Le numérique au service de l’égalité des chances

[Tribune] Véritable révolution, le numérique s’est installé dans tous les interstices de nos vies. Il a bouleversé nos loisirs, nos habitudes de consommation ainsi que nos manières d’étudier et de travailler. Il a redéfini, en profondeur, les contours de notre société.

Si la France est entrée de plain-pied dans l’ère du numérique, force est de constater que l’industrie de la tech ne reflète malheureusement pas encore la société tricolore dans sa pluralité. Un rapport co-dirigé par Salwa Toko et Anthony Babkine, publié en septembre dernier, le révèle sans ambages : la « France du numérique » fonctionne à plusieurs vitesses. Plus de 50% des emplois du digital sont situés en Île-de-France. L’attrait pour les emplois dans la tech est 30% plus faible dans les quartiers prioritaires de la ville qu’ailleurs et les femmes ne représentent que 12% des créateurs de start-up et 30% des salariés du secteur.

Tout autant que l’enjeu technologique, l’enjeu de la transformation numérique est donc aussi un enjeu d’inclusion, un enjeu de société. Les métiers du numérique ne doivent pas être un entre soi, un monde replié sur lui-même, dont une partie de nos concitoyens serait exclue.

Au contraire, cette quatrième révolution industrielle – parce qu’elle porte en elle une promesse d’inclusion – doit être l’un des creusets de l’égalité des chances. Dans un monde de plus en plus globalisé, le succès des entreprises repose sur des collaboratrices et des collaborateurs talentueux, venant d’horizons divers, pensant et agissant différemment.

Les entreprises doivent dès lors ressembler à leurs clients, à leurs consommateurs et à leurs utilisateurs pour mieux les comprendre et innover davantage. Enjeu éthique, la diversité est aussi un enjeu de performance économique. Dans cette optique, les entreprises ne peuvent se priver d’une partie de nos concitoyens.

Or, nos quartiers prioritaires et nos zones rurales regorgent de potentialités et de talents. Des talents qui ne demandent qu’à éclore. Avec 34 000 créations nettes d’emplois en 2018 – dont 90% de CDI –, les métiers de la tech constituent une voie d’avenir extrêmement prometteuse et attractive.

Mais l’enjeu de la diversification de ses profils reste une priorité. Réduire la « fracture digitale » passe, ce faisant, par réduire la fracture dans l’accès à la formation mais aussi dans l’accès à l’emploi. C’est la responsabilité des recruteurs et des managers au quotidien. Les ressources humaines doivent donc placer la diversité au cœur de leur politique de recrutement ainsi que dans la gestion des carrières.

Cet objectif requiert aussi et avant tout la prise de conscience et la mobilisation des dirigeants d’entreprise. Mobilisation à laquelle s’additionne le rôle essentiel joué par les rôles modèles. Ces ambassadrices et ambassadeurs de la réussite qui permettent d’inspirer, de briser les inhibitions et les autocensures.

Réduire la « fracture digitale » c’est aussi réduire la fracture territoriale. Car l’égalité des chances, c’est aussi l’égalité des territoires. Accélérer la diversité dans le numérique passe donc par une dynamisation des territoires pour que les opportunités du numérique profitent à tous, et partout. Sans distinction aucune.

Autrement dit, les entreprises qui s’engagent, celles qui « donnent du sens » sont des entreprises attractives. Aujourd’hui, et encore plus demain, ce sont elles qui attireront les meilleurs talents et qui, in fine, seront les plus performantes.

Dans le double contexte de crise économique et sanitaire que nous traversons actuellement, les entreprises se doivent d’accompagner et d’impulser les changements nécessaires à une meilleure égalité des chances. Parce que la diversité est une force, parce qu’elle est un facteur d’attractivité, la tech ne peut faire l’économie de cette « révolution inclusive » !

Élisabeth Moreno
Ministre déléguée auprès du Premier ministre
chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes,
de la Diversité et de l’Égalité des chances

Parue dans CIO Mag N°67 Novembre-Décembre 2020 disponible en version PDF