En Côte d’Ivoire, le Fratel souligne l’importance cruciale des câbles sous-marins dans la connectivité internationale

Trois tables-rondes se sont tenues lors du 22e séminaire du Fratel, après l’ouverture par le ministre ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation, Ibrahim Kalil Konaté, et le mot de bienvenue du Directeur général de l’ARTCI, Lakoun Ouattara.

Les 20, 21 et 22 mai 2025, Abidjan a accueilli le 22e séminaire du Réseau Francophone de la Régulation des Télécommunications (Fratel), réunissant plus de 150 participants pour discuter de la “Connectivité internationale : état des lieux et perspectives”. Sur invitation de l’Autorité de régulation des télécommunications/TIC (ARTCI), cet événement a souligné l’importance cruciale des câbles sous-marins, l’émergence des constellations de satellites en orbite basse (LEO) et la nécessité d’un cadre réglementaire harmonisé pour stimuler le développement des télécommunications.

(CIO Mag) – Le 22e séminaire du Fratel a réaffirmé le rôle prépondérant des câbles sous-marins dans le transport du trafic intercontinental. Danitza Domin, Directrice régionale des ventes Europe, Moyen-Orient, Afrique et Inde d’Alcatel Submarine Networks (ASN), a souligné que 99% du trafic intercontinental est transporté par les câbles sous-marins. Ces infrastructures, totalisant 1 300 000 km de câbles en service, constituent selon elle le « backbone d’internet » mondial.

Par ailleurs, les câbles sous-marins offrent des débits nettement supérieurs à 600 Tb/s et une durée de vie d’environ 25 ans, contre des débits supérieurs à 300 Gb/s et une durée de vie de 10 ans pour les satellites.

Connectivité sous-marine et satellitaire

Selon les séminaristes, l’histoire de la connectivité sous-marine en Afrique remonte aux premiers câbles télégraphiques reliant l’Europe, entre 1855 et 1890. Les années 1950 et 1960 ont vu l’apparition des premiers câbles téléphoniques coaxiaux, et les années 1990 ont marqué le déploiement de l’un des premiers câbles sous-marins à fibre optique reliant l’Afrique du Sud à l’Europe (SAT-2). Depuis 2000, le développement des câbles sous-marins à fibre optique en Afrique a été significatif, accompagnant la croissance des usages data, tels que le FTTH (Fiber to the Home), la 3G et la 4G mobile.

Parallèlement à la domination des câbles sous-marins, Dr. Tidiane Ouattara, Président du Conseil de l’Agence spatiale africaine (ASA), a mis en avant le rôle croissant des constellations de satellites en orbite basse (LEO) dans l’amélioration de la connectivité, en particulier pour l’Afrique. Ces satellites LEO, comme Starlink ou Oneweb, se distinguent par leur altitude (500 à 1 200 km).

Bien que leur couverture soit restreinte par rapport aux GEO (36 000 km) ou MEO (5 000 à 20 000 km), elles offrent des vitesses de transfert de données rapides et une transmission en temps réel, les rendant idéaux pour l’internet à haut débit et l’observation de la Terre. « Une révolution », comme l’a souligné Dr. Tidiane Ouattara, insistant notamment sur l’évolution de la nanotechnologie, rendant les nanosatellites moins chers et rapidement déployables.

Défis réglementaires du marché de la connectivité

Le séminaire du Fratel 2025 a abordé le cadre réglementaire complexe qui gouverne la connectivité internationale. Il a été souligné que plusieurs cadres réglementaires s’appliquent aux câbles sous-marins et à leurs stations d’atterrissage, allant au-delà des télécommunications pour inclure le droit maritime, le droit du littoral, le droit environnemental et le droit portuaire.

De plus, le cadre réglementaire télécom varie d’un pays à l’autre. Certains pays comme la Belgique, la Bulgarie et la France optent pour un régime déclaratif, tandis que d’autres, comme la Côte d’Ivoire, la Mauritanie et le Sénégal, appliquent une autorisation générale. Un régime d’autorisation individuelle ou de licence est en vigueur au Cameroun, à Djibouti, au Gabon, en Guinée-Bissau, à Madagascar, à Maurice, en République de Guinée et en République du Congo.

Des cadres supranationaux existent également en Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en Afrique centrale (CEMAC) et en Europe, notamment sur les volets sécurité et résilience. La réglementation tarifaire et non tarifaire est également imposée dans certains pays par le biais d’analyses de marché, comme en Côte d’Ivoire, au Gabon, en Mauritanie et en République de Guinée.

Enjeux

Les enjeux majeurs identifiés lors de cette rencontre incluent l’ouverture de l’accès et le partage des infrastructures, la régulation tarifaire (prix du Mo), la sécurité et la résilience/dépendance.

Les conférenciers ont également reconnu les défis liés au vieillissement des infrastructures, l’opérationnalité des points d’échange internet, la redondance, la connectivité avec les pays voisins, et la dépendance aux équipements étrangers pour la maintenance.

Bien que certains pays aient observé une diminution des prix, une amélioration de la qualité de service et une hausse de la capacité, le coût moyen reste élevé, selon des régulateurs comme ceux du Gabon, de Maurice et de la République du Congo.

Amélioration de la connectivité transnationale terrestre

Selon les conférenciers, l’amélioration de la connectivité transnationale terrestre est un axe essentiel pour le développement des services de télécommunications. En Côte d’Ivoire, l’Agence nationale du service universel des télécommunications (ANSUT) joue un rôle crucial dans cette démarche. Selon Manouan Aka, Directeur du développement des infrastructures et du Réseau national haut débit (RNHD) à l’ANSUT, le RNHD est un pilier de cette connectivité régionale, avec 6632 km de fibre optique couvrant 31 régions à 78,5%.

M. Aka a aussi présenté les principaux projets de l’ANSUT. Ils comprennent la construction d’un réseau national de fibre optique étendu sur 7000 km, la numérisation des conseils ministériels (E-Conseil), la couverture mobile dans les “zones blanches” mal desservies, et l’équipement des établissements d’enseignement en salles multimédias. De plus, l’ANSUT a des ambitions en matière de connectivité régionale et prévoit d’interconnecter cinq pays.

Gilles Mel, Directeur Réseaux chez Moov Africa Côte d’Ivoire a quant à lui, souligné l’importance des dorsales terrestres en fibre optique en Afrique, complétant le maillage des câbles sous-marins qui ont connu un développement significatif depuis 2000 pour accompagner la croissance des usages data.

Un autre témoignage est venu du Tchad. Directeur général de l’ARCEP Tchad, Haliki Choua Mahamat a éclairé les participants sur les initiatives locales. Enclavé avec une population de plus de 17 millions d’habitants et une superficie de 1 284 000 km², ce pays est confronté à des défis importants en matière de connectivité internationale. Cependant, des projets de déploiement de fibre optique sont en cours, avec 3015 km déjà réalisés et 3009 km en cours de réalisation, incluant des liaisons clés comme N’Djamena-Mbéré et Doba-Abéché-Iriba. Le secteur économique du Tchad est composé du secteur primaire (42,6%), du secteur industriel (14,3%) et du secteur des services (40,5%), avec un taux d’inflation de 3%.

Plan d’action de Fratel

Le Fratel 2025 a été l’occasion de présenter le “Réseau de régulation du numérique” (DRN) de l’UIT, qui vise à renforcer les capacités et l’échange d’informations entre les régulateurs. Le DRN est un réseau communautaire qui rassemble des associations régionales de régulateurs et des autorités nationales de régulation. L’UIT organise des événements et fournit des ressources, notamment le Colloque mondial des régulateurs (GRS) et les réunions des associations régionales.

En sus, le programme IPRIS (ICT Policy & Regulation – Institutional Strengthening), soutenu par l’UE, la Suède et le Luxembourg, contribue au renforcement institutionnel et réglementaire dans le secteur des TIC en Afrique subsaharienne. Ce programme aborde des aspects tels que les cadres institutionnels et réglementaires, le déploiement du haut débit, la protection de l’utilisateur final, la gestion du spectre, la numérotation et l’adressage, les communications sécurisées et la réglementation pour un marché concurrentiel, ainsi que les nouveaux défis réglementaires.

De plus, le Mastère Spécialisé en régulation du numérique (MS RegNum) de Télécom Paris, accrédité par la Conférence des Grandes Écoles (CGE), offre une formation essentielle pour les régulateurs du secteur. Ce programme de niveau master propose des badges en régulation des Télécommunications (RegTel) et de la Finance électronique et des Postes (RegFep). Le badge RegTel a été créé en 2005 à la demande de l’ARCEP Burkina Faso.

Ainsi, le 22e séminaire du Fratel à Abidjan a mis en évidence la complexité et la dynamique du paysage de la connectivité internationale. Il a souligné la nécessité d’une collaboration continue entre les différentes parties prenantes pour relever les défis de la connectivité, garantir un accès numérique de qualité pour tous et promouvoir des cadres réglementaires harmonisés. L’intégration des avancées technologiques, la mise en place de politiques adaptées et le renforcement des capacités réglementaires sont autant d’éléments essentiels pour bâtir un avenir numérique inclusif et performant.

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
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