Déploiement de la 5G : l’Afrique, un terrain fertile ?

Image par ADMC de Pixabay

L’utilisation des réseaux 5G, une réalité dans les pays du Nord depuis plus d’un quinquennat, creuse aujourd’hui un grand fossé entre ces derniers et le continent africain. Avec un potentiel énorme pour accélérer la croissance économique, on peut à juste titre s’interroger sur la capacité de l’Afrique à se l’approprier. Le rapport de l’Union Africaine des Télécommunications (UAT), référencé UAT-R005-0 et relatif au « déploiement de la 5G et cas d’utilisation pertinents en Afrique », tente d’y apporter une réponse.

Déployée en 2020 sur fond de polémique, de méfiance et de tapage médiatique, la 5G fait malgré tout partie du quotidien de plusieurs puissances occidentales. Face à une forte demande de connectivité haut débit, à des dispositifs réglementaires favorables et, par-dessus tout, à la disponibilité des infrastructures, le public s’est rapidement laissé séduire par ce niveau de technologie qui rend obsolète la 4G.

Pendant ce temps, de nombreuses capitales africaines sont encore loin de pouvoir se targuer de disposer d’une 3G stable. Le rapport de l’Union Internationale des Télécommunications, publié en juillet 2025 et intitulé “Measuring Digital Development: Facts and Figures 2024“, indique par exemple qu’en 2024, seulement 38% de la population africaine était connectée à Internet, un chiffre bien loin de la moyenne mondiale de 68%. Plus encore, environ 16% de la population dépend encore de la 3G pour se connecter, avec des débits réduits.

La plus grande part de l’utilisation actuelle d’Internet se fait via des terminaux mobiles, et l’écart d’accès entre citadins et ruraux demeure important. Cet état de fait est loin de permettre à l’Afrique de tirer le meilleur parti de la technologie pour faire décoller son économie.

Le potentiel des réseaux 5G pour l’Afrique

Le rapport de l’UAT reconnaît que la 5G offre « une plus grande vitesse, une latence dix fois inférieure à celle de la 4G, la capacité de connecter un nombre important d’appareils et la possibilité pour ces appareils de communiquer entre eux en temps réel en échangeant des informations pour obtenir différents résultats selon le type de données acheminées et analysées ».

En effet, bien au-delà des usages des réseaux et services de télécommunications, la 5G représente un levier important pour déclencher la transformation de nombreux secteurs d’activité. Sans spécifier un secteur prioritaire, le rapport en évoque plusieurs.

Les caractéristiques clés de la 5G et sa capacité à connecter de nombreux équipements numériques (IoT) ouvrent des perspectives pour une agriculture intelligente et connectée. La collecte de données sur l’humidité du sol, la température, la qualité de l’air, la santé des cultures, le niveau de nutriments, etc., via des drones ou des satellites avec une connexion haut débit, permet d’accélérer leur traitement pour faciliter la prise de décision.

L’automatisation des procédés agricoles, l’optimisation de l’irrigation et des traitements phytosanitaires, l’accès à l’information et à la formation sont autant de possibilités offertes par la 5G pour relever les défis liés au climat, à l’optimisation des rendements, à la pauvreté et à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) 2, 3, 5, 6, 12 et 13.

Dans le secteur éducatif, la 5G promet de réduire la fracture numérique et de démocratiser l’apprentissage en ligne via le Fixed Wireless Access (FWA), la technologie de haut débit sans fil, de créer des écoles et campus connectés, de proposer des processus d’apprentissage personnalisés, de faciliter la collaboration entre enseignants, etc.

La santé n’est pas en reste. Face aux nombreux défis qui persistent, tels que le manque d’infrastructures, la pénurie de personnel médical qualifié et l’accès limité aux soins dans les zones rurales, la 5G permet la téléconsultation, la surveillance de la santé à distance, le suivi des épidémies, la collecte et l’analyse de données de santé publique afin de mieux comprendre les tendances épidémiologiques.

De même, la 5G trouve toute sa place dans la transformation d’autres secteurs comme les TIC, la gestion des services publics, la finance, la logistique et les transports, l’industrie manufacturière et la construction, les mines et l’énergie, la sécurité publique, les secours en cas de catastrophe, ainsi que le tourisme, pour ne citer que ceux-là. Autant d’applications que l’Afrique peut déjà envisager, à la faveur d’un terrain qui, à bien des égards, semble fertile.

Vers l’implémentation de la 5G en Afrique

Plusieurs cas d’utilisation de la 5G montrent que l’Afrique s’apprête véritablement à s’approprier cette technologie. Le rapport de l’UAT souligne que le déploiement est majoritairement assuré par les opérateurs mobiles sur un modèle non autonome (NSA). Ce modèle utilise le réseau central 4G existant, complété par un réseau d’accès radio 5G, pour améliorer les services haut débit. En septembre 2023, la GSM Association a rapporté que 27 réseaux 5G avaient été lancés commercialement dans 16 pays africains : Afrique du Sud, Botswana, Éthiopie, Gambie, Kenya, Nigeria, Madagascar, Maurice, Mozambique, Réunion, Seychelles, Tanzanie, Togo, Ouganda, Zambie et Zimbabwe.

À la fin octobre 2024, 79 opérateurs dans 41 pays africains avaient investi dans des services d’accès sans fil mobile ou fixe 5G, représentant un peu plus de 12 % du total mondial. Cette tendance prouve que l’intérêt pour la 5G est en nette croissance. Cela s’explique en partie par la disponibilité des terminaux capables de prendre en charge la 5G. « Dans son rapport d’octobre 2024 sur l’écosystème mondial des terminaux 5G, la Global Suppliers Association (GSA) a indiqué que le nombre de modèles de terminaux 5G annoncés atteignait un total de 3 125 modèles. Parmi ceux-ci, au moins 2 730 sont considérés comme commercialement disponibles, soit environ 87,4 % de tous les modèles annoncés », précise le rapport.

De plus, la plupart des États (59 %) manifestent leur volonté de mettre en œuvre la 5G, à travers l’élaboration de « politiques de transformation numérique, de stratégies numériques ou de stratégies nationales 5G existantes », comme l’indique l’enquête de l’UAT.

Les infrastructures ne font pas défaut non plus. Les bandes de fréquence n’étant pas spécifiquement allouées au déploiement d’un type particulier de réseau, les opérateurs peuvent déployer la 5G sur les infrastructures préexistantes ou solliciter l’allocation de bandes supérieures. Par ailleurs, « le déploiement de la 5G à ce jour est basé sur un modèle non autonome (NSA) utilisant le réseau central existant complété par un réseau d’accès radio 5G. Le déploiement de réseaux 5G autonomes (SA) reste limité », indique le document.

Sur les 26 pays interrogés dans le cadre du rapport, 20 affirment avoir alloué des bandes de 3,4 à 3,6 GHz, qui offrent un bon compromis entre capacité et couverture. Environ 12 autres allouent les hautes fréquences, comme de 24,25 à 27,5 GHz, et moins de 5 fournissent jusqu’à 37 à 43,5 GHz. Au total, 16 pays profitent déjà pleinement des réseaux 5G, et la tendance à son adoption s’intensifie dans toute l’Afrique, avec les régions centrale et australe comme précurseurs. Cependant, la généralisation ne saurait prospérer dans un environnement encore plein de défis.

L’Afrique face à la transformation de son économie par la 5G

Si les données présentées suggèrent que le continent est prêt à accueillir la 5G, le rapport précise toutefois que cela nécessitera d’emblée certains prérequis.

Pour l’instant, tous les États fondent leur stratégie de mise en œuvre de la 5G sur leur politique nationale de transformation numérique. Les cas d’utilisation prédominants concernent encore les supports mobiles. Néanmoins, les entreprises doivent prendre conscience des gains que peut leur offrir la 5G afin d’en susciter la demande.

Une main-d’œuvre locale et qualifiée, ainsi que des terminaux mobiles fabriqués localement et vendus à un prix abordable aux utilisateurs, deviennent alors essentiels et indispensables pour adapter le très haut débit à faible latence au contexte local.

Le pouvoir public devra par ailleurs jouer un rôle clé dans le déploiement de la technologie. Il s’agira, d’un côté, d’établir de nouveaux modèles de financement pour réduire les coûts de déploiement, et, de l’autre, d’améliorer le cadre réglementaire favorable à l’adoption des réseaux 5G autonomes.

« Le déploiement à grande échelle de la 5G, accompagné de stratégies efficaces en matière de politique, de réglementation et de marché, sera essentiel pour favoriser la croissance économique et accélérer la transformation numérique sur l’ensemble du continent », conclut le rapport de l’UAT.

Michaël Tchokpodo

Michaël Tchokpodo est journaliste communiquant, grand observateur des mutations relatives aux technologies numériques et au développement durable. Correspondant au Bénin pour CIO Mag.

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