Emerging Valley : l’innovation, un moteur pour s’adapter aux crises

Le Sommet Emerging Valley a accueilli plus de 100 startups d’Afrique et d’Europe, le 28 novembre sur le territoire Aix-Marseille (France). L’innovation à impact était au cœur des discussions lors de ce rendez-vous visant à renforcer la coopération entre les acteurs africains et européens. De l’IA à l’Agritech, les échanges ont permis de découvrir des solutions innovantes pour adresser les défis actuels.

(Cio Mag) – « La ville de Marseille incarne le hub de l’innovation, un catalyseur entre le sud et le nord. C’est un lieu d’innovation pour adresser les défis de demain », a lancé Samir Abdelkrim, le fondateur de l’évènement, en ouverture du Sommet. Pour sa septième édition, Emerging Valley accueillait des délégations du Kenya, du Togo, du Maroc, de Tunisie ou encore du Rwanda. En tout, 150 speakers se sont rassemblés pour « co-innover » et surtout échanger autour de thématiques novatrices. Comment l’innovation peut-elle transformer les secteurs comme le sport, l’agriculture ou les sciences ? Surtout, comment favoriser une innovation à impact pour qu’elle puisse permettre de relever les défis mondiaux et africains pour accélérer le développement ?

« Nous vivons dans un monde où les crises deviennent la norme et où l’innovation est une arme déterminante pour nous permettre de nous adapter année après année », a expliqué Laurent Lhardit, adjoint au maire de Marseille, pour lancer les débats.

L’IA, un moteur pour des secteurs économiques clés

Nouveauté de cette 7ème édition d’Emerging Valley, l’une des tables-rondes était consacrée à l’Intelligence artificielle. A l’aide d’exemples concrets, les intervenants ont pu montrer en quoi cette technologie peut impacter différents secteurs en Afrique. Il a notamment été question de projets qui permettent, grâce à l’IA, de répondre au stress hydrique ; de sélectionner les tomates marocaines afin de mieux les exporter ; d’acheminer des vaccins dans des zones reculées ; d’œuvrer dans le secteur des RH pour renforcer l’employabilité des jeunes ; de mettre en place des programmes pédagogiques adaptés pour des jeunes dans des zones enclavées ou encore de permettre aux populations d’accéder à des services grâce aux Chatbot en langues locales.

Pour ce faire, certains pays se dotent de stratégies ambitieuses, à l’instar du Maroc ou du Sénégal. « Les enjeux de l’IA sont géopolitiques, a rappelé Derguene Mbaye, General Manager de GalsenAI et ingénieur de Recherche en NLP à Baamtu Technologies. Le pays qui maîtrise l’IA va maîtriser le monde, comme l’avait dit Vladimir Poutine ! »

Côté Sénégal donc, « l’État voit dans l’IA un potentiel énorme pour réaliser le plan Sénégal émergent », a expliqué l’ingénieur. Sans penser à devenir le leader mondial de l’IA, le pays compte répondre à un objectif central, celui d’éviter de creuser l’inégalité qui existe déjà en matière de concentration des technologies. Et pour cela, l’idée est de « créer une IA frugale qui réponde aux besoins des populations ».

« La clé de réussite de l’IA, c’est la synergie entre les différents acteurs, les industriels, les pouvoirs publics, les entreprises innovantes et le monde la recherche », a de son côté assuré Lamiae Benmakhlouf, Directrice générale du « Moroccan Information Technopark Company » (MITC). Un constat partagé par Zeineb Messaoud, Directrice Exécutive de The Dot, le premier Hub d’innovation digitale en Tunisie. Cette dernière a également plaidé pour des collaborations entre le secteur public et les académiciens, notamment pour mener des discussions autour de l’éthique dans l’IA. « L’IA reste faible aujourd’hui, mais elle va devenir forte un jour. Il est temps de collaborer en termes de développement de compétences, de responsabilité et d’inclusion », a réclamé l’experte.

Pour autant, à l’heure actuelle, des problèmes cruciaux demeurent avant de pouvoir exploiter l’IA pleinement sur le continent. Parmi eux, la collecte de la data, très difficile en Afrique, mais aussi l’environnement et la régulation, et bien sûr le financement. « Ce dont on a besoin dans l’IA, c’est d’une plus grande quantité de données venant de différents pays, de différentes cultures afin de permettre une IA plus inclusive », a de son côté expliqué, à Cio Mag, Séverine Peters-Desteract, Directrice du département Économie durable et inclusive chez Expertise France.

Car l’IA pourrait permettre bien des avancées et aux pays africains d’entrer dans la course mondiale des nouvelles technologies. « Les pays africains sont en retard en termes de digitalisation. L’IA peut permettre de rattraper toutes ces années de retard ! » explique, par exemple, Derguene Mbaye. Reste encore à convaincre les gouvernements de mettre les moyens pour attirer les talents internationaux, en ouvrant des programmes vers l’Afrique.

L’Agritech, une arme pour la souveraineté alimentaire de l’Afrique

La crise mondiale est avant tout climatique. Et le premier continent à souffrir des impacts du réchauffement reste l’Afrique, bien qu’il ne soit pas responsable des émissions de gaz à effet de serre. Face à des événements de plus en plus récurrents, comme les sécheresses et les inondations, le continent se bat pour maintenir la sécurité alimentaire de ses populations. Pour tenter de répondre à ce défi, l’Afrique s’est tournée vers l’innovation dans les technologies agricoles. En répondant à des problématiques fortes, notamment le développement d’une agriculture plus productive, l’Agritech peut fournir une réponse aux besoins alimentaires des pays africains.

Le sommet Emerging Valley a été une nouvelle occasion de pouvoir mettre en avant ces innovations dans le secteur agricole et aux startups, bailleurs et financiers d’échanger sur la façon dont le secteur doit être boosté. Productivité, logistique, prédictions, les innovations se multiplient avec de nombreuses applications. Lors de cet échange, les participants ont pu notamment découvrir la solution de Seabex, déployée en France et en Tunisie, qui permet une irrigation de précision grâce à l’IA, les caisses enregistreuses connectées pour les restaurateurs de la startup tunisienne Poslik ou encore G-Avicole, l’outil de gestion pour les aviculteurs africains du Togolais Eli Adjeyi.

Mais pour ces porteurs de projets, la problématique du financement reste forte. Car, si le secteur des technologies agricoles a connu un bond en termes d’investissement en Afrique en 2020 et 2021, la tendance est plutôt au ralentissement pour 2023, comme l’a rappelé Raphael Dumont, Directeur d’Accélération chez Investisseurs & Partenaires. Pourtant, le financier en est convaincu, le secteur continuera d’attirer les fonds, puisque, au-delà des startups aux solutions « gadgets » ultra-technologiques, nombre de porteurs de projets proposent au contraire des innovations pertinentes, qui répondent à des besoins réels des agriculteurs ou acteurs de l’agro-industrie africaine et permettront, à terme, d’augmenter les gains de productivité et d’assurer la sécurité alimentaire du continent. De plus en plus de programmes se mettent d’ailleurs en place pour accompagner les innovateurs, comme le programme SAIS de l’agence de coopération allemande GIZ ou encore les initiatives de l’université marocaine UM6P pour mettre en avant les startups du secteur.

Nouvelle approche partenariale

Cette rencontre a en tout cas permis de mettre en valeur l’importance de la coopération entre les secteurs mais aussi entre États et collectivités pour faire mieux et innover ensemble dans l’optique de répondre aux crises et problématiques actuels. « Sur l’innovation, on arrive au bout d’un certain modèle de coopération. Nous devons aller vers quelque chose de différent », nous a assuré Séverine Peters-Desteract. « On parle de IA, de données géospatiales… des domaines dans lesquels les startups françaises et africaines ne sont pas vraiment en décalage. Ce sont là des sujets très propices pour insuffler une approche partenariale et ouvrir l’avenir par la voie de la jeunesse », atteste l’experte.

Camille Dubruelh

Camille Dubruelh, Journaliste, coordinatrice éditoriale Cio Mag

Journaliste multimédia depuis 2010, Camille Dubruelh s’est spécialisée sur l’actualité du continent, traitant de domaines aussi divers que la politique, l’économie ou encore la culture. Très intéressée par les nouvelles technologies, le monde des start-ups et l’impact du digital sur le processus de développement, elle a rejoint en 2019 Cio Mag, le magazine de référence sur le digital africain, où elle exerce la fonction de coordinatrice éditoriale. Au-delà de ses fonctions au sein du magazine, elle anime régulièrement des conférences, en France et en Afrique, online et en présentiel, sur la thématique de l’économie numérique, de l’innovation et du financement.

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