1 – Introduction
L’intelligence artificielle (IA) révolutionne nos sociétés et économies à une vitesse vertigineuse. Ses progrès fulgurants ouvrent des perspectives aussi excitantes qu’inquiétantes pour l’avenir de l’humanité. Au cœur de cette révolution technologique, l’Afrique entend prendre toute sa place et saisir les immenses opportunités offertes par l’IA pour son développement. Le potentiel de l’IA pour catalyser le développement durable en Afrique est énorme.
Au-delà des gains économiques, elle offre des leviers formidables pour relever les grands défis sociaux et environnementaux du continent, de la lutte contre la pauvreté à l’adaptation au changement climatique en passant par l’accès à la santé et à l’éducation pour tous. À condition qu’elle soit mise au service du bien commun et non au profit d’une minorité.
Mais gare, si l’Afrique rate ce virage de l’IA, elle risque de rester durablement en marge de l’économie mondiale. Sans maîtrise locale de ces technologies, le continent s’expose à une nouvelle forme de colonisation technologique par les géants mondiaux de l’IA. Ses talents et ses données pourraient être captés par ces multinationales étrangères, reproduisant des schémas néocoloniaux de domination. Les enjeux sont donc de taille. Il s’agit de la souveraineté numérique de l’Afrique et de sa place dans le nouvel ordre mondial qui se dessine.
Ce Policy brief est un résumé de l’étude intitulée « L’Intelligence artificielle en Afrique : potentiel de développement économique et défis à relever », il apporte un éclairage précieux sur ces questions cruciales. Puisse-t-elle nourrir le débat et inspirer l’action pour que l’Afrique devienne un acteur majeur, et non un simple spectateur, de la révolution irréversible de l’IA en cours. Il souligne à la fois l’immense potentiel de l’IA pour le développement durable de l’Afrique, mais aussi les risques de retard et de nouvelle forme de dépendance technologique si le continent ne se dote pas d’une maîtrise souveraine de ces technologies. Elle pose bien les enjeux stratégiques et plaide pour une mobilisation de toutes les parties prenantes africaines autour de cet enjeu décisif pour l’avenir du continent.
2 – Impacts de l’IA sur l’emploi
Selon des études de Goldman Sachs et McKinsey, l’intelligence artificielle (IA) pourrait automatiser des millions d’emplois dans le monde, principalement dans les pays développés. Certains secteurs comme la vente au détail, l’administration et l’industrie seraient particulièrement touchés. Cependant, l’IA devrait aussi créer de nouveaux emplois, notamment dans la technologie et la santé. Au final, son impact net sur l’emploi dépendra de la capacité des travailleurs et des entreprises à s’adapter à cette transformation.
Au niveau mondial
- L’ l’IA générative pourrait automatiser 300 millions d’emplois à temps plein, principalement dans les pays développés (rapport Goldman Sachs 2023).
- 14% des employés dans le monde devront changer de carrière d’ici 2030 en raison de la numérisation, de la robotique et des progrès de l’IA (rapport McKinsey),
- Environ deux tiers des professions aux États-Unis sont partiellement automatisées par l’IA, avec une part de leur charge de travail (25 à 50%) susceptible d’être remplacée (rapport Goldman Sachs 2023)
Figure 1 : Two-Thirds of Current Occupations Could be Partially Automated by AI. (Source Gold Sachs 2023)
En Afrique
- Selon le FMI, environ 26% des emplois dans les pays à faible revenu comme ceux d’Afrique seront affectés par l’IA, un taux moins élevé que dans les pays riches (60%) et les pays émergents (40%)
- Une étude de McKinsey sur l’Afrique du Sud estime que d’ici 2030, le secteur de la vente au détail pourrait perdre 334 000 emplois, l’administration 309 000, l’industrie 231 000, les transports 186 000, l’agriculture 87 000 et l’immobilier 20 000 emplois à cause de l’IA.
- L’étude de McKinsey prévoit la création nette de 1,2 million d’emplois en Afrique du Sud d’ici 2030, avec 4,5 millions de nouveaux emplois créés, principalement dans la technologie, la santé (570 000) et la construction (261 000).
3 – Impacts économique de l’IA
Selon une étude de PwC, l’intelligence artificielle (IA) pourrait contribuer jusqu’à 15,7 billions de dollars au PIB mondial d’ici 2030, soit une croissance économique supplémentaire de 14%. Les principaux bénéficiaires seraient la Chine avec +26% de PIB grâce aux gains de productivité dans l’industrie, et l’Amérique du Nord avec +14,5% de PIB. Cependant, l’IA entraînerait aussi une destruction d’emplois liée à l’automatisation, mais de nouveaux emplois émergeraient dans les data sciences et la gestion de projets IA
Au niveau mondial
- Contribution potentielle de 15,7 billions de dollars au PIB mondial d’ici 2030, soit une augmentation de 14%.
En Afrique
- Contribution potentielle d’environ 1,5 billion de dollars au PIB africain d’ici 2030, soit une augmentation de 5,6% du PIB du continent.
- – Secteurs clés pouvant bénéficier de l’IA : santé, agriculture, éducation, services financiers, etc.
Bien que l’impact économique potentiel de l’IA soit substantiel au niveau mondial comme en Afrique, il existe un écart important entre les pays développés bien préparés et le continent africain qui doit relever plusieurs défis
4 – Défis identifiés en Afrique
- Manque d’infrastructures numériques
Seulement 42% de la population africaine aura accès à internet en 2024 et il y a moins de 100 datacenters sur le continent (1,3% du total mondial).
Figure 2 : Nombre de Data centers mondiaux Source ; https://baxtel.com/map
- Déficit de compétences spécialisées
Selon une enquête de l’UNESCO, 26 pays africains déclarent ne pas avoir les moyens pour traiter les implications éthiques de l’IA, reflétant un manque criant de compétences spécialisées.
Figure 3 : Ressources pédagogiques (source Unesco 2022)
- déficit de recherche en IA en Afrique, un frein au développement d’une intelligence artificielle souveraine
La capacité de recherche en intelligence artificielle (IA) en Afrique est particulièrement préoccupante.
Selon le rapport AI Index 2023, seulement 0,77% des citations dans la revue scientifique “The AI Journal” provenaient d’Afrique subsaharienne cette année-là. Ce faible pourcentage met en évidence un écart considérable dans la contribution de l’Afrique à la recherche mondiale sur l’IA.Il souligne le besoin urgent d’investir massivement dans le renforcement des capacités de recherche africaines dans ce domaine stratégique.Un déficit qui pourrait entraver le développement d’une IA souveraine et adaptée aux réalités du continent.
Figure 4 : Number of publication IA by region
- Risque de nouvelle forme de colonisation numérique
Sans maîtrise locale de l’IA, l’Afrique risque une dépendance aux solutions des multinationales étrangères, avec un pillage des talents et données africains. Un expert de l’ONU craint que l’Afrique ne devienne un terrain d’expérimentations hasardeuses.
- Financement limité des startups IA africaines
La Figure 4 illustre de manière frappante le retard de l’Afrique en matière de financement des startups, avec seulement 3% des fonds levés au niveau mondial en 2022.Malgré une croissance de l’écosystème entrepreneurial africain, les investissements restent marginaux comparés à d’autres régions, Ce sous-financement chronique entrave l’émergence de champions technologiques africains d’envergure continentale ou mondiale dans des domaines stratégiques comme l’IA.
Figure 5 : Percentage of funds raised by African startups.
5 – Recommandations
- Élaborer des stratégies nationales ambitieuses en matière d’IA, avec des objectifs chiffrés, un financement dédié et une gouvernance au plus haut niveau de l’État. S’inspirer des bonnes pratiques des pays les plus avancés.
- Investir massivement dans les infrastructures numériques pour démocratiser l’accès à la connectivité haut débit et au cloud computing. Développer un réseau dense de data centers.
- Lancer de grands programmes de formation aux métiers de l’IA pour combler le déficit de compétences. Intégrer l’IA dans les cursus.
- Mettre en place des cadres réglementaires et éthiques pour une IA de confiance (lois, autorités de régulation, guidelines éthiques).
- Soutenir le développement de champions technologiques IA africains par des politiques industrielles ciblées.
- Promouvoir une approche panafricaine de l’IA en renforçant la coopération entre pays.
- Mettre l’IA au service des ODD et des défis prioritaires (santé, éducation, agriculture, climat).
- Intégrer l’IA dans les cursus scolaires et universitaires.
- Stimuler la recherche africaine en IA avec plus de financements. Créer des centres d’excellence en IA. Encourager les collaborations régionales et avec la diaspora.
Une Tribune D’Aronco Giuseppe Renzo Laurent, Economist
Sources
1. Africa Interconnect 2023 [Figures 14 et 15]
2. Agence Ecofin https://www.agenceecofin.com/telecom/1701-115317-lintelligence-artificielle-aura-un-impact-sur-pres-de-40-des-emplois-dans-le-monde-etude
3. Anthropotechnie https://www.anthropotechnie.com/organoides-neuronaux-quelle-ethique
4. Baxtel | https://baxtel.com/map [Figure 13]
5. Bionity www.bionity.com/fr/news/1179733/des-bio-ordinateurs-alimentes-par-des-cellules-du-cerveau-humain.html[10] [Figure 11]
6. Cairn.info https://www.cairn.info/l-economie-de-l-afrique–9782707176387-page-111.htm[6]
7. Challenges https://www.challenges.fr/education/chat-gpt-education-et-enseignement-le-monde-academique-en-phase-dapprentissage_853578
8. CIO Mag https://cio-mag.com/afrique-maitriser-lia-ou-renoncer-a-la-souverainete-numerique/
9. CPCCAF https://cpccaf.org/ia-quel-impact-sur-lafrique/ [5]
10. CRDI https://idrc-crdi.ca/fr/histoires/intelligence-artificielle-ou-en-est-lafrique[2]
11. CRDI https://idrc-crdi.ca/fr/initiative/intelligence-artificielle-ia-pour-le-developpement-en-afrique
12. CRDI |https://idrc-crdi.ca/fr/perspectives/pour-une-intelligence-artificielle-africaine-ethique-et-equitable
13. Developer Orange : https://developer.orange.com/apis/om-webpay[10]
14. Digital Umuganda : https://digitalumuganda.com/ [20]
15. Europia :https://institut-europia.eu/une-renaissance-numerique-avec-lia/ [8]
16. Forbes : Source citée dans le rapport
17. Forum économique mondial 2023 | Source citée dans le rapport
18. Frontiersinhttps://www.frontiersin.org/journals/science/articles/10.3389/fsci.2023.1017235/full[12] |
19. Grant Thornton : Source citée dans le rapport
20. Institut Europia : https://institut-europia.eu/une-renaissance-numerique-avec-lia/
21. Journal du Net : https://www.journaldunet.com/intelligence-artificielle/1494883-l-ia-est-en-train-de-revolutionner-la-gestion-d-actifs-des-banques-francaises/
22. Le Big Data : https://www.lebigdata.fr/comment-lia-va-contribuer-a-la-lutte-contre-le-changement-climatique