Economie numérique et intelligente : Quels enjeux pour l’Afrique ?

  • Par CIO MAG
  • 24 octobre 2024
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L’Afrique se situe à un tournant majeur de sa transformation numérique en cette fin d’année 2024. Présenté comme le prochain eldorado technologique, le continent a pourtant longtemps été considéré en retard dans la Quatrième Révolution industrielle qui s’opère depuis plusieurs années. Les chiffres semblent pourtant bien au contraire contredire cette assertion puisque d’ici 2025, l’économie digitale devrait représenter 5,2% du PIB de l’Afrique[1], soit 180 milliards de dollars[2]. Cette projection devrait atteindre 712 milliards de dollars d’ici 2050[3], soit un marché africain du numérique extrêmement prometteur.

Cependant, la simple digitalisation ne suffit plus : l’Afrique doit désormais franchir un nouveau cap en se tournant vers une économie intelligente. Dès lors, un nouveau défi émerge : comment passer d’une économie numérique, – principalement axée sur la digitalisation des processus, l’utilisation généralisée d’Internet et des nouvelles technologies de l’information et le développement des services en ligne – à une économie intelligente, capable d’exploiter pleinement le potentiel des technologies avancées ?

Pour capitaliser sur cette dynamique, il est donc essentiel d’intégrer des technologies telles que l’intelligence artificielle (IA), l’Internet des Objets (IoT) et les big data dans les processus économiques et industriels. Cette transition pourrait bien redéfinir le paysage économique du continent, mais elle nécessite une réflexion approfondie sur les enjeux et les solutions.

L’Afrique numérique : De la connectivité à une économie intelligente

Du Mobile World Congress de Barcelone à Kigali et Shanghai, en passant par le GITEX Dubaï, les multiples événements internationaux dédiés à la tech illustrent clairement une mobilisation globale en faveur d’une transformation numérique qui touche tous les secteurs et industries. Ces rencontres partagent en effet un objectif commun : accélérer la digitalisation à l’échelle mondiale et tirer partie des opportunités offertes par les nouvelles technologies.

Bien représentée dans ces rendez-vous internationaux, l’Afrique connaît aussi une effervescence croissante dans le domaine des technologies numériques, comme en témoigne la multiplication des événements dédiés à travers le continent. Des manifestations d’envergure telles que le GITEX Africa, le Digital African Summit ou le Cyber Africa Forum émergent comme des vitrines essentielles pour mettre en lumière le potentiel technologique de l’Afrique et ainsi s’affirmer sur la scène numérique mondiale.

Cette dynamique met en lumière le rôle croissant – et de plus en plus prépondérant – du continent dans l’édification d’une économie numérique prospère et qui se veut de plus en plus inclusive. L’essor de l’économie numérique a notamment été marqué par une augmentation significative du nombre d’utilisateurs d’Internet. Dans son dernier rapport, l’Union internationale des Télécommunications (UIT) soulignait qu’en 2023, 37 % de la population africaine avait désormais accès à Internet. Bien que ce taux de pénétration reste le plus bas au monde, le continent affiche toutefois la plus forte croissance en termes de connectivité. Il a ainsi enregistré une progression de 8 % entre 2023 et 2024, alors que le reste du monde n’a connu qu’une augmentation de 3 % sur la même période.[4]

Ces chiffres sont prometteurs. En effet, en 2023, la GSMA, l’Association mondiale des opérateurs et constructeurs de téléphonie, prévoyait que le nombre de connexions mobiles en Afrique subsaharienne atteindrait 1,36 milliard d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel composé de 4,3 %. Pour rappel, en 2022, la même organisation dénombrait 980 millions de connexions mobiles dans cette région.[5] Cette expansion rapide de la téléphonie mobile s’inscrit dans un contexte où la connectivité est désormais considérée comme un besoin essentiel.

Cependant, cette phase numérique caractérisée par une digitalisation rapide de ses activités économiques ne représente qu’une étape intermédiaire vers une transformation plus profonde et ambitieuse : l’avènement de l’économie intelligente en Afrique. Cette transition promet de redéfinir les modèles économiques, industriels et sociaux du continent, ouvrant la voie à des innovations et des opportunités sans précédent.

Le numérique pour une Afrique plus “smart”

Lors du Sommet sur la Transformation Numérique et Intelligente de l’Industrie organisé pendant le GITEX Dubaï, Li Peng, Corporate Senior Vice President and President of ICT Sales & Service chez Huawei, affirmait : “L’économie numérique évolue progressivement vers une économie intelligente, sur le point de devenir le principal moteur de la croissance mondiale.”

Passer à une économie intelligente signifie intégrer des technologies telles que l’intelligence artificielle (IA), l’Internet des objets (IoT) et l’analyse de données massives (big data) dans le tissu économique. Cette transformation pourrait propulser l’Afrique vers un nouveau paradigme de croissance, axé sur l’innovation et l’efficacité.

Popularisée avec le lancement de ChatGPT en novembre 2022, l’IA est passée d’un concept futuriste à une réalité qui s’implante progressivement en Afrique. Entreprises et gouvernements prennent de plus en plus conscience de son potentiel transformateur, notamment dans des secteurs clés comme la santé, l’agriculture, l’éducation ou encore le climat. L’IA, souvent perçue comme un moteur de “développement” et d’innovation, pourrait injecter jusqu’à 15 700 milliards de dollars dans l’économie mondiale d’ici 2030, dont 1 200 milliards en Afrique, représentant ainsi une augmentation de 5,6 % du PIB du continent, selon les prévisions de PwC[6]. Un leapfrog technologique certain pour de nombreux experts, pour qui le continent ne peut absolument pas se contenter d’être un simple spectateur, mais s’affirmer au contraire comme un véritable acteur.

C’est précisément l’approche adoptée par l’entreprise chinoise Huawei, qui a dévoilé sa stratégie “All Intelligence” lors du Huawei Connect 2023 à Shanghai, pour appuyer tous les secteurs à tirer le meilleur parti des nouvelles opportunités stratégiques offertes par l’IA[7]. Engagement réaffirmé lors du Huawei Digital Africa Summit organisé en marge du GITEX à Marrakech en mai dernier, sous le thème : “Accélérer l’intelligence pour une nouvelle Afrique”. Construire de “nouvelles infrastructures”, développer de “nouveaux écosystèmes” et créer “une nouvelle valeur” aux côtés des clients et des partenaires, tel est le triptyque qui anime cette stratégie, réaffirmée récemment lors du GITEX Dubaï. La firme chinoise y a en effet organisé le Sommet sur la Transformation Numérique et Intelligente de l’Industrie. A cette occasion, Huawei a présenté des solutions conjointes pour divers secteurs, tels que les services publics, les transports, la finance, l’énergie, le pétrole et le gaz, l’exploitation minière, le commerce de détail, l’éducation et la santé, dans le but d’accélérer la transition numérique et intelligente des entreprises. Dixit Li Peng, un nombre croissant d’entreprises intègrent l’IA pour améliorer leur productivité et réduire leurs coûts d’exploitation, accélérant ainsi le passage d’une économie numérique à une économie intelligente. Le système national de transport intelligent (STI)[8] mis en œuvre par le Ministère des Transports de la Côte d’Ivoire, en partenariat avec Huawei, illustre cette tendance. Développée dans le cadre de la Stratégie nationale de sécurité routière 2021-2025 du pays, cette solution utilise des technologies de pointe telles que l’IA, le cloud computing et le big data pour collecter des données précises sur le trafic, mesurer la vitesse des véhicules, et signaler toute anomalie sur la route. Ce dispositif contribue ainsi à prévenir les accidents grâce à un contrôle routier automatisé et à la modernisation des infrastructures par la digitalisation.

Outre l’IA, l’IoT, le cloud, les big data sont également les piliers indispensables de cette transformation intelligente, créant un écosystème technologique intégré. En effet, l’IoT collecte les données, le big data les stocke et les analyse, l’IA en extrait les informations et automatise les décisions, tandis que le cloud fournit l’infrastructure pour supporter l’ensemble de ce processus. Adaptées aux réalités et besoins du continent africain, ces technologies ouvrent la voie à des services plus efficaces et plus adaptés, favorisant par ailleurs l’innovation, une meilleure compétitivité et efficacité opérationnelle, tout en offrant une expérience client améliorée.

Sur la voie de l’intelligence, oui mais comment ?

“A mesure que l’économie mondiale évolue, la transition vers le numérique et l’intelligence est le chemin à prendre”, affirmait Li Peng au GITEX Dubaï. Certes, mais la route vers cette nouvelle ère n’est pas sans obstacles. Pour réussir cette transition vers une économie intelligente, l’Afrique devra adopter une approche holistique.

Cela implique tout d’abord un investissement accru dans les infrastructures numériques robustes, une connectivité fiable facilitant tout particulièrement l’adoption de technologies avancées telles que l’IoT et l’IA. Si l’Afrique a réalisé des avancées en matière de connectivité, de nombreuses régions, notamment rurales, demeurent encore mal desservies, freinant ainsi l’émergence d’un écosystème numérique intégré. 

En outre, la question de l’éducation est cruciale : une transition vers l’économie intelligente nécessite un capital humain doté de compétences et de connaissances adaptées. Selon les Nations Unies, 1 Africain sur 4 ne dispose d’aucune formation en IA[9]. Il est donc essentiel de former la jeunesse, qui constitue une part importante de la population continentale, aux compétences numériques requises pour s’épanouir dans une nouvelle ère d’économie intelligente. La transformation numérique et intelligente doit être un avantage accessible à tous. C’est pourquoi Huawei a mis en place, en Afrique et ailleurs, des programmes de formation axés sur le numérique pour aider la jeunesse à se rendre compétitive.

Enfin, le passage à cette ère d’intelligence implique de créer un écosystème réglementaire favorable à l’innovation, tout en renforçant la collaboration entre les secteurs public et privé.

L’Afrique se trouve au seuil d’une transformation économique sans précédent. En tirant parti des avancées de l’économie numérique, le continent est prêt à intégrer pleinement les technologies intelligentes. Cette évolution ne se limite pas à des progrès technologiques, mais marque une refonte complète de son paysage économique. Elle permet à l’Afrique de s’affirmer comme un leader mondial de l’innovation tout en devenant un exemple de développement inclusif et durable. L’Afrique ne se contente plus d’accompagner le changement, elle en est désormais l’un des principaux acteurs.


[1] “Promouvoir la transformation numérique des économies africaines”, GSMA, mai 2024.

[2] “Face aux géants de la tech, l’Afrique peut-elle protéger ses données ?”, Jeune Afrique, août 2024.

[3] “En Afrique, la taille de l’économie digitale se multipliera par six d’ici 2050, à 712 milliards $”, Agence Ecofin, septembre 2022.

[4] “Quelle transformation numérique pour l’Afrique ?”, RFI, juillet 2024.

[5] “D’ici 2028, le nombre d’abonnements au mobile en Afrique subsaharienne augmentera de 17% à 1,1 milliards (rapport)”, Agence Ecofin, mars 2024.

[6] “Intelligence artificielle et capital humain : Quel est le prix du leapfrog pour l’Afrique ?”, Forbes Afrique, août 2024.

[7] “Huawei Connect 2023 : Accélérer l’intelligence pour le succès de tous”, septembre 2023.

[8] Intelligent Transportation System (ITS)

[9]  “Intelligence artificielle et capital humain : Quel est le prix du leapfrog pour l’Afrique ?”, Forbes Afrique, août 2024.

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