Le Coronavirus a ouvert les yeux sur un système existant mais dans l’ombre auparavant au Cameroun. Ce, au grand bonheur des innovateurs de ce domaine, du système éducatif secouru et des gouvernants à la recherche de solutions. Cependant, au grand dam des enseignants habitués au mode d’opération traditionnel. CIO Mag fait le tour de ces cas.
(CIO Mag) – « Nous avons décidé de nous arrimer définitivement au numérique éducatif, c’est–à-dire au télé-enseignement mais aussi à la télé-évaluation et même la télé-recherche. Nous allons consolider cette option qui veut que l’Université de troisième génération soit une université totalement numérique», a déclaré Jacques Fame NDongo, ministre camerounais de l’Enseignement supérieur il y a quelques semaines.
Il faut dire que l’e-learning est l’un des slogans les plus adoptés par ce temps de crise sanitaire. Il rime bien avec distanciation sociale et continuité dans le domaine de l’éducation. Le gouvernement camerounais a saisi cette solution lorsqu’il a ordonné l’arrêt des classes par mesure de prévention. Les universités ont notamment viré au mode numérique avec la création de plateformes spéciales, la mise en place des amphithéâtres virtuels, y compris avec l’affectation des adresses électroniques aux enseignants et aux apprenants. Pour les plus petits, leurs parents reçoivent pour eux des cours, des exercices et des corrigés en lignes.
«C’est à mon vis une bonne méthode de travail de nos jours. Elle ne date pas d’aujourd’hui mais s’avère très utile en ce moment de pandémie», a affirmé Jean PAUL Lobè, un parent d’élève.
Même s’il considère qu’à travers cette méthode les élèves pourraient ne pas être assidus s’ils ne sont pas suivis à domicile. Il y a également l’aspect pratique pour les apprenants en science ou en technologie qui manquent selon lui au e-learning.
Les enfants aussi apprécient cette façon de travailler. Pour la petite Noémie Ngounou en classe de CM2, c’est « comme l’école à la maison ». On comprend, qu’avec cette méthode les apprenants risquent de ne pas perdre des réflexes d’apprentissage mais surtout ils ne feront pas une année blanche.
Tandis que les enseignants, eux, pourront peut-être continuer de justifier leurs salaires et éviter de se retrouver avec des étudiants perdus lors du redémarrage des classes. Dit ainsi, on peut penser qu’ils sont suffisamment préparés pour ce type d’enseignement. Et pourtant, pas tous. La pandémie permet de dévoiler un faussé important.
« Cette méthode les a bousculés et forcés à s’intégrer. Il leur faut encore beaucoup de travail et de préparation. L’éducation en ligne commence à prendre sa véritable valeur comme mode d’enseignement. Il est important en termes de recours en cas de crise », considère également Angèle Audrey Ekollo, entrepreneure camerounaise dans ce secteur.
Les entrepreneurs au taquet
Pour Angèle et ceux qui comme elles, veulent moderniser l’enseignement, il n’y a pas de repos en ce moment. Il faut faire marcher ce système éducatif. Quoi de mieux que le numérique ? Même si, comme l’a déclaré le ministre Fame Ndongo, « le défi est titanesque ».
Aujourd’hui, cette méthode pour laquelle beaucoup d’entre eux militent depuis bien longtemps avant la Covid-19 semble plus impérative qu’elle ne l’était il y a quelques mois ou encore quelques années.
« Avant la crise, de par mon expérience, le e-learning était un concept encore très abstrait. Pour beaucoup il relevait de l’affaire des autres ou encore celle des occidentaux. Localement les acteurs du corps éducatif ne s’identifiaient pas à lui et préféraient les choses traditionnelles », rapporte Angèle Ekollo.
Du coté des grandes entreprises, il y a une assistance originale. Par exemple Huawei, le géant chinois des technologies vient de lancer « Huawei ICT Academy Lean On », pour soutenir l’enseignement en ligne. Il s’agit d’une plateforme digitale offrant gratuitement des cours. Soit plus de 130 MOOC relatifs aux technologies diverses.
Mais c’est surtout les licornes qui se battent pour affirmer leur importance.
« Dans le marché du e-learning, avant la pandémie, il n’y avait pas beaucoup de plateformes et depuis la crise il y en a énormément. Et leur place se fera encore plus grande. Surtout si comme nous l’espérons, les gouvernants votent pour », fait remarquer Angèle Audrey Ekollo.
Elle qui est d’ailleurs co-fondatrice de Tootree, une startup qui fédère à travers un réseau social du même nom, des milliers de personnes de la communauté éducative. Ce, en connectant les enseignants, les établissements, les parents d’élèves, les apprenants et les universités en vue de résoudre le décrochage scolaire et augmenter les niveaux d’apprentissage.
Ce projet inspiré il y a 5 ans a connu plusieurs phases de développement avant d’être enregistré au Cameroun en décembre 2019. La startup est basée en France et érigée en filiales en Afrique.
La licorne administrée par des africains veut apporter une solution africaine adaptée aux contraintes africaines. Sa jeune administratrice a en effet remarqué que « la majorité des plateformes adoptées par les établissements au Cameroun sont encore étrangères et ne prennent pas forcement en compte les réalités des systèmes éducatifs du pays.
En travaillant avec plusieurs établissements locaux, elle a également relevé un couac au niveau de l’appropriation de l’outil numérique.
Pour elle, « les solutions doivent être le plus simple possible et prendre en compte les manquements encore existants dans le contexte africain ». Entre autres, le manque de prise de conscience sur cette méthode pédagogique.
Au-delà du Coronavirus
L’administratrice de Tootree Cameroun recommande de saisir l’opportunité au-delà de la crise et de structurer le domaine avec une politique de mise en œuvre de digitalisation de l’éducation globale et inclusive.
« La numérisation de l’éducation est égale au renforcement de l’utilisation du numérique par une grande part de la population et son intégration dans les us et coutumes. C’est une aubaine pour un meilleur accès aux ressources éducatives et une démocratisation de l’enseignement. Les opérateurs télécoms ont un grand rôle à jouer dans ce contexte si tout le monde doit en profiter peu importe la situation géographique », a-t-elle ajouté.
Une chose est certaine, comme l’a affirmé un observateur à Cio mag, « le travail à distance est l’avenir et pas question de retourner en arrière ».
Aurore Bonny