Lomé, la capitale togolaise, accueille le séminaire annuel 2024 du Réseau francophone de la régulation des télécommunications (FRATEL), du 21 au 22 mai. Près de 150 acteurs dont 83 régulateurs et une soixantaine de représentants d’institutions, de cabinets d’experts et autres acteurs du secteur mènent des réflexions approfondies autour du thème : « Economie de la donnée et paiement mobile : quels enjeux de régulation technico-économiques ? »
(Cio mag) – Le 21è séminaire du Fratel qui se tient à Lomé s’inspire du plan d’action 2024 du réseau Fratel sur l’avenir des réseaux et la régulation, d’une part et, d’autre part, sur les enjeux de la régulation relatifs au marché de la donnée et des services numériques. Régulateurs membres du réseau, représentants d’institutions internationales comme la Banque mondiale, la Francophonie ; équipementiers, cabinets d’avocats ou encore des associations de consommateurs sont à Lomé pour partager leur savoir-faire sur les problématiques et les défis que suscitent la régulation à l’ère des données.
Repenser la régulation avec la donnée
La thématique abordée lors de ce séminaire représente « un intérêt indéniable pour l’ensemble des acteurs de l’écosystème notamment les Etats, les entreprises, les régulateurs, les associations de la société civile, les consommateurs…» a expliqué Michel Yaovi Galley, Directeur général de l’Arcep Togo. Ce dernier a insisté sur les attentes et leurs enjeux pour les régulateurs. « Nous avons besoin de comprendre le fonctionnement du marché de la donnée, sa structuration, ses caractéristiques ; de connaître les différents acteurs de ce marché, les manifestations de l’offre et de la demande », en ce qui concerne particulièrement l’économie de la donnée ; a-t-il souligné.
Trois tables-rondes devront permettre d’approfondir les échanges. Les discussions du premier jour porteront sur « quels enjeux soulève le développement de l’économie de la donnée ? » et « quelles interventions publiques pour remédier aux potentielles défaillances du marché du stockage et du traitement de la donnée ? ». Puis, le deuxième et dernier jour sera consacré au « partage d’expérience sur les paiements mobiles. »
Pour l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes du Togo (Arcep) dont la stratégie de régulation est axée sur la donnée : « à l’ère du numérique, la donnée est devenue une matière première incontournable, la clé pour la définition des méthodes d’une régulation efficiente et pour la détermination des politiques économiques et sociales des Etats. » Cette conviction justifie le choix du régulateur togolais qui a manifesté très tôt sa foi en la puissance de la donnée, a soutenu le Directeur général de l’Autorité de régulation du Togo.
Co-hôte de l’évènement, l’Autorité de régulation des postes et des communications électroniques du Congo (Arpce) qui assure la présidence 2024 du Fratel a ajouté que « le réseau devait cerner davantage les nouvelles questions de régulation des marchés numériques induites par la transformation du secteur. » Louis-Marc Sakala, Directeur général de l’Arpce et président du comité de coordination du réseau Fratel a ajouté : « des traces électroniques laissées sur les réseaux ou sur internet aux informations volontairement renseignées, nous créons des données électroniques partout où nous sommes. Publiques, confidentielles, privées, sensibles, secrètes, ces données sont de plus en plus exploitées et se doivent d’être régulées. » Voilà donc pourquoi le comité de coordination du réseau a décidé d’en faire un sujet de discussion commun à Lomé.
Quelle régulation du paiement mobile ?
L’autre problématique au cœur de ce séminaire 2024 au Togo est l’interopérabilité des moyens de paiement mobile. Il s’agit pour les régulateurs de réfléchir « aux difficultés relatives à l’opérationnalisation de l’interopérabilité des plateformes de paiement mobile qui offrent des services aux populations à travers des réseaux des opérateurs de communications électroniques mobiles », a indiqué Michel Yaovi Galley, Directeur général de l’Arcep Togo.
Il a invité, à cet effet, les participants à la rencontre de Lomé à « proposer des recommandations claires et à partager des retours d’expérience sur des modèles de collaboration institutionnelle de co-régulation qui peuvent faire école, afin de rendre opérationnelle cette interopérabilité pour accélérer l’inclusion socio-économique. »
« Les paiements mobiles soutenus par la progression fulgurante du mobile money en Afrique reconfigurent les écosystèmes financiers et traditionnels. Face à ces bouleversements technologiques et économiques; nous, régulateurs, devons réfléchir à de nouveaux cadres juridiques et réglementaires adaptés », a soutenu Louis-Marc Sakala, DG de l’Arpce du Congo. Il s’agit « d’assurer un juste équilibre entre innovation et protection des libertés et des droits fondamentaux, de promouvoir un accès équitable aux données et de promouvoir une concurrence loyale sur ces nouveaux marchés, de mettre en place des mécanismes de supervision pour la monnaie électronique mobile, afin de prévenir les risques sans entraver l’inclusion financière.»
Le défi pour les régulateurs est d’accompagner, dans la durée, la transformation majeure du secteur dans les pays membres du réseau Fratel ; à travers l’anticipation d’une régulation équilibrée et évolutive essentielle pour libérer tout le potentiel économique et social des technologies électroniques tant souhaité par les pays.
Des cas concrets, pistes de réflexion
C’est le Togo qui donne le la aux pistes de réflexion des acteurs. Le ministre de l’Economie numérique et de la Transformation digitale, Cina Lawson a partagé avec les participants des cas pratiques d’utilisation de la donnée au Togo pour répondre aux défis socio-économiques. Il s’agit, entre autres, de la cartographie de la pauvreté grâce à l’analyse de données couplée de l’IA. L’exercice a consisté, lors de la crise sanitaire de 2020, d’identifier les plus vulnérables, leurs localisations, leurs zones géographiques, leurs professions etc… Cette utilisation de la donnée a donc permis au Togo de répondre à la crise socioéconomique d’urgence qu’a provoquée la crise sanitaire ; avec une aide financière aux bénéficiaires à travers une plateforme de paiement mobile de masse.
En effet, le pays bâtit sa stratégie de la transformation digitale sur l’accélération de l’inclusion des populations, a expliqué le ministre Cina Lawson. Selon elle, le sens de la transformation digitale est d’apporter une amélioration dans le quotidien des populations. Ainsi, le Togo s’évertue à digitaliser des secteurs clés de son économie comme l’agriculture, le commerce, la logistique etc. Il est important, selon le ministre de l’Economie numérique, de valoriser les données collectées par l’Etat. « C’est un devoir pour nos Etats de mettre des informations à la disposition du secteur privé » qui en a besoin pour créer des services à valeur ajoutée, a soutenu Mme Cina Lawson. Du séminaire du Fratel à Lomé, elle attend des partages d’expériences entre les acteurs du secteur pour le développement de l’économie numérique.