La concurrence mondiale sur le marché des industries créatives numériques nécessite de relever les défis de la qualité et de la formation de talents capables de répondre à la fois à la demande régionale et internationale en matière d’effets visuels (VFX) et d’animation. La Côte d’Ivoire en a-t-elle les moyens ? Qu’a-t-elle à offrir ?
(Cio Mag) – « Dans quelques jours, nous organisons l’African Digital Week au cours duquel nous consacrons une session aux industries créatives. Il s’agit de réfléchir sur comment le numérique va transformer les industries créatives et les industries culturelles. La rencontre d’aujourd’hui est la bienvenue car elle va situer les enjeux, permettre de découvrir de grands acteurs comme Kugali et Chocolate Tribe (…) et connaître la place de l’Afrique dans cette industrie créative et ce que nous pouvons apporter au reste du monde. » Présidente de la Commission de l’économie numérique et de l’entreprise digitale (CENED) de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), Gertrude Koné Douyéré a eu ses mots à l’ouverture de l’Atelier d’échanges sur les enjeux des industries créatives numériques organisé le 2 avril par la CENED en collaboration avec AfroVFX, une organisation ayant à cœur de se positionner comme un acteur clé de l’écosystème VFX en Afrique francophone.
Dans l’univers des industries créatives numériques, l’abréviation VFX (lu Visual Effects) renvoie aux effets spéciaux ajoutés en phase post-production pour donner lieu à des actions, des paysages, des objets, des personnages ou des phénomènes qui ne peuvent pas exister ou être filmés au moment du tournage.
« Une fois que les films sont tournés, les industries créatives font de la magie pour faire voler des gens », s’est exclamé Dédy Bilamba, Co-fondateur AfroVFX, ajoutant que cette industrie constitue « un énorme marché sur lequel l’Afrique n’est pas assez représentée ».
Les industries créatives en chiffres
Depuis plusieurs années, le marché mondial des jeux vidéo est évalué à près de 200 milliards de dollars. De 26,3 milliards de dollars de revenus en 2023, le marché du VFX devrait s’élever à 48,9 milliards de dollars en 2028, selon différentes études. Quant au marché mondial de l’animation, il est estimé en 2022 à plus de 391 milliards de dollars américains. Enfin, l’industrie de la réalité virtuelle va représenter plus de 435 milliards de dollars d’ici 2030.
Si l’industrie créative prend une dimension particulière, c’est parce que le secteur relève de nombreux défis notamment l’utilisation de la technologie comme outil pour aider à soutenir la production de contenus incroyables. Sur le continent, le Nigeria et l’Afrique du Sud concentrent les plus gros actifs en la matière. Au niveau mondial cependant, le marché africain demeure relativement petit par rapport à ses homologues américains, asiatiques et européens, alors que les TIC auxquelles sont désormais adossées les industries créatives et culturelles se diffusent rapidement à l’échelle du continent.
L’initiative AfroVFX
Basée en Côte d’Ivoire et au Canada, AfroVFX a entrepris depuis 2022 des formations professionnelles en 3D et VFX afin de nourrir l’écosystème de talents ivoiriens de classe mondiale. A cela, il faut ajouter la sensibilisation à travers la toute première édition de Lisolo (2-4 avril), événement dédié à la transformation des écosystèmes créatifs en Afrique dans les domaines du VFX, de l’animation, de la 3D, des jeux et de la réalité virtuelle (RV).
Organisé dans le cadre de Lisolo, cet atelier a été rehaussé de la présence de Hamid Ibrahim, CEO de la marque nigériane d’effets visuels Kugali, Nosipho Maketo Van Den Bragt et Rob Van Den Bragt, respectivement CEO et Co-fondateur de Chocolate Tribe, studio VFX et d’animation basé en Afrique du Sud. Ils ont été invités spécialement par AfroVFX pour témoigner du poids économique des industries créatives et les possibilités qu’elles offrent aux pays africains d’utiliser le numérique comme vecteur de croissance de l’industrie touristique, culturelle et cinématographique, mais surtout pour créer des histoires qui ressemblent à l’Afrique.
« Concernant les défis, on a toujours le problème de la perception de l’Afrique (…) Si nous n’écrivons pas nos histoires, quelqu’un d’autre va les écrire, et la manière dont il la raconte n’est pas authentique », a fait remarquer Nosipho Maketo Van Den Bragt. Pour elle, l’Afrique, qui représente une population d’1,4 milliard d’habitants, constitue un marché important que les industries africaines devraient pouvoir capter.
Québec, modèle de réussite VFX
Sous-traitant d’Hollywood en termes de post-production VFX, l’exemple du Québec peut servir à la Côte d’Ivoire. Pour Dédy Bilamba, notre pays n’est pas obligé de réaliser des co-productions artistiques mais peut se positionner comme sous-traitant technique de l’énorme marché nigérian Nollywood.
Dans une vidéo relayée par la CENED avant la tenue de cet atelier, Chloe Crysole, directrice générale de Framestore Montréal, déclare que l’industrie des effets visuels a pris de l’ampleur au cours des cinq dernières années, et a tout juste explosé avec l’avènement des plateformes de diffusion en continu. Ainsi, les revenus des services d’effets visuels au Québec ont augmenté à 622 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2019, une augmentation de 347% en cinq ans.
Il ressort de cette même présentation que les clés de ce succès résident dans les incitatifs fiscaux du Québec et du canada qui donnent un avantage concurrentiel sur le marché mondial. Tenez-vous bien, le Québec offre jusqu’à 43% de remise en espèces comme crédit d’impôt aux productions qui travaillent avec des studios d’effets visuels canadiens !
Métropole du Canada, Montréal compte aujourd’hui 35 studios d’animation et d’effets visuels. En plus, on y trouve des écoles et un bassin de talents qui ont l’occasion de travailler sur les effets visuels des plus grandes émissions de télévision et des plus grands films.
Inspirée du Canada, l’initiative AfroVFX vise à « doter la Côte d’Ivoire d’un plateau de tournage virtuel qui puisse être mutualisé par différents pays comme le Ghana et le Nigeria », a soutenu Dédy Bilamba. Il a aussi indiqué l’objectif de cette organisation de faire de la Côte d’Ivoire la locomotive des pays qui font de l’industrie créative un moteur en termes de création d’emplois, de formation, un modèle capable d’attirer des tournages.
Sauf que dans cette compétition accrue de l’offre de contenu, les standards artistiques et techniques, établis et recherchés sur le plan international, requièrent une main-d’œuvre abondante et qualifiée, des technologies de pointes et des studios développés. La Côte d’Ivoire a-t-elle ces moyens ? Qu’a-t-elle à offrir ?
Prévue du 19 au 25 avril 2024, la 4ème édition de l’African Digital Week (ADW) permettra d’approfondir le sujet afin de disposer d’informations sur le secteur des industries créatives numériques pour faciliter son développement en Côte d’Ivoire.