Côte d’Ivoire | “Employment4Youth” : comment capitaliser sur les promesses de l’Industrie 4.0 pour booster l’emploi des jeunes ?

Des représentants d’entreprises ivoiriennes bénéficiaires du projet Employment4Youth.

La cérémonie de clôture du projet Employment4Youth, le 16 décembre 2025 à Abidjan, a célébré les acquis en Industrie 4.0 pour l’emploi des jeunes en Côte d’Ivoire. Formations innovantes, stratégie nationale et témoignages ont souligné une transformation agro-industrielle, alignée sur la vision gouvernementale, malgré des défis de financement et de mise à l’échelle.

(CIO Mag) – À Treichville, commune d’Abidjan, le Lycée professionnel d’électronique et d’informatique appliquée (LPELIA) incarne le succès du projet Employment4Youth. Traoré M’Vamara, son directeur, relate comment l’intégration au programme lancé en novembre 2022 a aligné les formations sur les exigences de l’Industrie 4.0. Grâce aux modules sur l’intelligence artificielle (IA), les microcontrôleurs comme Arduino, ESP32 et Raspberry Pi, ainsi que l’automatisation, les apprenants ont brillé à la 48e édition de WorldSkills à Marseille en octobre 2025, remportant le premier prix en IA appliquée à l’agro-écologie. «Le projet Industrie 4.0 dispensé chez nous a naturellement préparé nos apprenants à comprendre, concevoir et déployer des solutions basées sur l’IA en parfaite cohérence avec les enjeux actuels du développement durable», explique Traoré M’Vamara, avec un brin de satisfaction.

Son enthousiasme est également partagé par les jeunes diplômés bénéficiaires du projet Employment4Youth. Inza Bamba, titulaire de la licence professionnelle Industrie 4.0 de l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny de Yamoussoukro (INP-HB) et analyste intégrateur à l’équipe eMobilité de Snedai Technologies, témoigne d’une expérience transformative. Passionné par la fusion entre le monde industriel et l’informatique, il dit avoir profité des FabLabs de cet institut d’excellence pour des pratiques concrètes sur les capteurs, la collecte et l’analyse de données. «C’était une très belle expérience. On ne peut pas parler d’Industrie 4.0 s’il n’y a pas de pratique», insiste-t-il, soulignant l’impact direct sur son insertion professionnelle.

Bénéfices pour l’agro-industrie et le secteur privé

Coulibaly Alimata, directrice d’une entreprise agroalimentaire, confirme que ce projet dope la compétitivité, particulièrement dans l’agro-industrie. Elle voit dans l’Industrie 4.0 un levier puissant pour digitaliser la chaîne complète : sélection des fournisseurs, stockage, production, conditionnement avec ensacheuses électroniques, codes-barres et gestion des retours. «L’Industrie 4.0 va nous accompagner dans ce domaine pour changer d’échelle et aller vers la grande agro-industrie», affirme-t-elle, visant une plus-value accrue, un meilleur chiffre d’affaires et la création d’emplois.

Pour les PME, l’enjeu de la compétitivité a été soutenu par Ange Serge Anon, directeur exécutif de la Fédération ivoirienne des PME. Il met en avant la modélisation des processus via l’IA, l’IoT et le machine learning, qui réduit les coûts de production grâce à une jeunesse formée.

De son côté, Mohamed Touré, représentant de la Commission de l’économie numérique du Patronat ivoirien (CGECI) et Dg de Twenty-First Consulting, insiste sur les diagnostics de maturité, les formations des formateurs et un écosystème structuré. «Les acquis du projet Employment4Youth sont majeurs : des outils concrets comme les diagnostics de maturité qui permettront demain aux entreprises de se situer et de se projeter», déclare-t-il.

Aussi bien dans la Formation professionnelle et l’Enseignement supérieur qu’au sein des PME ivoiriennes – en particulier celles de l’agro-industrie –, les bénéfices du projet Employment4Youth financé par l’Allemagne (BMZ) promettent une modernisation globale du secteur privé, favorisant productivité et compétitivité.

Objectifs

Cette vocation a été rappelée à juste titre par Tidiane Boye, représentant de l’ONUDI en Côte d’Ivoire et au Togo. Selon lui, ce projet vise un double objectif : «D’une part, contribuer à l’accroissement de l’emploi des jeunes en façonnant et en consolidant un écosystème d’économie numérique dans les secteurs manufacturiers et industriels. D’autre part, jeter les bases d’une transformation structurelle de l’économie ivoirienne, notamment dans les secteurs clés de l’agro-industrie et des technologies de l’information et de la communication, à travers la promotion de l’innovation, la modernisation et la digitalisation.»

Coordonné par Traoré Tiémoko, sous la tutelle des ministères du Commerce et de l’Industrie, et de la Transition numérique et de la Digitalisation (MTND), avec l’appui allemand et de l’ONUDI, Employment4Youth a formé plus de 1000 jeunes, accompagné 25 entreprises dont Snedai Technologies, Dronek, Data 354, Syitech, Hakility, et plusieurs PME agro-industrielles. A cela s’ajoutent la formation des formateurs, ainsi que la formation des enseignants de lycées techniques, des universités et grandes écoles.

Stratégie nationale Industrie 4.0

Comme l’ont indiqué les partenaires, l’ensemble des réalisations du projet a convergé vers un livrable stratégique majeur, socle de la future transformation économique : la Stratégie nationale Industrie 4.0. Élaborée via des diagnostics approfondis, des dialogues public-privés et la co-création, cette stratégie vise à positionner la Côte d’Ivoire comme leader régional d’ici 2040, en boostant la compétitivité et l’employabilité des jeunes.

Emmanuel Tra Bi, directeur général de l’Industrie, y voit un cadre pour des réformes profondes dans l’agro-industrie et le numérique. Il ajoute que cette stratégie structurante s’aligne sur le Plan national de développement (PND 2021-2025) et appelle une appropriation par les entreprises et l’administration.

Capitalisation

Malgré les succès, des défis persistent. Florence Fadika, conseillère technique au MTND et directrice exécutive de la Fondation Jeunesse Numérique, pointe l’absence de phase pilote complète et un financement trop dépendant des bailleurs. «Le modèle a fonctionné… il y a une capitalisation pédagogique et technique… sur cet axe-là, il faut vraiment consolider, harmoniser et diffuser à grande échelle sur tout l’écosystème de la formation professionnelle et technique», préconise-t-elle.

Florence Fadika évoque aussi la nécessité de pérenniser la plateforme de coordination et de passer à un financement mixte : «Il va falloir qu’il y ait à la fois des bailleurs et tous les partenaires, mais que l’État participe.»

Ange Anon appelle, quant à lui, à des incitations fiscales et douanières, au renforcement des infrastructures numériques et à un cadre réglementaire sécurisé pour investir dans des machines intelligentes. «Passer à l’Industrie 4.0 a un coût», insiste-t-il.

Mohamed Touré met l’accent sur un leadership public-privé, la formation des dirigeants et la territorialisation.

Tidiane Boye recommande enfin la pérennisation du comité de pilotage, l’intégration de la licence Industrie 4.0 aux programmes officiels et un ancrage dans le PND 2026-2030.

Alignement sur la vision gouvernementale

Emmanuel Tra Bi, Dg de l’Industrie, au pupitre, avec Olivier Avoa, Dg de la Transformation digitale et de la Digitalisation.

Plaçant l’industrie au cœur de la transformation, le projet s’inscrit en parfaite résonance avec la vision de développement à long terme du gouvernement ivoirien. C’est en tout cas ce qu’affirme Olivier Avoa, directeur général de la Transformation digitale et de la Digitalisation : «Ce projet Employment4Youth s’inscrit clairement dans la vision du chef de l’État, Son Excellence M. Alassane Ouattara, qui veut faire de la transformation numérique un vecteur puissant de création d’emplois pour les jeunes.»

Une vision confirmée par Emmanuel Tra Bi : «Le secteur industriel contribue aujourd’hui à plus de 27 % de la formation du PIB… Le gouvernement a décidé de faire porter au secteur la lourde charge de conduire la transformation culturelle de l’économie, d’en être le moteur», rappelle-t-il. Non sans insister sur le rôle central de la Stratégie nationale Industrie 4.0, qu’il dit être « sur la table du gouvernement et très bientôt adoptée » pour booster toutes les initiatives en la matière.

Au-delà de cette cérémonie de clôture, Employment4Youth ouvre la porte à une ambitieuse Phase II. Il est permis d’espérer qu’avec le financement mixte sollicité, le renforcement des partenariats et l’opérationnalisation attendue de la Stratégie nationale, la Côte d’Ivoire se positionne comme le pôle régional de l’Industrie 4.0, propulsant des milliers de jeunes vers un avenir industriel plus compétitif et inclusif.

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
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