La Banque mondiale et l’Union africaine (UA) ont organisé le vendredi 12 avril 2019, à Washington, une conférence intitulée « All Africa Digital Economy Moonshot ». Des dirigeants et influenceurs africains y ont débattu des moyens à mettre en œuvre pour « forger un avenir numérique pour tous à l’échelle du continent ».
(CIO Mag) – Ce rendez-vous s’inscrit dans le cadre de l’initiative « Moonshot » lancée par les deux organisations. Laquelle vise à aider les pays africains à accélérer les progrès technologiques, à offrir une connectivité à haut débit à tous et à réaliser les bases d’une économie numérique dynamique. A cette occasion, plusieurs autres réunions similaires au « All Africa Digital Economy Moonshot », se tiendront ce mois d’avril pour discuter des moyens pratiques de concrétiser la vision de cette résolution.
Le rendez-vous d’une heure et demie animée par la journaliste Julie Gathoni Sumira Gichuru a donné le mot d’ouverture à Makhtar Diop le vice-président de la Banque mondiale pour les Infrastructures. En effet, le contexte a été exposé dans un reportage vidéo visionné par l’assistance ainsi que dans le propos de Makhtar Diop. Il a notamment détaillé des chiffres relatifs à l’économie numérique. Laquelle, a-t-il rappelé, représente « 15 % du PIB mondial et peut permettre à l’Afrique de diversifier son économie ».
Rappelant aussi que « seuls 24% de la population africaine a accès à Internet », il a souligné la nécessité de l’électricité et l’investissement massif dans les infrastructures numériques.
Il a également réaffirmé le soutien de la Banque mondiale pour cette transformation, une aubaine en termes d’opportunités d’emplois pour les jeunes.
Il faut remarquer que le discours du haut cadre de cette organisation englobe une partie de ce qui a été plus tard mis en évidence au cours des diverses interventions de Kristalina Georgiva, CEO de la Banque mondiale, Amani Abou-Zeid, commissaire à l’infrastructure et à l’énergie au sein de l’Union Africaine (UA), Lanre Kolade, PDG de Cquared, et Stephanie Von Friedburg, directrice des opérations à la Société financière internationale (IFC). Mais aussi dans celles d’autres gouvernants africains qui ont participé à cette rencontre. Notamment Joseph Mucheru, ministre kényan des TIC, Omowale David Ashiru, directrice d’Andela Nigéria, Paula Ingabire, ministre rwandaise des TIC, et Sahar Nasr, ministre égyptienne de l’Investissement et de la Coopération internationale.
Expériences des pays
Invitée à donner un aperçu de ce à quoi renvoie la transformation digitale réalisée en Egypte, Sahar Nasr a évoqué la construction d’un écosystème digital, l’acquisition des compétences, la création d’un environnement commercial propice, le développement des villes intelligentes, l’accès aux financements, la fourniture aux citoyens de bons services numériques favorisant la lutte contre la corruption. Mais aussi la promotion de l’entrepreneuriat numérique.
Quant à l’expérience nigériane, Lanre Kolade a fait observer que « ce sont les secteurs privés qui ont transformé l’économie numérique ».
A en croire la ministre Paula Ingabire, au Rwanda, il a été prioritairement question « de rendre l’accès à internet abordable ». Elle a d’ailleurs rappelé que le prix de la bande passante au Rwanda est « le plus bas d’Afrique grâce à une meilleure régulation et un régime fiscal ».
Tandis qu’au Kenya, Joseph Mucheru a salué la débrouillardise des jeunes qui apprennent sur le tas et n’attendent pas toujours la réaction des gouvernants. En évoquant le défi d’identification qu’impose le mobile money par exemple, il a noté l’introduction du système d’identité d’intégration nationale mis en place par les autorités kényanes.
Infrastructures et régulation
Au-delà des expériences de chaque pays, les intervenants se sont étalés sur les besoins du continent. La construction d’infrastructures a été le point le plus évoqué. “Le rôle du gouvernement est de fournir l’infrastructure aux jeunes pour créer des entreprises en ligne florissantes, en particulier dans les services financiers et l’identification numérique », a déclaré Joseph Mucheru.
Pour lui, le large bande devrait être reçu dans toutes les zones du territoire. Il considère aussi que « les platesformes de paiement numérique et un internet fiable sont la clé” pour apporter des services numériques aux populations. Le ministre kenyan a également évoqué l’importance de s’appliquer sur l’infrastructure du film et des médias afin de préserver la culture, les histoires et l’inspiration des Africains.
Par ailleurs, Lanre Kolade a reconnu qu’il faut un capital patient pour mettre en place l’infrastructure digitale tels que les câbles à fibres optiques par exemple. Mais il a surtout reconnu les capacités des Africains à pouvoir se réaliser.
Au cours de cette conférence, Amani Abou-Zeid a également souligné la difficulté à réaliser la transformation digitale dans les différents pays d’Afrique à cause des diversités culturelles et réalités propres à chacun d’eux. Pour les dépasser, le continent a besoin d’« une même vision, une même mission, une même approche et une succès story similaire ».
« Nous ne voulons pas des réussites ponctuelles mais une transformation de tout le continent », a-t-elle déclaré.
Les conférenciers se sont autant accordés sur la mise en place d’une règlementation forte pour développer l’économie numérique en Afrique que sur le soutien des institutions financières et la collaboration avec les entreprises privées. « Les gouvernements doivent s’assurer que l’environnement soit propice pour le secteur privé », a déclaré la ministre Sahar Nasr. « Ce secteur est celui qui pousse le plus la jeunesse », a ainsi affirmé Joseph Mucheru.
Acquisition des compétences
A côté de la régulation et de la fourniture des infrastructures, les orateurs ont insisté sur l’acquisition des compétences par les populations. « Au-delà des infrastructures, la réglementation nous oblige à construire une population d’alphabètes numériques », a énoncé Paula Ingabire. « Il faut approfondir l’éducation numérique à l’école pour permettre à l’Afrique de renforcer les capacités d’innovation de l’industrie des TIC. La formation des jeunes est cruciale pour réussir cette transformation », a-t-elle argumenté.
“Les gens ont besoin de savoir à quel point la révolution numérique est importante, en particulier le gouvernement. Les gens doivent construire la technologie digitale avec les compétences nécessaires”, a également déclaré Omowale David-Ashiru. « La programmation est la façon dont nous construisons la technologie, elle est écrite en anglais et pourtant bon nombre de nos jeunes ne parlent pas anglais. Il faut donc l’inclure dans les programmes scolaires et des formations afin que nos programmeurs puissent passer à la vitesse supérieure », a-t-elle ajouté.
Des déclarations renforcées par ceux du CEO de Csquared stipulant qu’« internet est la plus grande bibliothèque au monde » et qu’ainsi « l’alphabétisation est une compétence majeure ».
Aurore Bony