervenant à cette occasion, André-Marc Loko, directeur général de l’Agence des systèmes d’information et du numérique du Bénin (ASI), a, lui, insisté sur la nécessité de retenir les talents africains sur le continent en mettant en place des dispositifs locaux qui favorisent la création d’entreprises privées et de valeurs « que les personnes formées recherchent ».
Directeur général de SaH analytics France, Moussa Traoré souligne quant à lui, l’importance de réfléchir à des parcours de formation qui permettront aux diplômés IT de rajouter des compétences cybersécurité à leur background et combler les déficits de compétences des entreprises qui expriment aujourd’hui le besoin d’adresser des problématiques de cybersécurité quand elles adoptent le numérique ou se mettent à ouvrir leurs réseaux informatiques.
Au-delà des échanges, le Cyber Africa Forum est aussi un endroit pour établir des relations durables, renforcer les partenariats existants et créer de nouvelles collaborations. Selon Franck Kié, plus de 300 experts en sécurité informatique, plus de 1 200 participants et plus de 45 entreprises privées et organisations publiques sont mobilisés au CAF 2023 qui s’est achevé le mardi 25 avril à Abidjan.