Par Driss Rhafes – CEO & Founder Edukaskills & Leaders Centre – Membre du CA de l’APEBI
En clôture des Assises de la Transformation Digitale en Afrique (ATDA) 2025, le Lab Vision 2035 a donné la parole à celles et ceux qui assurent au quotidien la transformation numérique du continent : décideurs publics, DSI, entrepreneurs, intégrateurs et représentants d’ONG. À travers des ateliers collaboratifs et un dispositif interactif, une centaine de participants ont esquissé une perspective commune : à l’horizon 2030, l’Afrique sera jugée à sa capacité à conjuguer souveraineté et confiance numérique en intégrant l’impact concret de l’IA sur la vie des citoyens.

Un consensus fort s’est dégagé : le leadership numérique de l’Afrique prendra ses racines dans une vision proactive et une gouvernance responsable du numérique public. Les participants ont largement plébiscité la gouvernance des données, l’éthique de l’IA, la cybersécurité et la transparence démocratique comme critères décisifs. La question n’est plus de savoir s’il faut digitaliser l’administration africaine, mais comment en faire un levier de confiance, de justice et de performance durable.
Trois défis structurants devront être adressés d’ici 2030 :
Le premier est celui des infrastructures et des capacités de calcul souveraines. Les États devront investir dans des data centers résilients et sobres en énergie, tout en mutualisant à l’échelle régionale les plateformes de données d’entraînement de l’IA. Sans maîtrise des infrastructures, la promesse d’une IA « made in Africa » aura du mal à se concrétiser.
Le deuxième défi tient au capital humain et à la culture du changement. Les participants ont insisté sur l’urgence de former les agents publics, les décideurs et les jeunes talents aux usages de l’IA, à la cybersécurité et à la protection des données, mais aussi à la conduite du changement. Les programmes de déploiement des plateformes numériques du futur devront intégrer la résistance humaine, la corruption, les routines administratives et les peurs liées à l’automatisation.
Le troisième défi est celui de la confiance et de l’e-citoyenneté. Pour les participants du Lab, l’IA doit servir d’abord à rendre les services plus accessibles, plus simples et plus justes : identité numérique sécurisée, services publics en ligne, files d’attente réduites, parcours administratifs plus fluides. Elle doit aussi renforcer la participation citoyenne via des plateformes d’e-démocratie, de consultation et de reddition de comptes. En 2030, une administration « augmentée » sera jugée à sa capacité à donner aux citoyens le sentiment d’être écoutés, protégés et respectés.

Dans ce contexte, l’IA apparaît comme un accélérateur à double tranchant. Bien gouvernée, elle peut aider à rattraper des décennies de retard en matière d’éducation, de santé, de fiscalité ou de gestion des territoires. Mal maîtrisée, elle peut aggraver les fractures existantes en concentrant la valeur chez quelques acteurs, en exposant les données des citoyens et en renforçant les biais dans les décisions publiques.
Les échanges du Lab Vision 2035 ont fait émerger plusieurs priorités d’action pour les cinq prochaines années. D’abord, inscrire la souveraineté numérique dans des feuilles de route opérationnelles : cadres de gouvernance des données, régulation de l’IA, exigences de localisation ou de partage des données sensibles, alliances régionales pour mutualiser infrastructures et compétences. Ensuite, développer des écosystèmes d’innovation inclusive qui associent startups, PME, universités, grandes entreprises et pouvoirs publics autour de cas d’usage concrets, co-construits avec les utilisateurs finaux.
Les participants ont également souligné la nécessité de renforcer les partenariats publics-privés de « nouvelle génération » : plus agiles, plus transparents et centrés sur l’impact mesurable pour les citoyens. Enfin, plusieurs interventions ont rappelé que la transformation numérique n’a de sens que si elle s’accompagne d’une évolution des modèles de management : responsabilisation des équipes, culture du résultat, droit à l’expérimentation et obligation de transparence.
Au terme de ces deux journées des ATDA 2025, deux mots s’imposent pour qualifier l’état d’esprit des acteurs africains du numérique : optimisme et exigence. Optimisme dans le potentiel de modernisation digitale du continent, car les talents et les solutions sont déjà là. Exigence, parce que la fenêtre de tir est étroite : d’ici 2030, l’Afrique devra choisir entre subir l’IA ou en faire un levier de souveraineté, d’e-citoyenneté et de développement partagé. C’est ce choix que les communautés réunies autour des ATDA 2025, à l’initiative de CIO Mag, appellent de leurs vœux : une Afrique digitale connectée, inclusive et puissante, où chaque décision technologique est aussi une décision démocratique.
À travers l’initiative ATDA, le Lab Vision se positionne comme bien plus qu’un espace de réflexion : c’est un véritable laboratoire d’idées où se dessinent les trajectoires numériques de l’Afrique. En réunissant décideurs, experts et innovateurs, il transforme les visions en stratégies concrètes pour bâtir une souveraineté digitale inclusive et durable. Ensemble, nous anticipons les défis, explorons les opportunités et co-construisons les solutions qui feront du numérique un levier de transformation et de leadership africain à l’horizon 2035.





