C’est l’une des startups togolaises dont on entendra parler probablement plus souvent dans les mois à venir au Togo et dans la sous-région ouest-africaine ! Semoa, la startup du togolais Edem-Adjamagbo propose, entres autres, des solutions de paiements pour l’Afrique en alliant le numérique et le cash. Semoa s’est révélée au grand public togolais lors de la 14è Foire Internationale de Lomé qui portait sur le numérique. Prix de l’innovation Fintech et Prix spécial diaspora africaine du concours “Startup of the Year 2018” un mois plus tard, Semoa nourrit des ambitions à la taille du besoin du développement du numérique au Togo et en Afrique. Rencontre avec son fondateur et CEO pour qui l’aventure ne fait que commencer.
Cio Mag : vous êtes CEO de la startup SEMOA. Sur quelles thématiques travaille votre startup ?
Edem Adjamagbo : Semoa a pour ambition de devenir la première plateforme de paiement e-commerce de l’Afrique. Nous avons conçu et développons actuellement un réseau de bornes de paiement acceptant des francs CFA en espèce : Semoa-Kiosks. Ce réseau permet aux utilisateurs de réaliser de nombreuses transactions parmi lesquelles: le règlement des achats sur les sites de e-commerce, le paiement des factures d’eau, électricité, la souscription à divers abonnements et le transfert d’argent.
Quand on sait qu’au Togo il faut parfois faire une à deux heures de queue pour régler sa facture d’électricité en agence, la décentralisation des paiements de factures se positionne comme une innovation d’usage très bien accueillie.
Nous proposons ainsi une solution innovante qui fait le pont entre la tendance du paiement en ligne, notamment avec les mobile money et le paiement en espèce qui reste prédominant au Togo et dans toute l’Afrique.
Après seulement trois années d’existence, vous avez eu votre première reconnaissance à l’internationale avec le prix startup of the year Africa le 25 janvier dernier à Casablanca ! En quoi votre solution a-t-elle convaincu le jury et quelle est la portée de ce prix pour vous ?
A vrai dire, comme beaucoup de startups, nous avons commencé avec un très petit effectif en 2014. Après trois ans et demi de Recherche et Développement à Nantes en France, nous avons développé une technologie nous permettant de nous connecter directement au système d’information des opérateurs téléphoniques sans qu’ils aient besoin de nous ouvrir quelques accès que ce soit.
Cette technologie nous a permis de créer dans un premier temps, la première plateforme web de transfert d’argent Nord-Sud avec une livraison de l’argent sur le mobile du bénéficiaire au Togo. Plus besoins de se déplacer sur de longues distances (en zone rurale) pour récupérer son transfert d’argent.
Nous avons par la suite découvert les joies de la réglementation régissant le transfert d’argent et nous sommes donc repositionnés. Désormais, nous souhaitons proposer les mêmes services mais de manière physique, avec des espèces, d’où le choix des bornes.
Pour répondre à votre question, le jury, dont plusieurs membres suivaient le projet en silence depuis le début (ndlr : confession faite à Semoa lors de la remise des prix startup of the year Africa 2018), ont apprécié les différents pivots effectués pour permettre à la startup d’opérer malgré les contraintes techniques de nos pays africains mais aussi réglementaires.
La deuxième chose que nous avons mis en avant lors du pitch c’est le “made in Togo”. En effet nous construisons toutes nos bornes à Lomé pour servir aujourd’hui le Togo et le Benin et dès 2019 le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Nous avons fait ce choix, non neutre en termes de complexité et de recherche de coûts car nous sommes fondamentalement convaincus qu’en Afrique, et plus particulièrement au Togo, il est possible de créer, d’innover et de proposer des services à très forte valeur ajoutée. Face aux géants Asiatiques, Américains et Européen, l’Afrique a désormais son rôle à jouer!
De retour à Lomé, vous aviez présenté les prix reçus à la Presse. Mais au-delà, vous aviez un message pour les acteurs de l’écosystème numérique du Togo !
Ne creusons pas notre dette technologique ! Pendant des décennies, nous n’avons pas forcément fait les bons investissements et les rénovations; ce qui nous a conduit à creuser une dette urbaine et sociale qu’un certain pays asiatique nous “aide” à combler aujourd’hui.
Ne reproduisons pas les mêmes erreurs sur le numérique car cela nous coûtera notre souveraineté.
Nous, entrepreneurs, avons la ferme volonté d’apporter des solutions adaptés qui améliorent le quotidien de nos utilisateurs, nos clients, nos collaborateurs. Alors, nous trouvons qu’il est fondamental de se regrouper pour mener des actions conjointes de RSE qui donnent du sens à nos activités.
Semoa Togo et quelques autres acteurs se sont rapprochés pour travailler sur une école du numérique. Nous, chefs d’entreprises ou porteurs de projets, nous nous sommes rendus compte que nos collaborateurs ont encore d’énormes progrès à faire pour atteindre la qualité et les exigences sur le modèle de grandes ESN européennes. Pour preuve, le DSI d’une grande banque Française me confiait que tous les développements informatiques de leur filiale locale sont décidés pas la DSI à la Défense (Paris) puis exécutés par des filiales d’ESN françaises à Abidjan ou Dakar.
Pourquoi Sommes-nous incapables de le faire au Togo ou au Bénin?
En fait, Il faut regarder plus loin que la volonté de faire des affaires “entre français”. C’est aussi la recherche d’une qualité de service, des méthodes projets fiables et des garanties de prise en charge en cas d’anomalies.
Fort de ce constat, nous souhaitons créer ce centre de formation pour y former nos propres collaborateurs par la Diaspora africaine. Leur enseigner les dernières méthodes de conception applicatives, développements, d’intégrations continues etc… en trois mois. Une fois certifiés, nous garantissons qu’ils sont efficaces, productifs et rentables pour l’entreprise. Nous n’oublions pas la dimension RSE de nos activités et c’est pour cela que la filière BUSINESS financera la filière RECONVERSION qui aura pour objectif la formation de chômeurs, peu scolarisés et désœuvrés au métier de développeur intégrateur web en trois mois. L’objectif est de donner une chance à chacun de trouver un emploi dans le milieu du numérique et pourquoi pas dans nos propres entreprises.
Revenant sur SEMOA, quels sont les prochains défis qui vous attendent ? L’écosystème numérique du Togo vous semble-t-il suffisamment mûr pour adopter vos solutions ?
Actuellement, nous menons une campagne afin de déployer un réseau de 25 bornes sur le territoire togolais d’ici fin 2018.
Nous allons poursuivre cette tendance en 2019, en déployant un réseau de 50 bornes dans d’autres pays de la sous-région, tel que le Bénin où nous travaillons déjà avec un pionnier du e-commerce local. Pour financer ce développement de Semoa, notre prochain défis est de boucler avec succès le second tour de table auprès d‘investisseurs engagés dans le développement de l’écosystème numérique africain. L’objectif est cette fois-ci de réaliser une levée de 1,3 million d’euros, ce qui permettra à notre startup de pouvoir faire face à ses besoins de R&D et déploiement sur 3 ans.
En ce qui concerne l’acceptation de notre solution par les populations, la forte affluence vers notre stand lors de l’exposition de la borne Semoa-Kiosks à 15è la Foire Internationale de Lomé nous a permis de constater que les togolais sont prêts à adopter notre solution. En effet, celle-ci s’impose comme une réponse simple et rapide à de nombreuses problématiques locales, parmi lesquels le manque de solutions de prélèvements automatiques qui conduit à de longues files d’attentes au sein des agences.
C’est donc en proposant une solution entre le tout numérique et le paiement en espèce que Semoa convainc les populations qui ne le sont pas déjà, d’adopter sa solution qui est celle d’une utilisation pragmatique du numérique au service des défis en Afrique.