L’IA agentive : un levier de performance pour les hôpitaux

  • Par CIO MAG
  • 3 juin 2025
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[Tribune] Il y a quelques jours, une image devenue virale montrait un hôpital chinois ayant recruté quatorze agents intelligents, autrement dit des médecins entièrement pilotés par l’intelligence artificielle. Cette scène, à la fois fascinante et symbolique, illustre une avancée majeure : l’irruption des “AI agents” — ou agents intelligents — dans le monde de la santé.

Dr Ghanimi Rajae*

Considérés comme la nouvelle génération de l’intelligence artificielle, ces agents autonomes sont capables d’exécuter des tâches complexes, souvent réalisées jusqu’ici par des professionnels humains. Leur promesse ? Automatiser les fonctions les plus chronophages, répétitives ou administratives, afin de permettre aux soignants de se recentrer sur l’essentiel : le diagnostic, la relation humaine et la décision clinique.

À l’échelle mondiale, les initiatives se multiplient. Des projets pilotes sont déjà lancés dans divers pays, et les acteurs majeurs de la tech – tels que Google, Salesforce ou Oracle – annoncent à leur tour des plateformes exploitant ces technologies.

Aujourd’hui, il devient presque impossible de faire défiler un fil d’actualité sur les réseaux sociaux sans croiser les termes « AI agent » ou « agentic AI », tant le sujet est devenu omniprésent dans les sphères technologiques et médicales. Une chose est sûre : cette nouvelle vague d’intelligence artificielle est en passe de transformer en profondeur les organisations de soins, leur pilotage, et les métiers qui les composent.

Vers une collaboration étroite entre agents intelligents et médecins

Ces applications de l’intelligence artificielle agentive ouvrent de nouvelles perspectives pour améliorer la performance hospitalière, tant sur le plan opérationnel que clinique. L’une des expériences les plus emblématiques de ce virage technologique est celle du Tsinghua AI Agent Hospital en Chine, où des agents intelligents ont permis la prise en charge de plus de 3 000 patients par jour, dans un pays confronté à une pénurie critique de médecins — avec seulement 2,4 praticiens pour 1 000 habitants, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (bien en deçà de la moyenne mondiale estimée à 3,7)

Ces agents intelligents ne se limitent pas à une technologie unique, mais constituent un écosystème de systèmes autonomes capables d’assumer des fonctions multiples, en appui ou en extension des équipes médicales. Leur polyvalence permet de couvrir un large éventail de missions, depuis le soutien clinique jusqu’à la gestion administrative.

Ils peuvent ainsi jouer le rôle d’assistant clinique, en recueillant les antécédents médicaux des patients, en participant au processus diagnostique, et en suggérant des plans thérapeutiques personnalisés. En parallèle, certains agissent en tant qu’agents de coordination des soins, assurant le suivi des parcours patients, relançant les professionnels impliqués, et organisant les examens ou les interventions nécessaires.

Ces technologies prennent également en charge des tâches administratives chronophages telles que la gestion des rendez-vous, le codage des actes médicaux, la facturation ou encore l’automatisation de processus de back-office.

L’un des apports les plus remarquables de ces agents réside dans le suivi post-hospitalisation. Grâce à l’intégration de chatbots ou d’assistants vocaux, ces systèmes interagissent avec les patients à leur domicile, surveillent l’évolution de leur état de santé, détectent les signes d’alerte, et transmettent automatiquement les informations pertinentes aux professionnels de santé concernés, assurant ainsi une continuité des soins fluide et réactive. Propulsés par des technologies d’IA multimodale, ces systèmes sont capables de fusionner diverses sources de données, de raffiner leurs actions de manière itérative, et d’exploiter de vastes bases de connaissances médicales pour offrir des soins contextualisés, précis et centrés sur le patient, tout en réduisant significativement les marges d’erreur*.

Selon Abhinav Shashank, PDG d’Innovaccer, société spécialisée dans la transformation digitale des systèmes de santé, nous sommes à l’aube d’une révolution organisationnelle majeure , l’ambition est claire : réduire la charge administrative des professionnels de santé, libérer du temps médical, et optimiser l’allocation des ressources financières.

Sur le plan technique, une IA agentive (ou agentique, en anglais agentic AI) désigne une forme avancée d’intelligence artificielle conçue pour agir de manière autonome, proactive et orientée vers des objectifs, souvent dans des environnements complexes et dynamiques.

Entre promesse d’efficacité et enjeux éthiques

Loin de dresser une opposition entre l’homme et la machine, le modèle fondé sur l’IA agentique propose une coopération intelligente, dans laquelle la complémentarité entre l’expertise humaine et la puissance algorithmique devient un levier stratégique pour transformer en profondeur le système de santé. Ce partenariat homme-machine vise à bâtir une médecine plus accessible, plus réactive, plus personnalisée, et plus équitable.

L’IA agentique possède un potentiel disruptif : celui de redéfinir les standards des soins, de générer des services plus efficaces, évolutifs et personnalisés, et d’étendre son impact bien au-delà du milieu clinique, notamment dans les grandes initiatives de santé publique. En ciblant les inégalités d’accès et en améliorant la qualité des soins dans les contextes les plus fragiles, cette technologie pourrait faire progresser de manière significative l’équité en santé à l’échelle mondiale.

Mais pour concrétiser cette promesse, il faudra un effort soutenu en recherche, en innovation responsable, et en partenariats transdisciplinaires. C’est à ce prix que l’IA agentique pourra être intégrée de manière durable, éthique et transformative au sein des systèmes de soins de demain.

*Nalan Karunanayake,Next-generation agentic AI for transforming healthcare, Informatics and Health,Volume 2, Issue 2,2025, Pages 73-83, ISSN 2949-9534.

* Médecin spécialiste en médecine du travail, docteur (Phd) en Intelligence artificielle appliquée à la santé, présidente fondatrice du centre Hippocrate pour les études, la recherche et le développement durable – Rabat, Maroc

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