La nouvelle fonction de reconnaissance faciale de Facebook a été déployée depuis quelques semaines en Afrique. Elle est passée quasiment inaperçue. Cependant, cette fonctionnalité avec ses nombreuses opportunités suscite également de vives inquiétudes. Nos vies privées seront-elles menacées ? La souveraineté numérique des Etats africains est-elle remise en cause par les réseaux sociaux ? Cette contribution tente d’apporter des réponses à ces interrogations.
Entre innovation et recherche de profit, Facebook trace sa route
Depuis sa création en 2004, le réseau social de Mark Zuckerberg implémente de nouvelles fonctionnalités pour mettre à disposition de ses utilisateurs des outils innovants pour échanger, partager avec les différents contacts. Avec cette stratégie, Facebook comme toute entreprise poursuit un objectif économique. La force de Facebook repose essentiellement sur la collecte et l’analyse des données personnelles de ses utilisateurs ; ce qui lui permet de proposer aux annonceurs des campagnes de publicité extrêmement ciblées.
Poursuivant toujours cette même dynamique d’innovation, fin décembre 2017, le géant américain des réseaux sociaux annonçait le déploiement d’une nouvelle fonctionnalité de reconnaissance faciale aux USA et depuis quelques semaines un peu partout dans le monde à l’exception du Canada et de l’Europe. Cette nouvelle fonctionnalité de reconnaissance dénommée « Photo Review » permet d’identifier automatiquement des utilisateurs sur des photos.
La nouvelle fonction de reconnaissance faciale de Facebook présenterait des avantages pour l’utilisateur
Avec cette nouvelle fonctionnalité, Facebook veut aller plus loin. Ce nouvel outil, comme l’explique le réseau social, permettrait d’identifier rapidement et facilement ses amis présents sur des photos, de protéger l’utilisateur des étrangers qui utilisent une photo de lui comme photo de profil, d’aider les personnes malvoyantes en leur indiquant l’identité des personnes présentes sur des photos ou vidéos et d’informer l’utilisateur lorsqu’il apparaît sur une photo ou une vidéo sans y avoir encore été identifié (si l’utilisateur fait partie de l’audience de la photo ou de la vidéo en question)
Cette nouvelle fonctionnalité permet d’assurer une protection des utilisateurs en protégeant dans certains cas leurs images contre une publication non désirée et en luttant contre les usurpations d’identité. Toutefois, cette nouvelle fonctionnalité ne comporte-t-elle pas des risques notamment liés à la vie privée des utilisateurs ?
Facebook toujours plus intrusif : notre vie privée menacée
La nouvelle fonction de reconnaissance faciale de Facebook pose très clairement sur la table la question de la protection de nos données personnelles et de la vie privée des utilisateurs. Certes, le géant des réseaux sociaux offre la possibilité aux utilisateurs de désactiver cette fonction. Cependant, pour ceux souhaitant conserver cette fonctionnalité, leurs vies privées ne seraient-elles pas menacées ?
Lorsque l’on sait qu’aucun navire n’est insubmersible mais aussi qu’aucun système informatique n’est impénétrable ou infaillible, il est plus que légitime de se demander que deviendraient les contenus (photos, vidéos…) sur lesquels les utilisateurs ont été identifiés si les bases de données de Facebook venaient à être piratées. Cette interrogation est plus que légitime puisque nous vivons à une époque où les utilisateurs publient sur les réseaux sociaux une bonne partie de leurs vies sous forme de photos ou vidéos permettant ainsi à Facebook de retracer leurs différentes activités, de comprendre leurs centres d’intérêts, parfois même de déterminer leurs opinions politiques ou religieuses. Quelle exploitation pourrait être faite de ces données si elles tombaient entre les mains de personnes malintentionnées ou d’Etats « dictatoriaux », « criminels » animés par un seul et unique objectif, l’espionnage de masse ou l’hyper-surveillance de leurs populations pour détecter et réprimer toutes idées ou opinions dissidentes ?
Avec les réseaux sociaux, n’est-il pas illusoire de parler de souveraineté numérique en Afrique ?
N’est-il pas légitime de se poser la question de l’utilisation qui est réellement faite par les réseaux sociaux et Facebook en particulier de nos données ? Les Etats africains n’ont pas pour l’heure prévu de dispositifs pour vérifier l’utilisation réelle faite par Facebook des données de leurs citoyens. Les pays africains ne devraient-ils pas redouter qu’une entreprise, qui plus est étrangère, en sache plus sur l’état d’esprit, les humeurs de leurs populations et à même d’anticiper les potentiels mouvements et soulèvements sociaux susceptibles de se produire sur leurs territoires ? Si comme le décrit Pierre Bellanger, Président de Skyrock « la souveraineté numérique est la maîtrise de notre présent et de notre destin tels qu’ils se manifestent et s’orientent par l’usage des technologies et des réseaux informatiques », il est clair que les pays africains sont sans aucun doute enchaînés et dépendants de technologies « étrangères » qu’ils ne contrôlent pas et ne sont malheureusement pas préparés pour proposer d’autres alternatives.
L’informatique en tant que science et les nouvelles technologies de manière générale doivent être au service de l’homme. Dès lors qu’elles nuisent à l’utilisateur, il devient nécessaire d’encadrer leurs usages.
Ousseynou THIAM
Ingénieur en Systèmes d’Information
Spécialiste en Sécurité des Systèmes d’Information
et en Management des Technologies de l’Information
E-mail : ousseynouthiam@hotmail.com