De g. à d., Cédric Mangaud, Leslie Ossété et Clyde Fakhoury au cours de la cérémonie d’inauguration de Mstudio à Abidjan, courant mars 2023.
Mstudio est un créateur de startups qui a choisi de s’installer en mars dernier en Côte d’Ivoire, hub technologique en puissance, d’où il compte atteindre son objectif de lancer 30 champions de la Tech en Afrique de l’Ouest francophone d’ici 2026.
100% opérationnelle et focalisée sur l’exécution, cette nouvelle organisation d’appui à l’entrepreneuriat basée à Abidjan n’a pas l’intention de réinventer la roue, et c’est voulu. Ses cofondateurs, Cédric Mangaud, Leslie Ossété et Clyde Fakhoury, ont tous les trois acquis et développé une expérience internationale autour du mobile, du secteur informel et de l’investissement en Afrique. Ce sont ces atouts qu’ils entendent mettre à profit pour accompagner d’autres entrepreneurs. En faisant partie du Global Startup Studio Network (GSSN), une communauté sélective des 50 meilleurs studios dans le monde, Mstudio dit utiliser une méthodologie reconnue pour l’accompagnement des startups, de l’idéation à la Série A. Ce qui permet aux entrepreneurs de faire une levée auprès de Venture Capital internationaux deux fois plus vite et 30% moins risqués.
Dans cet entretien, l’état majeur de Mstudio représenté par Cédric Mangaud et Leslie Ossété, respectivement CEO et COO, explique pourquoi les fonds levés par les startups d’Afrique francophone sont si infimes par rapport à ceux des entrepreneurs anglophones. Il dévoile par la même occasion la recette de Mstudio pour changer la donne.
Cio Mag : Quelle est votre définition du champion de la Tech ?
Leslie Ossété : Un champion de la Tech, c’est une startup qui répond à un réel besoin des populations à travers une innovation technologique adaptée. C’est cette entreprise qui a su déceler un problème, apporter une solution concrète, conquérir un marché, générer du revenu et créer de l’emploi. D’un point de vue financier, le champion de la Tech affiche des perspectives de croissance importantes et parvient à lever des fonds pour poursuivre son déploiement à l’international.
Ici, en Afrique, j’ajouterai qu’un véritable champion de la Tech est celui qui met la technologie au service des secteurs prioritaires, en permettant l’accès à cette innovation, ce produit ou service, au plus grand nombre possible.
Cio Mag : En avez-vous identifiés en Côte d’Ivoire ?
Leslie Ossété : En Côte d’Ivoire, nous pouvons citer des startups telles que Anka, Julaya ou encore Djamo.
Cio Mag : De votre point de vue d’entrepreneur convaincu des immenses potentialités du continent, comment expliquez-vous que les fonds levés par les startups d’Afrique francophone soient si insignifiants comparés aux prouesses des anglophones ?
Cédric Mangaud : Effectivement, les chiffres sont univoques. Selon le rapport de Briter Bridges publié en 2021 portant sur l’état de la technologie et de l’investissement en Afrique francophone, sur les 8,8 milliards de dollars levés entre 2015 et 2021, l’écosystème startup de l’Afrique francophone a capté seulement 417,9 millions de dollars, soit 5%. Cet écart est lié à plusieurs facteurs.
Lorsque les smartphones et solutions digitales ont commencé à se répandre au Kenya ou Nigeria avec le mobile banking, la création de business autour des outils numériques s’est démultipliée. Ainsi, le potentiel technologique et numérique anglophone a très tôt captivé les investisseurs étrangers, majoritairement anglophones.
On peut également mentionner un cadre réglementaire anglophone beaucoup plus flexible et facilitateur à l’égard des startups et des investisseurs anglophones. Aussi, plusieurs fonds d’investissement en capital risque ont une présence dans des capitales comme Nairobi ou Lagos, donc un accès direct aux opportunités d’investissement locales, ce qui n’est pas le cas en Afrique francophone.
Cio Mag : Pourquoi avoir choisi la Côte d’Ivoire comme porte d’entrée de Mstudio en Afrique francophone ?
Leslie Ossété : Mstudio a décidé d’ouvrir en Côte d’Ivoire pour y faire grandir l’écosystème entrepreneurial car nous sommes persuadés que les investissements internationaux se joueront en Afrique francophone dans les 10 prochaines années.
D’une part, parce qu’ils affichent un taux de croissance positif. Selon la Banque Mondiale, la croissance du PIB réel de la région Afrique de l’Ouest et Centrale est estimée à 3,4 % en 2023, et d’autre part, en raison de la multiplication des programmes d’accélération de startups en Afrique francophone pour équilibrer les investissements entre pays francophones et anglophones, tel qu’on le voit avec les initiatives portées par la DER au Sénégal.
Au cœur de ce dynamisme entrepreneurial se trouve la Côte d’Ivoire, hub technologique régional en puissance.
En effet, le pays développe une véritable attractivité et rassemble des entrepreneurs et investisseurs du monde entier au cours de grands évènements tels que l’Africa CEO Forum. Le gouvernement ivoirien assure également ses engagements en termes d’accompagnement des startups avec l’adoption en janvier 2023 d’un projet de loi portant sur la promotion des startups numériques.
Cio Mag : Djoli, Tajiri et Lonya sont les trois startups que Mstudio a déjà lancées. Les deux premières évoluent dans le commerce en ligne quand la troisième se construit dans l’EdTech. Faut-il déduire que le commerce en ligne et l’EdTech sont des secteurs à fort potentiel de développement en Côte d’Ivoire ?
Leslie Ossété : Effectivement. Plusieurs facteurs sont propices au développement du commerce en ligne en Afrique francophone : la forte pénétration du mobile, l’intégration des solutions de paiements digitaux telles que le mobile money et les habitudes de consommation qui s’ouvrent de plus en plus à la commande en ligne. Dans la mesure où la raison d’être de Mstudio est de transformer le secteur informel en Afrique, en encourageant le e-commerce, on agit positivement sur la structuration du retail traditionnel.
Concernant l’EdTech, on part du constat suivant : l’enseignement et le système éducatif présentent de réelles difficultés structurelles. Le digital et tout ce qu’il permet, à savoir la numérisation des procédés d’enseignement et plus largement d’éducation offre des possibilités d’amélioration qualitatives et quantitatives du système éducatif et de formation professionnelle. Enrichir l’offre pédagogique, palier au déficit de manuels pédagogiques et d’enseignants, réduire les distances matérielles entre la formation et l’apprenant sont autant de promesses des EdTechs en Afrique francophone.
Cio Mag : Le pari de Mstudio est de tripler le nombre de startups d’Afrique francophone capables de lever des fonds. A première vue, votre approche n’est pas nouvelle. Qui plus est, des organisations d’appui à l’entrepreneuriat existent déjà à Abidjan comme dans d’autres capitales de la sous-région. Alors concrètement, qu’est-ce que Mstudio apporte de différent ? Quelle est réellement sa valeur ajoutée dans la co-construction de champions numériques ?
Cédric Mangaud : Nous avons une approche 100% opérationnelle. Tout d’abord, en tant qu’entrepreneurs internationaux dans la Tech, nous mettons à profit notre expérience pour accompagner d’autres entrepreneurs. Nous répliquons des business modèles éprouvés d’Afrique anglophone en Afrique francophone. Nous apprenons ainsi de ces startups et gagnons du temps. L’idée pour nous n’est pas de réinventer la roue, mais se focaliser sur l’exécution. De plus, nous mettons à disposition une équipe d’experts multidisciplinaires, de standard international et spécialisés dans l’accompagnement de startups technologiques, en UI/UX design, corporate finance, fundraising, produit et architecture, talent et recrutement, go to market, growth marketing etc., qui accompagnent ces startups au quotidien et leur fournissent un environnement dédié pour leur croissance et leur développement. Une boîte à outils est également disponible pour permettre à nos startups d’utiliser les applications les plus réputées dans le milieu de la tech, et ainsi optimiser leur productivité.
Chaque mois, des entrepreneurs à succès de partout dans le monde viennent à Abidjan pour mentorer nos startups de manière rapprochée et leur transférer leur expertise.
Cio Mag : Quid de l’assistance financière ?
Cédric Mangaud : Au-delà de l’assistance technique, chacune de nos startups reçoit un investissement preseed de 250.000 € et un accompagnement en nature d’une valeur annuelle de 500.000 € sur une période de 12 mois.
Grâce à notre playbook inspiré de méthodologies éprouvées par les meilleures startups studios du monde, nous créons étape par étape un processus clair et actionnable pour aider nos startups à développer un MVP (Minimun Viable Product, traduire en français : processus de développement produit, ndlr), acquérir leurs premiers clients, générer du revenu, atteindre le product market fit, et ainsi, lever un tour de table seed auprès de Venture Capital internationaux.