Il est le fondateur et CEO de Cloud Inspire, une startup technologique créée il y a 5 ans. Rencontre avec Danny Afahounko, self-made-man visionnaire qui veut contribuer à créer le maximum de champions africains capables de bâtir des solutions cloud adaptées à l’environnement et au contexte africains.
(Cio Mag) – Danny Afahounko est sans doute un entrepreneur audacieux. Architecte senior d’infrastructures cloud, il propose une solution cloud « prête à l’emploi » afin de relever ce défi technologique incontournable dans la digitalisation d’une économie. Bâtie sur des logiciels open source, cette plateforme veut permettre aux entreprises de commencer directement à délivrer des services cloud auto-managés et former en même temps leurs équipes supports à la conception et au développement d’une infrastructure cloud. Une compétence précieuse pour pouvoir mettre en place toute la chaîne d’automatisation, répondre aux besoins des utilisateurs et alimenter les développements actuels et futurs en matière de cloud computing. Dans ce domaine, l’Afrique fait face à un déficit criard et c’est, selon le tech entrepreneur, ce qui explique ses difficultés à bâtir et à déployer elle-même ses propres plateformes.
« Aujourd’hui, nous, Africains, pouvons bâtir notre propre cloud, hébergé sur nos infrastructures locales, en utilisant des outils entièrement open source. Il nous faut le savoir-faire pour implémenter ces outils. Il y a aussi la nécessité de mettre en place une équipe d’ingénieurs pour consolider et maintenir le projet. Et derrière, il faut, bien sûr, une équipe support. Tout cela demande de l’ingénierie et une équipe robuste », affirme-t-il.
Dans l’état actuel des compétences et expertises disponibles, un opérateur de datacenter va demander à la PME qui désire y héberger ses solutions informatiques, de ramener ses propres équipements. Pour Danny Afahounko, cela signifie que cette PME doit avoir la surface financière pour pouvoir acheter un serveur, le dédouaner, monter elle-même ses équipements, les brancher, les interconnecter, et après opérer toute la configuration de routage. S’assurer ensuite que la sécurité y est avant de monter sa plateforme virtuelle, et espérer que son projet fonctionne.
« C’est impossible ! Ce modèle coûte cher. Du coup, cette PME préfère aller chez Amazon, OVH, Google, Microsoft ou tout autre hyperscaler, et commander un serveur prêt à l’emploi pour démarrer son projet et pouvoir se concentrer sur son business. »
En plus, poursuit l’entrepreneur tech, l’opérateur qui se lance sur le marché du cloud doit pouvoir constituer une équipe aguerrie : architectes, développeurs, intégrateurs, etc. « Retour des courses, il se retrouve avec des coûts exorbitants pour finalement offrir de petits services, ce qui ne lui permet pas de rentabiliser ses investissements. Notre objectif vise donc à accompagner les entrepreneurs et les entreprises à franchir le cap des défis techniques liés à la mise en place de solutions cloud pour devenir de vrais champions africains. »
A l’en croire, ce ne sont pas les conditions qui manquent sur le continent ni les opportunités. L’Afrique, dit-il fièrement, est équipée de plus de 150 datacenters de niveau Tiers 3 interconnectés et d’une cinquantaine de points d’échange Internet qui communiquent entre eux. « Les datacenters sont opérationnels. Nous avons de la redondance au niveau énergétique, la sécurité physique, et le matériel. Nous avons également des points d’échange où plusieurs réseaux internet se rencontrent et se brassent pour créer le point le plus court sans avoir à passer par l’Europe et revenir en Afrique. Qu’est-ce qui manque ? C’est le cloud africain. »
Vendor Lock-out
Si héberger des solutions numériques chez un hyperscaler est la garantie de bénéficier de services managés et stables, l’alternative proposée par Danny Afahounko consiste alors à permettre aux Africains de délivrer les mêmes solutions via des datacenters situés sur le continent. Et ce, « grâce à une plateforme cloud permettant de transformer et de gérer une infrastructure on-premise comme un cloud comparable à ceux d’Amazon, Azure ou Google, avec les mêmes fonctionnalités ». Il simplifie ainsi les challenges d’ingénierie pour une plus grande autonomie.
« Il ne s’agit pas de remplacer les hyperscaler qui proposent des solutions “One way” où l’utilisateur se retrouve tellement lié au fournisseur qu’il lui est de facto impossible d’en changer. Il s’agit plutôt d’offrir des alternatives africaines en mode “Vendor lock-out” permettant aux entreprises de sortir de ce verrouillage et ne plus se sentir obligées de choisir entre les fournisseurs européens, américains ou asiatiques. Pour cela, Il faut qu’on ait des solutions en Afrique bâties par des Africains pour répondre aux besoins africains. »
Propulsé par l’Intelligence artificielle, le cloud de Danny Afahounko gère et analyse de façon automatisée les logs venant de diverses sources afin de proposer des chantiers d’amélioration et de perfectionnement du système de sécurité existant. Selon lui, l’IA sert aussi d’outil d’aide à la documentation pour apporter de l’assistance aux utilisateurs. Ainsi, les équipes ne sont plus mobilisées sur les tâches routinières et peuvent se focaliser sur d’autres activités. Notamment, le développement et l’apprentissage des modèles d’IA. Pour la direction, l’IA sert d’outil d’aide à la prise de décisions stratégiques à travers des analyses de documents d’archives, de rapports et de fiches Excel.
Qui est Danny Afahounko ?
Dans le monde feutré de la transformation digitale, les hyperscaler jouent un rôle crucial en accompagnant les structures publiques et privées dans l’adoption et l’intégration de solutions cloud. Mais de ce terrain de jeu complexe qui en aurait fait fuir plus d’un, cet informaticien né de parents togolais et béninois n’y a vu que des opportunités de croissance pour les économies africaines, la multiplication de solutions cloud “Made in Africa” contribuant à limiter la sortie de devises.
Ingénieur Réseau Télécoms, Danny Afahounko entend valoriser une expérience éprouvée de plus de quinze ans dans l’industrie des télécoms, de l’Internet et des logiciels informatiques. Après l’obtention de son diplôme en 2002, il travaille d’abord au Togo, au Bénin, au Ghana, et à distance avec quelques partenaires ivoiriens. Ensuite, il rejoint Afrinic, le Registre africain des adresses IP en tant que Network and System Engineer. Puis Red Hat, le premier éditeur mondial de logiciels libres où il occupe la fonction d’architecte. Cet itinéraire lui permet de toucher à tout, d’apprendre l’agilité et l’adaptabilité, qualités essentielles pour un futur entrepreneur dans la tech, mais surtout de découvrir deux mondes. Le premier : l’industrie des télécoms et de l’internet avec ses infrastructures critiques et véloces dont on ne peut se permettre de les avoir à l’arrêt. Le second : le contexte des entreprises africaines où il faut aller pas à pas, tout changement étant maîtrisé de bout en bout. En plus, il est sollicité par des organisations internationales comme African Network Operator Group et African Internet Summit pour donner des formations ou animer des forums sur les réseaux de logiciels libres en qualité de Track leader sur la partie Supervision et Réseau.
« Ce sont des communautés où les experts se retrouvent pour partager leurs expériences en réseau, interconnexion… Au cours des ateliers, je montrais comment opérer des infrastructures, comment les mettre en place et les superviser. C’est à ce moment que je découvre ce marché ; je constate qu’il y a moyen d’automatiser les process pour aboutir aux mêmes résultats. »
Une nouvelle opportunité que Danny Afahounko s’empresse de saisir. En 2019, il crée Cloud Inspire, une startup drivée par l’idée de montrer comment se bâtit une infrastructure cloud. Après une période de cinq années, très formatrices dans le monde de l’entreprenariat, il décide de se focaliser sur le marché Afrique francophone où « il y a plus de besoins », dit-il. Ce qui explique la tournée de sensibilisation qu’il a entreprise dans la zone UEMOA, du 15 au 20 juillet 2024, à partir de la Côte d’Ivoire, à l’effet de susciter une prise de conscience chez les décideurs locaux. En ligne de mire de ce projet prométhéen, « créer le maximum de talents et de champions en Afrique dans le cloud pour qu’on ait des Elon Musk qui nous proposent des solutions adaptées à nos contextes », affirme-t-il. Mais encore faut-il avoir le soutien des opérateurs de datacenter, et Danny croit en avoir en Côte d’Ivoire.