Nat-Sy Missamou, Directeur Orange Energies MEA : « Avec Orange Smart Energies, on sait répondre à tous vos besoins d’électricité »

Comment s’équiper d’énergie solaire sans avoir le capital pour ? La plateforme intelligente Orange Smart Energies sait répondre à ce besoin. Elle vous installe l’équipement que vous payez au fur et à mesure que vous l’utilisez. « Ça ne vous reviendra pas plus cher que les autres solutions que vous auriez pu utiliser pour avoir de l’électricité. Au bout d’un temps, Orange vous libère et le système vous appartient. » Directeur Orange Energies MEA, Nat-Sy Missamou explique le bien-fondé de cette solution qui vise à sortir des millions d’Africains de la déficience causée par les difficultés d’accès à l’électricité. 

Cio Mag : Selon un rapport 2023 de la Banque mondiale, 567 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’avaient pas accès à l’électricité en 2021, ce qui représente plus de 80 % de la population mondiale dépourvue d’accès. Pourquoi l’accès à l’énergie reste un enjeu majeur pour notre continent ?  

Missamou Nat-Sy Mea : Le problème porte sur le risque. A tort ou à raison, la perception du risque sur l’Afrique est souvent importante et peut amener certains investisseurs à hésiter à mettre en place les infrastructures nécessaires parce que l’Afrique est restée perçue dans le monde comme étant un continent à risque. Ce qui n’est pas totalement le cas parce qu’on a quand même vu, par exemple nous Orange, beaucoup d’autres acteurs du secteur privé investir en Afrique avec succès. Et c’est même très intéressant d’investir dans ce continent. Cependant, il n’y a pas de fumée sans feu. Il faut quand même noter que le taux de pertes commerciales, c’est-à-dire la portion non recouvrée de l’argent qui est dû à des consommations d’électricité, est quand même très élevé en Afrique. Globalement, dans les pays du Nord cela ne dépasse pas les 5 % d’impayés tandis qu’en Afrique subsaharienne, on est en moyenne autour de 40 % avec de grands écarts. Dans certains pays africains on peut monter jusqu’à 55 %. Le risque est quand même avéré, et c’est là où aujourd’hui il y a la rencontre entre les télécoms et le secteur de l’énergie. Car en rajoutant de la technologie on peut contribuer à baisser ce risque et faire en sorte qu’on puisse investir dans ces infrastructures parce qu’il le faut malgré tout. Que ce soient des plus petits ou des plus grands systèmes, ça nécessite un investissement. Et on peut réussir à utiliser une technologie pour assurer ce retour sur investissement et donc baisser les risques.  

Cio Mag : Comment y parvenir ?  

M. N. M : Il ne faut pas juste faire un copier-coller sur ce qui s’est fait ailleurs dans le monde car les réalités sont différentes. Quand on compare l’Afrique à l’Europe par exemple, on peut dire que l’Afrique est quatre fois moins dense en population. On a des régions entières du continent qui sont totalement vides. Donc, si vous voulez construire des centrales de production qui par définition sont centralisées, et tirer des lignes à très haute tension pour le distribuer dans tout le territoire, vous allez traverser de nombreuses zones sans population, et vous comprenez que le coût sera très élevé. C’est ce qui explique que beaucoup d’endroits ne sont pas encore couverts par l’électricité. Parce que tirer des câbles partout sur le territoire coûte très cher et il faut pouvoir rentabiliser ceci en connectant des clients qui vont consommer l’électricité et vous rapporter des revenus pour pouvoir aller encore plus loin.  Du coup, chez nous en Afrique, on est obligé de penser à une approche centralisée pour les zones denses et suffisamment grandes, mais pour les zones rurales encore moins denses il faut pouvoir construire des systèmes décentralisés, ce qu’on appelle typiquement des Mini-grids, pour pouvoir desservir une population assez concentrée dans un endroit mais isolée du reste du pays. Il restera toujours des populations encore plus isolées qui, elles, auront besoin d’avoir des systèmes individuels qui seront construits pour elles-mêmes. Pour chacune de ces solutions de fourniture d’électricité, la technologie vient en appui. Par exemple, si vous prenez un système construit pour un village – ce que j’ai appelé le mini-grid, il faut être sûr que l’énergie qui sera consommée sera payée. Donc, ce que la technologie apporte, c’est d’introduire le même système qu’on a fait sur les télécoms ; c’est de faire en sorte que cette énergie soit prépayée, mais véritablement prépayée.  

Cio Mag : Qu’est-ce à-dire ?  

M. N. M : Ça veut dire qu’il ne s’agit pas juste de mettre une carte à gratter et des compteurs de type STS où, finalement, toute l’intelligence est dans ce compteur. Il s’agit de reproduire ce qu’on a fait nous-mêmes dans les télécoms. On a un cœur de réseau intelligent qui collecte en temps réel des informations de consommation et qui, en ayant un compte prépayé au départ, va débiter ce compte au fur et à mesure de la consommation, informer le client avec des SMS, des messages vocaux dans les langues locales pour prévenir que la consommation va bientôt arriver à son terme, et faire en sorte que la personne qui n’a pas payé ne puisse pas consommer. Et ça c’est très important. On peut le faire via ce qu’on appelle des compteurs intelligents connectés. Ces paiements-là doivent se faire en couplant les solutions de mobile money qui ont été inventées par les opérateurs télécoms. Ça encore, ça reste une spécificité de l’Afrique.  

Si on ne tient pas compte de la densité de la population et de l’impossibilité d’avoir des prélèvements directs sur les comptes bancaires, on aura du mal à fiabiliser le paiement des investissements qui ont été faits. C’est valable pour les mini-grids  et les réseaux nationaux d’électricité qui ont aussi un gros déficit en termes de collecte.  

Pour les personnes qui auront le système directement chez eux, l’électricité ne passe plus par un compteur mais on sait également mettre des systèmes de contrôle de la production d’électricité qu’on appelle le “Pay-as-you-go“. En général, ça vient avec une solution de stockage d’énergie, donc une batterie et cette batterie est contrôlée à distance, ce qui fait que la personne ne peut l’utiliser que si elle paye. De cette façon, on est assuré que la personne qui aurait investi que ce soit dans un mini-grid, que ce soit pour fournir une solution domestique ou même sur un réseau national, aura ses revenus. Enfin, ça permettra à ce réseau de se développer. Pour une société d’électricité, ne pas recevoir 40 % de ses revenus, c’est très compliqué. 

Cio Mag : Cette solution domestique, comment fonctionne-t-elle ?  

M. N. M : Déjà, il faut savoir qu’il y a plusieurs façons de capter de l’énergie. Ça peut être un panneau solaire ; une turbine si on veut capter l’énergie de l’eau ; une éolienne pour capter l’énergie du vent. Cela étant, la production de cette énergie peut s’arrêter à un certain moment de la journée, de façon prévisible où imprévisible. C’est prévisible pour le soleil parce que la nuit il n’y a pas de soleil par définition, et imprévisible pour le vent. Pour assurer une fourniture ininterrompue d’énergie, il faut pouvoir stocker cette énergie pour pouvoir l’utiliser au moment où on en a besoin. Aujourd’hui, les solutions de stockage les plus connues sont les batteries. Et la taille de l’unité de stockage étant fonction de l’usage, vous comprenez que ce sont des solutions qui sont vraiment alignées sur l’usage que l’on veut faire. C’est-à-dire qu’on n’aura pas besoin de capter la même quantité d’énergie, ni de stocker la même quantité selon que l’on veuille juste éclairer, recharger un téléphone, ou bien regarder la télé, faire marcher un frigo, un ventilateur, un congélateur ou une machine à laver, un climatiseur, une machine à moudre le grain, une machine à sécher. Selon les usages, tout le dimensionnement change. Et ce que nous essayons de faire, c’est de fournir de plus en plus d’usages possibles, en plus de fournir simplement l’énergie, en étant focalisé sur des usages qui vont permettre de créer des entreprises.

On veut que l’énergie serve au développement. Typiquement, on va faire en sorte qu’une personne qui a, par exemple, un débit de boisson puisse avoir comme usage rafraîchir la boisson, faire fonctionner un ventilateur. Qu’une personne qui a un champ puisse pouvoir moudre son grain pour le transformer en farine. On ne se limite pas simplement à faire en sorte que l’énergie produite soit payée de façon sûre, mais on fait aussi en sorte de fournir, pour les solutions individuelles, des solutions de bout en bout qui permettent directement, d’un usage à un autre, à la personne d’avoir des revenus grâce à ses usages. 

Cio Mag : Concrètement, je vis en Côte d’Ivoire dans une localité isolée, je veux avoir de l’électricité domestique et payer par mobile money à travers Orange Energies. Que faut-il que je sache ? 

M. N. M : Dans le cas d’une maison d’une pièce, on aura juste besoin, peut-être, d’une ampoule dans la pièce, une ampoule dans la cuisine, une ampoule aux toilettes, ce qui fait trois ampoules. On peut aussi avoir besoin de recharger son téléphone et écouter la radio. Pour ces besoins-là, on a une taille de panneau solaire et une taille de batterie. Après, si on veut brancher un ventilateur, ça fait encore une autre taille de panneau solaire et une taille de batterie. Admettons que l’on s’approche de la CAN (Coupe d’Afrique des nations de football, ndlr), on va vouloir pouvoir allumer sa télé, il faudra encore une autre taille de panneau et une autre taille de batterie pour pouvoir gérer de plus en plus d’équipements. Si on est fatigué juste de consommer et qu’on veut pouvoir faire du commerce avec un frigo ou un congélateur et jouer de la musique, c’est encore une autre taille de panneau, encore une autre taille de batterie pour pouvoir permettre tout cela.  Et bien entendu, la taille de ces équipements détermine aussi le prix que l’on aura à payer.  

Ce que nous faisons à Orange Energies, c’est de faciliter tout cela en permettant que, petit à petit, on paie une petite somme équivalente à ce qu’on aurait payé par exemple avec des bougies, torches, piles, groupes électrogènes ou autres. Mais avec Orange, au bout de deux ou trois ans, quand vous avez fini de rembourser l’équivalent de la valeur de ce que vous avez acheté, vous pouvez utiliser gratuitement vos panneaux solaires. Et les panneaux solaires durent longtemps, au moins plusieurs dizaines d’années. Mais la batterie un peu moins, entre cinq et dix ans. 

Cio Mag : Pour déployer ces solutions dans chaque pays de la région MEA, Orange Energies doit s’adapter à chaque marché. Comment appréhendez-vous cette problématique ?  

M. N. M : On s’adapte selon la géographie et les besoins des populations. Si vous prenez un pays comme la Côte d’Ivoire où il y a une instruction présidentielle très claire de vraiment raccorder tous les villages, vous allez voir que les besoins vont être plutôt dans les zones encore plus éloignées. Ça va être, peut-être, des campements où on aura besoin, par exemple, de pouvoir avoir de l’énergie pour un élevage de poulets, besoin de plus de solutions dans le domaine agricole. Si vous prenez un pays comme la RDC où le taux d’électrification est en dessous de 20 %, vous aurez des endroits qui sont de très grands villages, presque des villes, où la population aura besoin d’accéder à l’électricité. Du coup, vous allez apporter pas mal de solutions très basiques comme simplement s’éclairer, charger son téléphone, mais en plus grande quantité que ce que l’on pourra faire dans d’autres pays. Ce qui sera important, c’est de mettre en place le prépaiement et les compteurs intelligents pour être sûr que pour l’énergie électrique utilisée on perçoit bien tous les revenus qui sont dus. Avec notre panoplie de solutions, on sait répondre à tous les besoins d’énergie qui peuvent se présenter dans un pays, en sachant que les proportions d’intérêt de ces solutions seront différentes selon le marché, selon le pouvoir d’achat, les habitudes et selon le type d’activité économique des populations. 

Cio Mag : Quels sont vos perspectives de développement d’ici à 2030 ? Avez-vous de nouveaux territoires dans le viseur ? 

M. N. M : On est déjà présent dans tous les pays où Orange est présent. Parce qu’on reste quand même opérateur télécom ; on n’est pas énergéticien mais on utilise tout ce qu’un réseau télécom peut apporter au secteur de l’énergie. C’est d’abord de la sécurité informatique parce qu’on est à une époque où il y a beaucoup d’attaques ; ensuite le cloud pour pouvoir connecter ces équipements-là à distance ; puis le mobile money. Tout cela vient alimenter notre plateforme intelligente qui permet de gérer notre solution qui s’appelle Orange Smart Energies. On va ouvrir l’activité le mois prochain dans le dernier pays, c’est-à-dire la Guinée-Bissau. Pour les perspectives de développement, si on se restreint à notre périmètre, ça se chiffre en centaines de millions de gens qui ont besoin d’électricité. Si on pouvait sortir quelques millions de nos concitoyens de cette déficience on serait vraiment très honoré. C’est ce qu’on va essayer de faire d’ici à 2030.  

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag Online
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
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