Cybersécurité : de la conformité à la cyber-résilience, le nouveau défi des DSI ivoiriens

Longtemps cantonnée aux directions informatiques, la cybersécurité s’impose désormais comme un enjeu de gouvernance, de continuité d’activité et de compétitivité économique. En Afrique francophone, et particulièrement en Côte d’Ivoire, la montée en puissance des services numériques — mobile money, plateformes bancaires, e-gouvernement — expose les organisations à des risques cyber de plus en plus structurants.

Le Vinka Cyber Index 2025, baromètre panafricain de la maturité cyber, met en lumière un constat central pour les DSI : la majorité des organisations évoluent aujourd’hui à un niveau de maturité dit « intermédiaire », un palier souvent perçu comme rassurant, mais qui constitue en réalité l’un des plus exposés.

Une maturité « intermédiaire » qui crée une illusion de contrôle

« En Afrique francophone, la cybersécurité ne doit plus être un sujet d’IT. C’est un sujet de survie économique », souligne Patricia Pedhom Nono, associée de Vinka en charge de l’activité Conseil.

Fondé sur l’analyse de plus de 250 organisations en Afrique de l’Ouest et du Centre, le Vinka Cyber Index 2025 attribue à la région un score moyen d’environ 775, correspondant à un niveau de préparation intermédiaire face aux cybermenaces. Un progrès réel par rapport aux années précédentes, mais encore insuffisant au regard de la sophistication croissante des attaques.

Pour les DSI, ce niveau intermédiaire est trompeur « Un niveau de maturité intermédiaire est parfois plus dangereux qu’un niveau faible, car il crée une illusion de contrôle », alerte Patricia Pedhom Nono.

Concrètement, des mesures de base existent — pare-feu, antivirus, sauvegardes — mais sans intégration réelle dans la stratégie globale de l’organisation. Or, selon le Cyber Index, les structures qui n’ont pas atteint un niveau de maturité avancé présentent jusqu’à cinq fois plus de risques d’être victimes d’une cyberattaque majeure.

Pour un DSI, le message est clair : la conformité et l’empilement d’outils ne suffisent plus. Le véritable enjeu réside dans la capacité de l’organisation à anticiper, absorber et surmonter une attaque sans mettre en péril son activité.

Côte d’Ivoire : un cadre en place, une exposition croissante

En Côte d’Ivoire, le cadre réglementaire a été posé relativement tôt, avec l’adoption dès 2013 de la loi relative à la protection des données à caractère personnel et la mise en place d’autorités dédiées à la régulation et à la sécurité du numérique, telle que l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI). Pour la Côte d’Ivoire, selon les données de l’ANSSI, le préjudice financier subi par les personnes physiques et morales en 2024 s’élevait à 6,9 milliards de FCFA. Un chiffre qui illustre la traduction très concrète des vulnérabilités cyber sur l’économie ivoirienne, au-delà des seuls incidents techniques.

Dans un pays où les services financiers digitaux et les télécommunications jouent un rôle structurant dans l’économie, la question de la cyber-résilience est d’autant plus stratégique que le secteur des télécoms affiche, au niveau régional, le score moyen de maturité cyber le plus faible (655) selon le Vinka Cyber Index — un signal d’alerte pour l’ensemble des acteurs dépendant de ces infrastructures critiques. À la lumière du Cyber Index, la cyber-résilience suppose un changement de posture pour les DSI : passer d’une logique de conformité à une logique de pilotage du risque. Cela implique une intégration de la cybersécurité dans la gouvernance d’entreprise, au même titre que les risques financiers, juridiques ou opérationnels.

« La cybersécurité reste encore trop souvent réactive, cloisonnée, et insuffisamment portée au plus haut niveau de décision », observe l’experte de Vinka.

Pour les directions IT, ce repositionnement implique un rôle élargi : un dialogue renforcé avec les directions générales, une présence accrue dans les comités de risques, et des arbitrages budgétaires fondés sur des scénarios d’impact métier — et non plus uniquement sur des indicateurs techniques. Il suppose aussi une meilleure prise en compte des fragilités structurelles, qui affectent directement les équipes IT.

Hygiène IT : des fragilités structurelles persistantes

Le Cyber Index met clairement en évidence plusieurs vulnérabilités. Parmi les organisations analysées :

  • 86 % présentent une mauvaise hygiène réseau
  • 87 % affichent des vulnérabilités technologiques
  • 26 % disposent d’actifs déjà infectés par des logiciels malveillants

Ces chiffres rappellent une réalité bien connue des RSSI et DSI : la majorité des incidents majeurs exploitent des failles simples, persistantes et connues.

« Dans plusieurs organisations que nous accompagnons, l’attaque ne commence pas par un malware sophistiqué, mais par un simple email ouvert trop vite », souligne Patricia Pedhom Nono, qui poursuit : « La vraie question pour un dirigeant n’est plus “sommes-nous protégés ?”, mais “sommes-nous prêts à encaisser une attaque sans mettre en péril notre activité ?” ».

Pour les DSI, cela implique de dépasser la logique strictement défensive pour intégrer des scénarios de crise, car une attaque cyber n’est plus un incident isolé ; elle peut rapidement devenir une crise organisationnelle, réputationnelle et économique.

Accompagner le passage à l’échelle de la cyber-résilience

Face à ces enjeux, Vinka se positionne comme un accompagnateur stratégique de la maturité cyber en Afrique francophone. Conseil, audits, formation, dialogue public-privé et production du Vinka Cyber Index s’inscrivent dans une même logique : aider les organisations africaines à structurer une cybersécurité pragmatique, souveraine et adaptée aux réalités locales.

« Les prochaines années ne distingueront pas les entreprises attaquées de celles qui ne le seront pas, mais celles qui auront anticipé de celles qui auront subi », conclut Patricia Pedhom Nono.

Un message clair pour les DSI ivoiriens : le véritable saut qualitatif ne se joue pas dans l’accumulation de solutions, mais dans la capacité à inscrire la cybersécurité au cœur de la gouvernance et de la stratégie d’entreprise.

À ce prix seulement, le numérique pourra rester un levier de croissance durable, et non un facteur de vulnérabilité.

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
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