IA : une jeunesse ivoirienne connectée attend d’être formée pour devenir le moteur de l’innovation

Les Journées de l’intelligence artificielle (JIA) se sont tenues du 25 au 27 février 2025 à Abidjan, réunissant des experts, des professionnels qui utilisent l’IA au quotidien, des salariés inquiets des risques de cette technologie sur leur travail, mais surtout des étudiants qui n’attendent que d’être formés à l’utilisation de l’IA pour devenir des entrepreneurs qui innovent avec cette technologie.

(Cio Mag) – Sous ses airs de jeune citadin et inexpérimenté, Guisso Aristide, 23 ans, nourrit de grands projets. Etudiant en Agriculture tropicale à l’Institut Famah de la Riviera Bonoumin, à Abidjan, son ambition la plus profonde est d’ouvrir une entreprise d’agro-alimentaire à Ouragahio, ville de l’Ouest de la Côte d’Ivoire, où son père cultive une palmeraie. Pour atteindre son but, le jeune apprenant compte s’appuyer sur l’IA.

«J’entends créer une entreprise de transformation d’huile de palme. Et je pense que les data sciences et l’intelligence artificielle peuvent me permettre de collecter les données sur la pluie et le soleil pour pouvoir dire aux parents à quelle période il faut planter. C’est pourquoi je suis venu participer aux JIA afin d’être mieux informé

Puis d’ajouter : «A travers Internet et les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle est déjà dans ma vie, mais pas à un niveau comme que je l’espère. Grâce à cette rencontre, je pourrai l’adapter à mes connaissances et porter moi-même une solution pour aider les agriculteurs dans ma localité

Titulaire d’un Brevet de technicien supérieur en Gestion des ressources humaines, Awoingnan Juliador, 23 ans lui aussi, poursuit ses études en licence professionnelle au Groupe Pigier Côte d’Ivoire. Il utilise déjà ChatGPT et veut en savoir davantage sur l’IA. D’où sa présence aux JIA 2025.

«Plus tard, je veux créer mon propre cabinet pour faciliter le recrutement dans les entreprises grâce à l’IA. Je pense qu’avec l’IA on peut établir un processus de recrutement de sorte que, même en l’absence du recruteur, l’IA puisse conduire un entretien d’embauche. En matière de gestion du personnel, il y a beaucoup de tâches à exécuter ; mais avec l’IA, ça sera plus fluide et facile

Préparation à l’IA

A l’image de Guisso Aristide et Awoingnan Juliador, on observe chez les jeunes étudiants ivoiriens un engouement pour l’IA basé sur des avantages perçus très concrets. Ce qui tranche avec le sentiment d’inquiétude des salariés régulièrement pointés du doigt dans les conférences/débats sur des problématiques d’acculturation digitale.

Selon les statistiques 2023 de l’ARTCI, le pays connait une progression fulgurante de la pénétration de la téléphonie mobile (172,2%) et de l’internet mobile (93,7%). Mais il doit investir encore plus pour gagner le pari d’une IA, levier de la transformation digitale.

En 2024, la Côte d’Ivoire affiche un score de 34,69 sur 100 à l’indice de préparation à l’IA d’Oxford (Government AI Readiness Index 2024), derrière quatre pays d’Afrique de l’Ouest : Cap Vert (40,67), Bénin (42,97), Nigeria (43,33) et Sénégal (46,11).

Pour de nombreux analystes, le déficit de préparation à l’IA préfigure la nécessité de former massivement les travailleurs des entreprises publiques et privées aux technologies d’IA car ils seront très rapidement confrontés, dans leur quotidien, aux geek qui pourraient maîtriser ces technologies et leurs avantages associés.

Cette nécessité a d’ailleurs été largement renforcée par les JIA 2025 auxquelles les étudiants ont été conviés durant trois jours.

IA, impératif pour l’Afrique

« Nous sommes à la croisée des chemins où les décisions que nous prendrons détermineront notre avenir ; l’enjeu n’est plus de suivre le monde mais de le mener », a martelé Jérôme Ribeiro, président de Human AI et co-président du comité d’organisation des JIA 2025.

« La clé est là, vous êtes les talents et les compétences. Aujourd’hui, plus que jamais, votre pays a besoin de vous (…) L’heure est venue d’agir, et nous ne partons pas de zéro. Faisons de la Côte d’Ivoire un leader incontesté de l’IA », a ajouté le président de Human AI face à des centaines de participants.

« L’IA n’est pas une innovation, elle est une révolution », a renchéri Dr Malik Morris Mouzou, président du Conseil international de l’intelligence artificielle (CONIIA), également co-président du comité d’organisation des JIA 2025. Il a particulièrement soutenu la nécessité de mettre en place des mécanismes incitatifs pour attirer des investisseurs, et de faire de nos universités des incubateurs de talents.

IA, levier de croissance 

Intervenant à cette occasion, Jessica Davis Ba, l’ambassadrice des USA en Côte d’Ivoire, a souligné l’importance de l’IA dans la modernisation des services publics et la création d’opportunités économiques et sociales dans tous les secteurs d’activité.

« L’intelligence artificielle est un outil pour accroître la productivité, promouvoir l’épanouissement humain et la sécurité », a poursuivi la diplomate américaine. Non sans encourager la Côte d’Ivoire à travailler avec les Etats-Unis d’Amérique : « En travaillant ensemble, nous pouvons libérer l’innovation. »

Stratégie nationale de l’IA

Les JIA 2025 se sont avéré un incontournable booster d’apprentissage et de transmission des savoirs. Elles proposaient un programme avec des conférences d’experts nationaux et internationaux, des panels interactifs et des présentations d’entreprises innovantes. En offrant aux non-initiés, particulièrement les jeunes, l’opportunité de comprendre concrètement comment l’IA peut transformer les secteurs clés de l’économie et améliorer les services publics, les JIA 2025 ont été une vitrine de ce que les technologies d’IA peuvent apporter à la Côte d’Ivoire, en ligne avec sa stratégie nationale.

Cette Stratégie nationale de l’IA et de la gestion des données, dont la restitution des travaux est annoncée courant mars 2025, se veut être un appel à l’action pour tous ceux qui croient en un avenir où la technologie sert l’humanité, où elle améliore les conditions de vie grâce à une utilisation responsable et éthique.

Derrière l’engagement de l’Etat, il y a l’engouement réel d’une jeunesse branchée 100% digitale qui attend d’être formée à l’utilisation de l’IA pour rapidement devenir un acteur qui comprend, déploie et innove massivement avec cette technologie.

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
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