Protection des données au Cameroun : la course contre la montre avant juin 2026

Promulguée en décembre 2024, la nouvelle législation camerounaise sur les données personnelles impose désormais un cadre rigoureux aux entreprises opérant sur le territoire national. À l’approche de l’échéance fatidique du 23 juin 2026, la mise en conformité n’est plus une option mais une obligation pour éviter des sanctions lourdes de l’Autorité de protection des données à caractère Personnel (APDP).

Le paysage numérique du Cameroun connaît une mutation historique depuis la promulgation de la loi n° 2024/017 du 23 décembre 2024 relative à la protection des données à caractère personnel. Ce texte vient combler un vide juridique et place le pays au diapason des grandes économies continentales. Pour les entreprises, le compte à rebours est officiellement lancé car elles disposent d’une période transitoire de dix-huit mois pour s’ajuster aux nouvelles exigences avant que l’autorité de régulation ne commence à exercer son plein pouvoir de coercition. Cette réforme ne s’adresse pas uniquement aux géants du web mais concerne toute entité manipulant des informations permettant d’identifier des individus, qu’il s’agisse de clients, d’employés ou de partenaires.

Le secteur de la finance en tête de liste

Certains pans de l’économie camerounaise se retrouvent mécaniquement sous une surveillance accrue en raison de la nature sensible et de la volumétrie des données qu’ils brassent quotidiennement. Le secteur de la finance et des fintechs figure en tête de liste puisque la collecte de données biométriques pour le KYC et la gestion des antécédents de crédit nécessitent désormais un consentement explicite et une sécurisation sans faille.

Parallèlement, les opérateurs de télécommunications, véritables carrefours de métadonnées et de flux de communication, doivent revoir intégralement leurs politiques de conservation et de partage des informations.

Le domaine de la santé représente également un enjeu critique dans la mesure où la nouvelle loi classifie les données médicales comme hautement sensibles, imposant des protocoles de chiffrement et de stockage spécifiques.

Enfin, les entreprises technologiques et les startups locales, qui fondent souvent leur modèle économique sur l’analyse de données massives ou l’intelligence artificielle, voient leur agilité confrontée à l’obligation de transparence. Pour ces secteurs, la conformité n’est plus un simple coût administratif mais devient un gage de confiance indispensable pour attirer des investissements internationaux et rassurer une base d’utilisateurs de plus en plus consciente de ses droits numériques.

Spectre des sanctions

Au Cameroun, ignorer cette nouvelle donne législative expose les entreprises à des risques financiers et réputationnels dévastateurs. La loi camerounaise prévoit des amendes administratives pouvant atteindre plusieurs dizaines de millions de francs CFA, voire un pourcentage significatif du chiffre d’affaires annuel pour les manquements les plus graves. Le contexte continental montre d’ailleurs que les autorités de protection des données en Afrique ne craignent plus de sévir. Au Nigeria, la Commission de protection des données a déjà infligé des amendes record à des institutions bancaires pour des failles de sécurité, tandis qu’au Sénégal et en Afrique du Sud, les sanctions tombent régulièrement contre les entités qui transfèrent illicitement des données hors des frontières sans autorisation préalable.

Au-delà de l’impact financier direct, c’est la survie commerciale qui est en jeu. Une entreprise sanctionnée sur le territoire camerounais pourrait se voir interdire le traitement de données pendant une période déterminée, ce qui équivaut à une paralysie totale pour les services numériques. De plus, la responsabilité pénale des dirigeants peut être engagée en cas de collecte frauduleuse ou de négligence manifeste ayant entraîné une violation majeure de la vie privée. L’exemple des pays voisins démontre que la rigueur de l’autorité de régulation sera proportionnelle à l’importance du préjudice subi par les citoyens, incitant ainsi les conseils d’administration à placer la protection des données au sommet de leur agenda de gestion des risques.

Comment réussir la transition

Face à l’échéance du 23 juin 2026, l’attentisme est le pire ennemi des chefs d’entreprise. Pour les analystes, la première étape indispensable consiste à réaliser un audit complet, ou cartographie des données, afin d’identifier quelles informations sont collectées, où elles sont stockées et qui y a accès. Ce diagnostic permet de déceler les failles de sécurité et les traitements qui ne reposent sur aucune base légale valable. En complément de cet état des lieux, la désignation d’un Délégué à la protection des données, couramment appelé DPO, s’impose comme le pivot de la stratégie de conformité. Cet expert a pour mission de piloter les chantiers internes, de former le personnel et d’être l’interlocuteur unique auprès de l’Autorité de protection des données à caractère Personnel.

Une fois ces fondations posées, poursuivent les spéciales, les entreprises doivent impérativement formaliser leurs procédures internes. Cela passe par la rédaction de politiques de confidentialité claires, la mise en place de registres de traitement et l’instauration de protocoles de notification en cas de violation de données. L’adoption du principe de protection dès la conception, ou “Privacy by Design”, doit devenir un réflexe pour tout nouveau projet informatique ou commercial.

En agissant dès maintenant, les organisations camerounaises ne se contentent pas d’éviter des sanctions, elles transforment une contrainte légale en un avantage compétitif dans une économie africaine de plus en plus interconnectée et soucieuse de l’éthique numérique.

La Rédaction

CIO MAG

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