10 ans des ATDA – 3 Questions à Alpha Barry, CEO d’Atos Afrique : « Atos en Afrique est une entreprise africaine »

  • Par CIO MAG
  • 11 novembre 2021
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Leader international de la transformation digitale, Atos regarde depuis plusieurs années déjà vers l’Afrique. Le Sénégalais Alpha Barry est à la tête du département Afrique, qui compte 2500 collaborateurs dans 12 filiales réparties sur plusieurs pays du continent. Pour Cio Mag, il dresse le bilan et les perspectives des activités du groupe en Afrique, et évoque son rêve pour l’Afrique digitale dans la prochaine décennie. Interview.

Cio Mag : Si vous devez dresser le bilan d’une décennie de transformation digitale en Afrique, quel serait-il ?

Alpha Barry : Il y a beaucoup à dire sur les avancées en termes de développement numérique sur le continent ces dernières années. Mais je vais retenir deux faits marquants. Le premier, c’est le rattrapage du continent quant à la mise en place et à l’utilisation d’Internet par rapport au reste du monde. Au début des années 2000, il y avait très peu de pays connectés avec des réseaux rapides et sûrs, hormis les pays du Maghreb. Mais entre 2011 et 2021, nous avons assisté à une explosion de l’Internet partout ailleurs en Afrique. Ceci, notamment, grâce à la baisse des coûts et au déploiement de la fibre optique dans plusieurs régions. Les usages ont évolué : la population s’est mise à utiliser Internet. Cette explosion a permis aux entreprises et aux gouvernements de créer des applications digitalisées pour servir clients et usagers, comme l’identité numérique ou la collecte des impôts par exemple.

Le deuxième fait marquant est pour moi l’explosion du mobile, avec une transformation de celui-ci pour des applications numériques, utilisées et développées pour les populations africaines. C’est par exemple le cas du « mobile money ».

Quel a été, dans ce contexte de transformation digitale de l’Afrique, l’apport d’Atos ces dernières années et quelles sont les perspectives dans les années à venir ?

Partout en Afrique, Atos a participé à la mise en place de solutions et au développement d’applications pour numériser les processus et sortir des approches manuelles. Et ce, à destination du public et des entreprises. Dans un premier temps, il a été impératif de procéder au remplacement et à la mise à niveau des infrastructures. Cette modernisation des équipements et des applications est nécessaire dans le contexte de révolution digitale, notamment à cause de la multiplication exponentielle du nombre de données à traiter.

Depuis 2015, Atos a entrepris de se développer en Afrique de deux manières. Tout d’abord en s’implantant dans plusieurs pays où le groupe n’était pas présent. C’est le cas du Sénégal par exemple. Le groupe a par ailleurs renforcé ses positions par l’acquisition des filiales Bull, en 2014, ce qui a permis une implantation effective et immédiate sur le continent, puisque Bull était déjà bien présent en Afrique francophone, en particulier.

L’objectif, désormais, est de poursuivre ce développement en renforçant notre position dans les pays où nous sommes présents. Nous voulons être les premiers dans les pays où nous sommes déjà implantés ! Par ailleurs, Atos souhaite aller vers d’autres marchés, notamment vers les pays anglophones – le Kenya, l’Ouganda ou le Ghana – c’est-à-dire des pays où nous travaillons déjà mais à travers des partenaires.

Notre stratégie n’est pas de s’implanter en partant de rien. Nous répondons à des appels d’offres et, si cela fonctionne, nous nous implantons effectivement dans le pays en déploiement d’un premier projet. Il s’agit d’avoir une porte d’entrée par des projets structurants. La concurrence est forte, notamment de grands groupes informatiques présents au Maghreb et en Afrique du Sud, mais nous avons de belles références. Par ailleurs nous voulons travailler avec des entreprises locales, pour développer des projets pour des usages locaux et internationaux.

Quels sont les résultats du groupe en Afrique ?

Depuis le début de notre développement en Afrique, et l’acquisition de la société Bull, Atos n’a cessé de croître sur le continent. Nous sommes passés de 1500 à 2500 collaborateurs ces cinq dernières années. En ce qui concerne les résultats financiers, sur le moyen terme, les résultats sont en croissance, sur les 3-4 dernières années. Certains trimestres sont plus difficiles que d’autres, mais notre activité reste en croissance, malgré des difficultés récentes liées à la pandémie de Covid-19.

Notre ambition est de poursuivre cette croissance en Afrique ces prochaines années grâce à des projets au sein des pays africains, mais aussi en travaillant sur des projets en Europe, avec nos ingénieurs basés en Afrique.

C’est une approche que je souhaite développer. Pour cela il nous faut faire connaître nos compétences informatiques aux clients occidentaux, afin que les entreprises fassent appel à nous pour des projets de digitalisation nécessitant des ressources offshore, nous pouvons constituer une alternative aux sociétés indiennes ou d’Europe de l’Est. Je souhaite que l’Afrique, notamment francophone, soit aussi un vivier de compétences pour les grandes entreprises et organisations internationales.

Comment voyez-vous l’Afrique digitale des 10 prochaines années ?

Il faut tout d’abord se poser la question de quelle sera l’Afrique de ces 10 prochaines années. La transformation digitale dépend de l’environnement dans lequel elle pourra se faire. Il y a plusieurs enjeux. Le premier est sans aucun doute la démographie. La jeunesse, si elle est formée, représente selon moi une grande chance pour le continent. Il s’agit donc de travailler ensemble pour que tous puissent accéder à des compétences compétitives sur le marché mondial. Ensuite, il y a la question des infrastructures, notamment de l’accès à l’électricité, qui est un prérequis indispensable pour le développement de l’Afrique numérique. Enfin, l’explosion du digital ne peut se faire sans prendre en considération les questions climatiques.

Je crois que le numérique peut être une source de développement. L’Afrique a la chance inouïe de pouvoir utiliser sa jeunesse et sa matière grise  pour accompagner de nombreux projets africains et internationaux. Le continent peut devenir le vivier de compétences du monde par le développement de centres de services offshore qui ont de nombreux avantages – source de devises pour le pays et fixation des cerveaux sur le continent. C’est un véritable cercle vertueux. Mais le défi de la compétitivité reste important en raison du coût de la vie qui reste élevé par rapport à certains pays d’Asie.

Mon rêve, c’est que, d’ici 10 ans, l’Afrique soit considérée comme un lieu de référence pour tous les projets de numérisation, non seulement en Afrique, mais aussi dans le reste du monde.

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