(CIO Mag) – Les modes d’opérer des cybercriminels sont évolutifs. De plus en plus, il s’agit de groupes structurés, organisés avec des ramifications dans plusieurs Etats, sur plusieurs continents. Aucun secteur n’est infranchissable ou impénétrable. Du coup, il revient à chaque pays de prendre les dispositions à temps pour réduire la probabilité d’occurrence des risques de cybers escroqueries ou de cyberattaques. Dans cette optique, les cas saillants de cybercriminalité identifiés en 2016 au Bénin ont été détaillés par l’Office central de répression de la cybercriminalité (OCRC) lors de la 3ème édition de l’IT Forum Bénin qui s’est tenue le 3 avril dernier à Cotonou.
Faux contrats de bail ou faux prêts entre particuliers
De quoi s’agit-il ? C’est coutume de voir des internautes européens à la recherche d’un appartement effectuer toutes les démarches sur Internet. Et c’est une fois la transaction finalisée qu’un rendez-vous est pris avec le bailleur pour connaître l’appartement. “Cette pratique n’est pas encore véritablement ancrée dans nos réalités ici (au Bénin, NDLR)”, explique le commissaire Nicaise Dangnibo, directeur de l’OCRC. Mais selon lui, des “cybercriminels saisissent ces opportunités, et depuis le Bénin, et ayant bien entendu des complices de l’autre côté (c’est-à-dire en Europe), ils se font passer pour des entreprises” opérant dans ce secteur d’activité. Les négociations s’engagent. L’internaute effectue des virements d’argent. Sauf qu’à l’arrivée il n’aura jamais l’appartement. “S’il s’agit de prêt entre particuliers, poursuit le commissaire de police, les cybercriminels proposent des taux très intéressants ; et à l’arrivée, ils font payer plusieurs formalités. Sauf que le bénéficiaire n’obtiendra jamais le prêt.” D’après le patron de l’OCRC, 54 cas de faux contrats de bail ou de faux prêts ont été enregistrés en 2016, et 23 suspects interpellés pour un préjudice estimé à 75 millions francs CFA.
Achats/ventes en ligne
Ici, 66 cas d’abus de confiance ont été dénombrés. 12 suspects interpellés. Le préjudice financier associé à cette cyber escroquerie est évalué à 99 millions de francs CFA. “Je donne l’exemple d’un véhicule que vous voulez acheter sur Internet. Le vendeur vous présente le véhicule. Vous demandez à voir les pièces, ils sont en mesure de vous les montrer. En réalité comment procèdent-ils ? Ils vont d’abord au contact d’un vrai vendeur qui a toutes les pièces à sa disposition. Ils se comportent un peu comme un acheteur et le vrai vendeur leur donne toutes les pièces pour les rassurer. Ce faisant, ils les téléchargent, et à leur tour, ils vendent le même véhicule en vous montrant les mêmes pièces. Sauf que vous n’aurez jamais le véhicule”, a encore détaillé l’officier de police au cours de l’IT Forum Bénin 2017.
Escroquerie via la téléphonie
D’après le directeur de l’OCRC, les cas d’escroquerie via la téléphonie sont le fait de “personnes qui sont à Cotonou, et qui vous contactent via le roaming en faisant croire qu’elles sont en France, en Belgique ou aux Etats-Unis”, dévoile le commissaire Dangnibo, qui précise : “Ils vous font croire qu’ils travaillent dans une firme pharmaceutique envers laquelle vous avez été très généreux par le passé. Pour cela, ils veulent vous rendre un service : vous devez représenter la firme à Cotonou pour les aider à acquérir des matières premières, généralement des plantes médicinales. Ensuite, ces personnes vous font croire qu’un employé de la firme effectuera un voyage pour vous apporter le financement nécessaire en vue de démarrer cette activité. Mais en attendant, vous devez la pré-financer. Mais dès que vous commencez par pré-financer, vous perdez votre argent parce que vous n’aurez jamais les produits”. En 2016, l’OCRC a enregistré 65 plaintes relatives à cette forme d’arnaque et interpellé 15 suspects. Les victimes ont, quant à elle, perdu 129 millions de FCFA.
Outre ces cas avérés de cyber escroquerie, le directeur de l’OCRC a évoqué le chantage à la webcam : 76 cas, 29 personnes interpellées et des pertes financières estimées à plus de 109 millions FCFA; le piratage de comptes de messagerie électronique : 106 plaintes et un préjudice financier de plus de 19 millions FCFA; et enfin, l’arnaque à l’héritage et à la fausse bourse : 16 cas et un préjudice évalué à 29 millions FCFA.
Prise d’otage avec demande de rançon
Concernant les cas de cyberattaques, elles sont particulièrement orientées vers les institutions financières, les banques et les structures de micro-finances. Sur ce champ de bataille, les policiers béninois ont dénombré deux modes d’opérer. Il s’agit des cas d’infiltration des systèmes d’information. “Ce sont des cas où, même depuis des pays de l’Europe de l’Est, les cybercriminels arrivent à percer le dispositif informatique et à prendre en otage la base de données de la banque. Alors ils exigent des rançons. Les banques n’ayant pas d’autres choix sont bien obligées de négocier, et de payer ces rançons”, a révélé le spécialiste de la lutte contre la cybercriminalité au Bénin. Second mode d’opérer, ajoute l’officier de police, “c’est le cas où il y a des complicités en interne. Il y a forcément quelqu’un de la banque qui met à disposition les informations, et de l’extérieur on arrive à pénétrer le système d’information et à gonfler parfois les avoirs de certains clients membres du réseau. Ceux-là vont retirer l’argent que le réseau se partage”. Et le commissaire Nicaise Dangnibo de révéler qu’un réseau de cybercriminels a été appréhendé il y a quelques semaines et déféré devant le procureur de Cotonou. Ils sont suspectés d’avoir infiltré le réseau bancaire d’une multinationale qui “a subi de façon simultanée dans quatre pays ouest-africains ce genre d’opérations”.
Aussi appelle-t-il à la vigilance : “La cybercriminalité est l’une des formes de criminalité les plus évolutives actuellement dans notre pays et nous devons la prendre au sérieux, sinon nous risquons vraiment de voir notre économie complètement désarticulée.”
Anselme AKEKO