A travers son objectif n°4, l’Agenda 2063 de l’Union africaine vise à créer des économies transformées et créatrices d’emplois. A celui-ci s’ajoutent les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, tout particulièrement le n°8 promouvant le travail décent couplé à une croissance économique soutenue.
Portée par la forte progression de la téléphonie mobile et les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), la transformation numérique bouleverse l’Afrique, offrant ainsi de nouvelles et nombreuses opportunités d’emploi dans tous les secteurs. Dans un contexte où la démographie connaît une croissance sans précédent et où le taux de chômage est élevé – notamment chez les jeunes -, la création d’emplois est devenue une nécessité pour l’émergence du continent et ainsi assurer une stabilité sociale et économique à long terme.
La révolution numérique en Afrique : vers une transformation du marché de l’emploi ?
L’Afrique est aujourd’hui confrontée à une croissance démographique sans précédent, la région subsaharienne devant à elle seule abriter une population estimée à 2,1 milliards d’habitants d’ici 2050[1]. Par ailleurs, près de 40% de la population mondiale âgée de moins de 18 ans sera née sur le continent africain dans moins de 30 ans. Or, à l’heure actuelle, si 10 à 12 millions de jeunes entrent chaque année sur le marché du travail, seuls quelques 3 millions d’emplois sont créés chaque année. [2]
Dans ce contexte, le numérique est à même d’offrir de nombreuses opportunités pour une population jeune, ambitieuse, dynamique et entreprenante. De plus en plus connectée et adepte des nouvelles technologies, elle bénéficie de l’accroissement du taux de pénétration d’Internet et d’une meilleure connectivité. En effet, en Afrique subsaharienne, la pénétration d’Internet a été multipliée par trois en dix ans seulement. Ce faisant, le numérique est ainsi entré progressivement dans l’ensemble des secteurs économiques clés, tels que le e-commerce, les moyens de paiement, la santé, l’éducation, etc. A tel point que l’économie numérique du continent africain pourrait atteindre les 180 milliards de dollars dans moins de trois ans[3], jouant ainsi un rôle crucial dans la stimulation de la croissance socio-économique.
Grâce à un meilleur accès au réseau et à la popularisation du téléphone mobile, le numérique offre donc de nouvelles perspectives à la jeunesse africaine, notamment en termes d’accès à l’emploi. L’exemple de l’Afrique subsaharienne est à ce sujet idoine, les technologies et les services mobiles ayant créé 300 000 emplois formels, plus d’1 million d’emplois informels, tout en soutenant 1,8 millions d’emplois supplémentaires dans de nombreux autres secteurs économiques.[4]
Cette ère numérique donne également des possibilité inédites pour la création de jeunes pousses, facilitées par la digitalisation de pans entiers de l’économie africaine. En effet, selon une étude menée par l’Ichikowitz Family Foundation, 78% des jeunes Africains âgés de 18 à 24 ans envisagent de créer leur propre entreprise au cours des cinq prochaines années. Selon cette même étude, 43% des 78% sondés ont affirmé qu’ils s’appuieront sur la technologie pour fonder et gérer leur structure.[5]Ce faisant, ces startuppers peuvent ainsi devenir des acteurs économiques à part entière, contribuant à la croissance et au développement de leurs communautés.
Par ailleurs, pour ces jeunes entrepreneurs par exemple, le numérique favorise l’ouverture des frontières et permet ainsi la création d’innovations « Made in Africa ». Consciente du potentiel de cette jeunesse entreprenante, l’entreprise Huawei a lancé le Huawei Cloud Startup Program afin d’aider les start-ups les plus innovantes à se développer, quel que soit leur domaine d’activité. Cette dynamique pourrait ainsi être en mesure d’empêcher la fuite des cerveaux, cette migration constituant un frein à la croissance socio-économique du continent[6].
L’Afrique numérique : quid des défis à surmonter en matière d’accès à l’emploi ?
Bien que l’Afrique prenne progressivement le chemin de la 4e Révolution industrielle, des défis restent encore à surmonter dans l’accès à l’emploi. Ces derniers nécessitent une approche holistique.
Le premier réside dans les infrastructures. Selon une étude du Bosting Consulting Group, seule 40% de la population sur le continent africain a accès à Internet, contre 66% dans le monde. Plus précisément dans les zones rurales, le taux de pénétration d’Internet s’élève à 10% sur le continent et varie selon le sexe, l’âge et le revenu[7]. La mise en place d’un numérique inclusif et équitable est essentielle afin que tout un chacun puisse bénéficier des opportunités offertes par les nouvelles technologies, notamment pour un monde du travail plus productif et plus inclusif. Dans ce contexte, au regard de la faiblesse des infrastructures, tout particulièrement dans les zones rurales et ce pour de multiples raisons (manque d’électrification, coût élevé, etc.), la multinationale Huawei a lancé la solution RuralStar Pro en 2020 afin de permettre aux villages les plus reculés d’avoir accès à un Internet haut débit et de haute qualité. Grâce à celle-ci, 8 millions de personnes ont pu accéder à la connexion.
L’impact en est d’autant plus grand que les opportunités d’emploi formel sont limitées dans ces régions. Or, en facilitant l’entrée des entreprises dans l’économie formelle, le transformation numérique sera alors susceptible de constituer un levier d’emplois stables et sécurisés. Il est certain que la révolution observée depuis de nombreuses années sur le continent influencera les secteurs informels de l’économie, les effets allant particulièrement se faire ressentir dans l’agriculture, l’industrie et les services.
La formation du capital humain constitue ainsi un autre défi de poids. Il est admis que les compétences numériques seront de plus en plus au cœur de cette révolution industrielle, tout particulièrement en Afrique subsaharienne du fait de la jeunesse de sa population. Selon une étude réalisée par la Société Financière Internationale (SFI) et le cabinet L.E.K Consulting, ces compétences devraient générer 230 millions d’emplois dans la région d’ici moins de sept ans.[8] Outre réduire le taux de chômage, la formation aux outils numériques est essentielle pour s’adapter aux enjeux du continent. De nombreuses initiatives ont ainsi été lancées, ainsi que l’illustre le partenariat entre MTN et Smart Africa, celui-ci ayant permis l’installation de la MTN Skills Academy pour former les jeunes aux compétences numériques en Afrique. D’autres acteurs privés tels que Huawei s’investissent également en faveur de la formation et déploie à cet effet de nombreux programmes comme Seeds for the Future ou la ICT Academy. Dans le cadre de celui-ci tout particulièrement, l’entreprise a organisé la 3e édition du ICT Talents Job Fair le 20 mars 2023 à Alger. L’objectif ? Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes talents de la Huawei ICT Academy dans des entreprises du secteur tech à l’issue de leur cursus universitaire.
Les jeunes entrepreneurs ayant besoin de compétences dans un monde en évolution constante, les acteurs publics, notamment étatiques, ont également mesuré l’importance de la formation, tous secteurs confondus. Ainsi, en 2021, le gouvernement togolais a formé plus de 14 000 jeunes et femmes à l’entrepreneuriat afin de promouvoir la création d’entreprises et l’auto-emploi. Cela s’inscrit dans la stratégie de l’État d’agir en faveur de « l’épanouissement et [de] l’accès à l’emploi de la jeunesse togolaise ». [9]
L’action et le soutien des acteurs étatiques au profit de l’emploi est enfin crucial. Ces derniers doivent notamment agir sur la réglementation, celle-ci étant souvent manquante. En proposant des politiques publiques adaptées, ils peuvent ainsi encourager l’investissement privé, favoriser la création d’entreprises – et ainsi limiter la part de l’économie informelle dans le PIB des pays -, créer un environnement de travail sûr et équitable, tout en encourageant la formation et le développement des compétences.
Le développement de l’économie numérique est un enjeu majeur pour la croissance socio-économique des pays africains. La révolution numérique en cours joue donc un rôle essentiel dans l’émergence pleine et entière du continent, offrant des avantages tant sur le plan social qu’économique. Si la transformation digitale sur le continent est porteuse de promesses dans l’accès à l’emploi, elle comporte cependant des risques de fragmentation spatiale et sociale. Afin que la voie du numérique porte pleinement ses fruits, il est crucial de fournir des efforts considérables en matière de renforcement des infrastructures, de formation et de réglementation. En ce sens, acteurs privés, publics et étatiques ont leur rôle à jouer afin de créer des emplois durables et inclusifs.
[1] « Afrique subsaharienne/Boom démographique : une arme à double tranchant », Agence Anadolu, novembre 2022.
[2] « Numérique en Afrique : l’urgence de la formation », Le Point Afrique, décembre 2022.
[3] « Numérique en Afrique : l’urgence de la formation », Le Point Afrique, décembre 2022.
[4] « L’économie mobile. Afrique de l’Ouest », GSMA, 2021.
[5] “78% des jeunes africains prévoient de créer leur propre entreprise durant les cinq années à venir (étude)” , Agence Ecofin, juin 2022
[6] « Numérique en Afrique : l’urgence de la formation », Le Point Afrique, décembre 2022.
[7] « L’avenir du travail en Afrique », Agence française de développement, 2021.
[8] « Les compétences numériques en Afrique subsaharienne : une opportunité à 130 milliards de dollars », Agence Ecofin, juillet 2019.
[9] « Togo : plus de 11 000 micro-entreprises de jeunes créées en 2021 », Togo First, février 2022.