Rhoda Oduro (Developers in Vogue) : « Nous veillons à ce que les femmes profitent également de l’économie numérique »

Rhoda Oduro, Manager au sein de Developers in Vogue, lauréate 2023 du prix Les Margaret de la Journée de la femme digitale (JFD).

Malgré sa croissance rapide, la technologie numérique n’a pas eu le même effet sur les sexes. Les femmes sont laissées pour compte. D’après une enquête de la GSMA sur l’Afrique subsaharienne, plus de 190 millions de femmes n’utilisent pas de services d’internet mobile, soit un écart de 37% entre les femmes et les hommes. Même les femmes qui ont accès aux produits et services digitaux ont tendance à les utiliser moins intensément que les hommes. Une situation qui mérite d’être corrigée d’autant plus qu’on estime à 230 millions, le nombre d’emplois qui nécessiteront des compétences numériques d’ici 2030.

Former les femmes aux compétences numériques et libérer des avantages substantiels chez elles afin de créer de la richesse sans distinction de sexe. Pour “Developers in Vogue”, cela passe par un renforcement considérable de capacités dans la programmation de logiciels, le marketing digital, la conception de sites web et la science des données. Manager au sein de cette organisation à but non lucratif, Rhoda Oduro, lauréate 2023 du prix Les Margaret de la JFD, nous dit ce qui rend cette plateforme unique par rapport aux autres organisations qui œuvrent dans le même domaine. dans cet entretien, elle évoque aussi le principal défi qui se présente à Developers in Vogue : l’accès aux financements.

Cio Mag : Vous êtes lauréate 2023 du prix Les Margaret de la Journée de la femme digitale (JFD), comment avez-vous remporté ce prix ?

Rhoda Oduro : C’est en parcourant Internet à la recherche d’opportunités dans le domaine des STEM (science, technology, engineering, and mathematics, ndlr) que je suis tombée sur le formulaire de candidature du prix Les Margaret qui est placé sous le haut patronage du Président de la République Française. Une belle opportunité que j’ai tout de suite saisie en y candidatant. J’ai ensuite été contactée par le comité de sélection pour la suite du processus. Le jury d’exception 2023 de la JFD s’est réuni le 9 février 2023 pour délibérer sur les dossiers reçus et j’ai reçu mon prix à la cérémonie de remise annuelle des prix Les Margaret le 17 avril 2023 en présence des partenaires de la JFD.

Que représente ce prix pour vous ?

Le Prix Les Margaret permet de mettre en lumière le parcours des femmes évoluant dans les métiers numériques et apporte reconnaissance et visibilité au travail des intrapreneures comme moi. C’est un prix que j’ai reçu avec beaucoup de joie, de fierté et un sentiment d’accomplissement car il représente beaucoup pour moi, tant sur le plan professionnel que personnel. Il me conforte dans mon choix de carrière. C’est un véritable symbole de l’importance de la persévérance et de la foi en soi.

Présentez-nous Developers in Vogue et dites-nous ce qui rend cette organisation à but non lucratif spéciale par rapport aux autres initiatives qui visent à renforcer les  compétences numériques des femmes sur le continent africain ?

En effet, beaucoup d’organisations se lancent dans la formation des femmes aux métiers numériques en Afrique.

Ce qui rend notre initiative unique, c’est que nous offrons un mentorat et un placement professionnel aux femmes que nous accompagnons, une fois qu’elles ont acquis les compétences nécessaires.

Nous offrons également une communauté de femmes extraordinaires qui se soutiennent mutuellement. Je peux donc dire que nous allons au-delà de la formation.

Promouvoir la création de richesses sans distinction de sexe en impliquant davantage de femmes dans l’économie numérique. C’est aussi votre leitmotiv peut-on dire ?

D’une certaine manière, oui, notre objectif est de veiller à ce que les femmes profitent également de l’économie numérique et cette phrase va dans ce sens, donc oui, nous impliquons davantage de femmes dans l’économie numérique pour la création de richesses.

Publié en 2021, le rapport de la Société financière internationale (IFC) intitulé Women and e-commerce in Africa, fait état d’un commerce électronique en plein essor en Afrique. Il relève cependant un creusement de l’écart entre les sexes dans ce secteur qui entame à peine sa trajectoire de croissance. Quelle peut être la contribution de Developers in Vogue pour promouvoir les entreprises féminines et augmenter le nombre d’entrepreneuses opérant sur des plateformes en ligne ?

Je pense que l’inégalité entre les hommes et les femmes est présente dans presque tous les secteurs de l’économie africaine et l’un des moyens de relever ce défi, en particulier dans le domaine du commerce électronique, est le développement des compétences.

Developers in Vogue s’attache à doter les femmes africaines des compétences techniques et des connaissances nécessaires pour prospérer dans l’industrie numérique.

Nous proposons une formation spécialisée à l’entrepreneuriat adapté aux femmes africaines. Cette formation peut porter sur des sujets tels que la planification d’entreprise, les stratégies de marketing, la gestion financière et l’acquisition de clients. En offrant une formation complète, Developers in Vogue aide les femmes entrepreneurs à développer les compétences et les connaissances nécessaires pour naviguer avec succès dans le paysage du commerce électronique. Nous pouvons également faciliter la mise en réseau et la collaboration entre les femmes entrepreneurs afin de développer leurs activités, de trouver des partenaires potentiels et d’accéder à de nouveaux marchés.

Developers in Vogue a formé plus d’un millier de femmes en 2022. Dans quel(s) domaine(s) précisément ? Avez-vous un retour d’expérience de ces femmes quant à leur intégration dans le monde du travail salarié ou indépendant ?

Nous avons formé plus d’un millier de femmes à l’ingénierie logicielle, au marketing numérique, au développement Web et à la science des données. Au-delà de la formation nous les accompagnons dans leur insertion professionnelle et faisons donc un suivi post formation qui nous permet d’avoir des retours concrets. D’une manière générale, elles sont pleinement satisfaites de leur montée en compétences et des portes que cela leur ouvre.

De quels appuis bénéficiez-vous en termes de financement et de mentorat ? Êtes-vous aujourd’hui en mesure d’affirmer que votre message est entendu par les bailleurs de fonds internationaux ?

Actuellement, nous avons encore des difficultés à présenter notre proposition de financement aux bons donateurs et nous sommes optimistes quant à notre reconnaissance sur une plateforme internationale telle que la JFD et son programme d’accélération. Le prix est largement couvert par les médias et considéré comme un sceau d’approbation pour le travail innovant dans l’industrie technologique. Il pourrait nous permettre de gagner en visibilité et de faciliter notre accès à de bonnes ressources pour attirer des investisseurs ainsi que des partenaires et clients potentiels.

Parlez-nous des obstacles qui se dressent devant vous dans la mise en œuvre de vos projets et dites-nous comment vous les contournez ?

Comme j’ai eu à le mentionner plus tôt, l’un de nos principaux défis est le financement. Puisque nous opérons en tant qu’organisation à but non lucratif, nous dépendons principalement de subventions et de dons d’organisations corporatives.

Notre défi principal est donc de pouvoir toucher ces organisations à travers des actions coordonnées.

Par exemple, les initiatives comme le prix Les Margaret qui mettent à disposition des programmes d’accompagnement nous permettent de nouer des contacts qui peuvent nous soutenir.

Quels sont vos axes de développement pour les dix prochaines années?

Au cours des dix prochaines années, nous envisageons de nous étendre à d’autres pays africains. Nous travaillons également à la mise au point d’un produit commercialisable qui permettra aux femmes africaines d’acquérir plus facilement des compétences numériques et de trouver un emploi en toute transparence.

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag Online
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
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