Dr Hamadoun Touré : « La première édition des African CIO Awards donne le coup d’envoi de ce que j’appelle la COOPETITION »

Dans une ère où l’intelligence artificielle et la digitalisation redéfinissent les contours du possible, l’Afrique avance résolument vers une transformation numérique profonde. À l’occasion de la première édition des African CIO Awards, qui aura lieu à Marrakech, en marge de la deuxième édition du Gitex Africa, en nous avons pu dialoguer avec Dr Hamadoun Touré, ancien secrétaire général de l’Union Internationale des Télécommunications et président du jury de cet événement inaugural. Avec une perspective riche de ses expériences et une vision claire de l’avenir, Dr Touré nous éclaire sur les défis et les stratégies numériques actuels du continent, soulignant le rôle pivot des directeurs des systèmes d’information (DSI) dans l’éclosion des innovations et la mise en lumière du potentiel africain.

Cio Mag : En tant que président du jury de la première édition des African CIO Awards, quel impact espérez-vous que cet évènement ait sur la reconnaissance du travail des DSI africains et sur la stimulation de l’innovation technologique sur le continent ?

Dr Hamadoun Touré : Je suis tout d’abord très honoré de faire partie de ce jury composé de cadres qui ont tous eu un impact sur les TIC dans le monde et en particulier en Afrique. Je remercie les membres pour leur confiance placée en moi pour présider le jury. L’Afrique est à un tournant très important à l’heure de l’Intelligence Artificielle, la Robotique ainsi que la reconnaissance faciale. Les DSI ont une contribution de taille dans ces domaines émergents. La première Edition des African CIO Awards est une opportunité de mettre en compétition les talents, mettre en lumière les innovations, identifier le leadership et l’impact des initiatives sur la société en général.

Quels sont les critères privilégiés pour récompenser les meilleurs projets ?

Sept critères importants nous permettrons de faire l’évaluation : (1) le Leadership et la vision, (2) l’innovation, (3) l’intensité et la cohérence technologique, (4) La stratégie de déploiement, (5) La sécurité et la protection des données, (6) l’impact sociétal et environnemental ainsi que la gouvernance et enfin (7) l’offre de Business avec tout impact sur la productivité.

Au vu de l’excellente qualité et le nombre des projets présentés, je peux vous dire que la tâche du jury n’a pas du tout été facile. Mais nous avons des paramètres quantifiables et mesurables de façon objective. CIO Mag a été bien inspirée de lancer cette initiative.

Quel bilan faites-vous de l’état actuel de la digitalisation en Afrique, et quels sont les principaux défis à surmonter pour accélérer ce processus ?

Plusieurs pays ont mis en place un cadre stratégique permettant au continent de faire des choix qui aboutissent à des solutions locales aux problèmes locaux, il s’agit maintenant d’avoir un mécanisme nous permettant de mutualiser nos actions. La première édition des African CIO Awards vient à point nommé pour donner le coup d’envoi de ce que j’appelle la ¨COOPETITION¨, qui est une compétition collaborative. Cela démontre la culture de la Silicon Valley qui est imprégnée dans l’esprit de la jeunesse africaine et est la preuve de la maturité atteinte à l’heure où nous parlons. Les exemples ne manquent pas de Casablanca au Cape et de Dakar à Djibouti, y compris les Iles du continent.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de succès en matière de digitalisation en Afrique ?

Puisse que nous sommes à l’aube de la cérémonie de remise des prix je me réserve de donner des noms. Je me bornerais à dire que le continent est en train de compter au même pied d’égalité aujourd’hui dans plusieurs secteurs : de la santé à l’éducation en passant par le transport ou la gestion des ressources naturelles. Tout ceci aboutira très bientôt à une industrialisation du continent. En plus des politiques de déploiement, les aspects opérationnels, juridiques et éthiques liés à ces nouvelles technologies font partie des avancées dans le continent.

Quelles stratégies d’adoption de l’intelligence artificielle observez-vous actuellement en Afrique ? Quelles opportunités ces initiatives ouvrent-elles pour le continent ?

Pour moi les efforts doivent commencer par l’éducation et cela, à tous les niveaux, du primaire à l’éducation postdoctorale. Il est important, pour que l’Afrique soit compétitive, d’avoir une éducation basée sur les STEM (Science, Technologie, Ingénierie, et Mathématiques), introduire la formation sur les infrastructures, les logiciels, les applications, les algorithmes, ainsi que le développement du contenu, le tout sans oublier les aspects liés à la sécurité. Il est aussi impératif de mettre en place des stratégies qui lient la formation à la vie professionnelle, donc commencer un triage permettant une spécialisation poussée de tout un chacun. Il faut aussi identifier les talents dès le bas âge et les mettre dans un curriculum personnalisé, car il ne faut pas oublier qu’il y a des surdoués qui s’ennuient dans les programmes généraux. Les pays qui ont réussi sont ceux qui ont pu donner à chacun l’usage de ses talents.

L’Afrique est le continent avec le plus grand nombre de jeune et cette jeunesse est une somme de cerveaux qui est une richesse plus valeureuse que les matières premières que nous avons heureusement en abondance. L’Intelligence Artificielle est la dernière grande révolution qui fera de l’Afrique un paradis. A nos dirigeants d’avoir une approche scientifique bien coordonnée et mise en œuvre sur le long-terme.

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