Pour la troisième édition du E-Conf Challenge organisé par CIO Mag, plusieurs invités de marque se sont succédés à l’écran. Léon-Juste Ibombo, ministre de l’Economie numérique du Congo, Kamissa Camara, ministre de l’Economie numérique et de la Prospective du Mali, et Yacine Oualid, ministre délégué chargé des Start-up en Algérie, ont évoqué les actions en cours dans leurs pays pour lutter contre le coronavirus. La seconde partie de la conférence était consacrée à l’éducation en ligne et aux métiers de demain, avec l’intervention de plusieurs experts sur la question.
Par Camille DUBRUELH
(CIO Mag) – « Pour mieux analyser la pandémie de Covid-19, le défi à relever était de faire remonter suffisamment de datas, afin de comprendre son évolution dans toutes les régions. Et cela a été rendu possible par la coordination au niveau gouvernemental et la mise en place d’une cellule de crise ». Yacine Oualid, ministre en charge des start-up en Algérie, a ainsi lancé cette troisième édition du E-Conf Challenge, revenant sur les mesures prises par le gouvernement de son pays pour lutter contre le coronavirus.
Dans tous les pays d’Afrique, pouvoirs publics et secteurs privés s’organisent pour tenter de juguler la crise sanitaire. Le Mali a lui aussi pris le problème à bras le corps, a de son côté souligné Kamissa Camara. Des applications de « vie quotidienne », comme la livraison de courses aux personnes confinées, aux solutions sanitaires, géolocalisation des personnes potentiellement atteintes et mises en relation avec les soignants, la ministre a donné plusieurs exemples d’innovations digitales développées pour limiter la propagation du virus. Parmi toutes ces solutions proposées, certaines étaient déjà existantes, d’autres ont été créées pour l’occasion par des jeunes entrepreneurs. “Le digital a pris toute sa place dans cette période de crise”, a assuré la ministre, citant l’exemple de l’organisation des conseils ministériels virtuels. “Nous sommes obligés d’utiliser les outils numériques dans cette situation. Nous avons ainsi l’occasion de prouver que le secteur peut pallier à certains défis de la crise sanitaire”.
Télétravail, e-santé, applications d’information, les exemples sont légions, et dans tous les pays d’Afrique, pour démontrer l’importance du numérique dans la gestion de la crise. Un constat partagé par Léon-Juste Ibombo, ministre de l’Economie numérique du Congo. En introduction, celui-ci a souligné l’engagement de son pays dans l’économie numérique, une « ambition politique forte », qui a, selon lui, aidé à répondre à la crise. Il a ainsi évoqué la mise en place de plusieurs plateformes digitales de e-santé pour interconnecter les régions et permettre de diffuser en temps réel des informations utiles. Autre mesure phare : des allocations alimentaires destinées aux plus fragiles, et dispensées grâce au mobile money. Quelque 50 000 ménages bénéficieront ainsi de la somme de 50 000 FCFA pour surmonter la période. Mais l’utilisation des outils digitaux, si utiles soient-ils, reste circonscrit à un défi majeur, a rappelé Léon-Juste Ibombo : la crise met en lumière l’absolue nécessité de démocratiser l’Internet pour rendre ces outils accessibles à l’ensemble des populations sur le continent.
Les start-up au cœur de la riposte
Une certitude, partout en Afrique, l’écosystème digital s’est fortement mobilisé pour apporter des solutions. L’innovation est au cœur de la riposte. “Depuis le début de l’épidémie, nous avons assisté à une avalanche d’initiatives. C’était une véritable opportunité pour les start-up de montrer ce qu’elles valent et ce qu’elles savent faire”, a noté Yacine Oualid. “Nous devons profiter de cette énergie juvénile dont regorge l’Afrique et qui prouve qu’elle peut faire des miracles en très peu de temps”, a poursuivi le ministre algérien.
“Les start-up maliennes étaient déjà dans une lancée, mais dans le contexte actuel, elles ont eu l’occasion de briller”, a abondé Kamissa Camara. Certaines limites demeurent, note-elle, prenant l’exemple du système de tracking. “C’est un défi auquel nous faisons face, nous aurions aimé une solution malienne”, regrette-t-elle. Les ministres des trois pays ont aussi insisté sur l’importance de penser d’ores et déjà à l’après-Covid-19. “Il faut que des habitudes soient prises pour permettre aux solutions digitales de continuer à être exploitées”, réclame la responsable malienne.
L’éducation numérique, pour former aux métiers de demain
Ainsi, l’éducation en ligne, auxquels les pays africains ont largement recours depuis début mars pour assurer la continuité pédagogique, doit être pensée au-delà de la crise. Rendre pérenne les solutions éducatives digitales permettra notamment de répondre à d’autres défis auxquels l’Afrique fait face, en particulier l’explosion démographique.
Lors de la seconde partie de ce E-Conf Challenge, plusieurs experts ont témoigné de leur expérience dans ce domaine. L’Université virtuelle du Sénégal vient par exemple en aide au gouvernement sénégalais, en travaillant sur la production de vidéos à destination des élèves privés de cours en présentiels. “Le Covid-19 est un mal nécessaire qui nous permettra peut-être de ne pas rater la révolution numérique”, à de son côté souligné Amadou Diawara, CEO de l’Université virtuelle du Mali. “Après la médecine, c’est le secteur le plus sollicité dans cette crise”.
Un constat partagé par Alexis John Ahyee, Directeur de HEC Paris pour l’Afrique de l’Ouest et centrale. “Cette crise offre de multiples opportunités dans le secteur du numérique. De notre côté, elle nous a permis d’accélérer toute la dématérialisation des cours. Des projets qui prennent deux à trois ans en temps normal ont été réalisés en trois semaines !”, s’est-il réjoui.
Au niveau du continent, cette crise montre que la formation en ligne fonctionne, et que le numérique est le moyen de former la jeunesse aux métiers de demain. Douglas Mbiandou, fondateur de 10 000 codeurs, en est totalement convaincu. Pour illustrer cela, il a pris l’exemple de deux métiers d’avenir pour la jeunesse africaine, les experts “expériences utilisateurs” et les chefs de produits.
Tous ces témoignages montrent une nouvelle fois que le digital s’impose comme un outil essentiel pour lutter contre la pandémie. Mais il s’agit encore de voir quelles seront les retombées après la crise, et si l’élan des pouvoirs publics et des partenaires pour soutenir le secteur se pérennise. Une condition essentielle pour que le numérique devienne la nouvelle ressource clé pour accélérer le développement du continent.
Vous pouvez revoir l’intégralité de la conférence dans notre vidéo ci-dessous.