L’analyse de la situation africaine dans le rapport “Le Global Cybersecurity Index (GCI) 2024” en matière de cybersécurité révèle un paysage en pleine évolution, caractérisé par des progrès notables dans certains pays, mais aussi des défis importants à surmonter dans la majorité des nations. Voici une vue d’ensemble des aspects les plus marquants de la cybersécurité en Afrique.
Le Global Cybersecurity Index (GCI) 2024 montre une nette disparité entre les pays africains. Quelques pays, comme le Maroc, le Ghana, la Maurice et la Tanzanie, sont classées dans la catégorie Tier 1 et sont considérés comme des modèles à suivre.
Ces pays ont réussi à mettre en place des cadres législatifs, des infrastructures techniques, ainsi qu’une coopération internationale et nationale solide. Ils bénéficient également d’une volonté politique forte et d’investissements substantiels dans les technologies de l’information.
Cependant, la majorité des pays africains sont encore classés dans les Tier 3 et Tier 4, reflétant des efforts naissants ou en développement dans le domaine de la cybersécurité. De nombreux pays comme le Nigéria, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire progressent, mais manquent encore de certaines infrastructures ou de cadres réglementaires robustes. Les pays en Tier 5, tels que le Burundi, le Soudan, et la République Centrafricaine, peinent à mettre en place les fondations de la cybersécurité, souvent en raison de conflits internes, d’instabilité politique et d’un manque de ressources humaines et financières.
Législation et réglementation : un besoin pressant
Selon Le Global Cybersecurity Index (GCI) 2024, un grand nombre de pays africains n’ont pas encore mis en place des lois complètes sur la protection des données et la cybersécurité, malgré la montée des menaces liées aux cyberattaques. Selon le rapport GCI, plus de 40 % des pays africains n’ont pas encore de lois spécifiques sur la protection des données personnelles, ce qui représente un défi majeur, notamment avec l’augmentation des violations de données. L’adoption de cadres légaux, inspirés de règlements comme le GDPR européen, pourrait grandement améliorer la protection des citoyens et renforcer la confiance dans les technologies numériques.
Faibles infrastructures techniques
Un autre défi majeur pour de nombreux pays africains est l’absence de Centres de réponse aux incidents informatiques (CIRT) ou d’équipes de sécurité spécialisées comme les CERT (Computer Emergency Response Teams). Ces infrastructures sont essentielles pour détecter et répondre aux cyberattaques de manière coordonnée et rapide. Selon le rapport, seuls 139 pays dans le monde ont un CIRT opérationnel, et plusieurs pays africains, en particulier les États à faible revenu, n’ont pas encore de telles structures en place.
Le déficit en compétences et en ressources humaines
L’un des plus grands défis de la cybersécurité en Afrique est le manque de professionnels qualifiés. Le continent fait face à une pénurie importante de talents spécialisés dans la cybersécurité, ce qui freine la mise en œuvre de politiques efficaces. La formation et le développement des compétences restent un domaine critique. Bien que certains pays, comme le Maroc et l’Afrique du Sud, aient intégré des modules de cybersécurité dans leurs systèmes éducatifs, il reste encore beaucoup à faire pour former un nombre suffisant de professionnels capables de répondre aux besoins croissants du secteur.
La montée des cybermenaces en Afrique
Avec l’accélération de la numérisation en Afrique, les cybermenaces augmentent à un rythme alarmant. Des attaques comme le rançongiciel, le phishing, et les fraudes numériques se multiplient. Les secteurs les plus touchés incluent les banques, les télécommunications, et les services publics. En raison de la vulnérabilité accrue des infrastructures numériques et de la faible sensibilisation des utilisateurs, de nombreux pays africains restent des cibles faciles pour les cybercriminels. Des efforts de sensibilisation et de protection des infrastructures critiques sont donc nécessaires de toute urgence.
Coopération internationale et régionale : un levier indispensable
La cybersécurité est par nature une question transnationale, et la coopération internationale est essentielle pour combattre les cybermenaces. De nombreux pays africains participent déjà à des initiatives régionales, comme AfricaCERT et des partenariats avec des organisations internationales telles que l’Union Internationale des Télécommunications (UIT). Toutefois, la coopération intra-africaine reste limitée, et il est essentiel d’améliorer le partage des informations et des bonnes pratiques entre les États africains. Le développement d’accords bilatéraux et multilatéraux sur la cybersécurité, ainsi que la participation à des cyber-exercices régionaux, pourrait renforcer la résilience des infrastructures numériques africaines.
L’importance des infrastructures critiques
La protection des infrastructures critiques telles que les réseaux énergétiques, les systèmes financiers, et les services de santé devient une priorité croissante. En raison de leur rôle stratégique, ces infrastructures sont souvent la cible de cyberattaques. Cependant, une grande partie des pays africains n’a pas encore mis en place des mécanismes de défense adéquats pour ces infrastructures. Il est crucial que des stratégies nationales de protection des infrastructures critiques soient développées et mises en œuvre de manière cohérente.
Pour récapituler, la cybersécurité en Afrique est un domaine où les progrès sont inégaux et où les défis restent nombreux. Alors que certains pays émergent comme des leaders régionaux avec des cadres solides et des infrastructures en place, la majorité des pays africains sont encore à divers stades de développement de leurs capacités en matière de sécurité numérique. Le renforcement des cadres législatifs, la construction d’infrastructures techniques, la formation des talents, et l’amélioration de la coopération régionale et internationale sont des priorités pour permettre au continent de mieux se protéger contre les cybermenaces croissantes.
Auteur : Youssef MAZOUZ, Secrétaire Général du Centre Africain de la Cybersécurité, Président du comité consultatif pour une utilisation Ethique et équitable de l’IA en Afrique