(Cio Mag) – Les deux alertes sur la monnaie électronique que présente le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (Gabac) dans un rapport qu’il vient de publier parlent des “risques liés à l’identification de la clientèle”. Elle porte sur ” les nouveaux moyens de paiement face aux défis de la lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme dans la zone Cemac” et les “risques liés à l’authenticité des documents d’identification”. Deux préoccupations importantes que relève le Gabac sur les blanchiments d’argent à travers le Mobile Money.
Car, selon le Gabac, l’absence d’un dispositif efficace de vérification de l’authenticité des pièces d’identité par les opérateurs de téléphonie mobile constitue une forte limite à la prévention des risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. D’autant que, chez plusieurs opérateurs de téléphonie mobile, l’utilisation du Mobile Money est possible dès l’identification du client et non après vérification de l’authenticité de sa pièce d’identité. Dans ces structures, c’est assez souvent la copie de cette pièce qui est présentée et la vérification de l’authenticité du document d’identité d’origine est alors impossible à réaliser. D’où l’inquiétude du Gabac à propos des risques de blanchiment d’argent et de financement de terrorisme liées à la clientèle. « Ce risque peut se produire sous la forme d’un virement classique ayant une origine ou une destination criminelle (par exemple, le financement du terrorisme). Les opérations peuvent servir à transférer des fonds entre complices, ou à les transférer vers d’autres pays dont les juridictions ont des réglementations moins lourdes, où les fonds peuvent être utilisés pour financer d’autres activités criminelles », craint le Gabac.
En ce qui concerne la seconde alerte sur les ” risques afférents à la réalisation des opérations”, le Gabac identifie ici ceux liés aux commerçants. Et pour cause, ces personnes peuvent recevoir des montants substantiels de paiement et les faire apparaître comme le produit légitime de leur activité (cela pouvant comprendre l’intégration de fonds). « Les commerçants peuvent être des criminels eux-mêmes, escroquant leur clientèle, ou servant de façade pour le blanchiment du produit des activités de leurs complices, se faisant passer eux-mêmes pour des clients », indique le rapport du Gabac.
En outre poursuit le Gabac, il y a des risques liés aux agents, intermédiaires et partenaires de détail. Ils se situent à un emplacement stratégique dans le cycle de paiement des services d’argent mobile: le chargement de sommes en espèces, le point de rachat ou retrait, et également la vente des appareils téléphoniques susceptibles d’être utilisés pour les opérations. Ces personnes ont donc la possibilité de falsifier leurs registres, d’ignorer des soupçons qui devraient être signalés, ou simplement de constituer un point de faiblesse en n’exerçant pas leur fonction avec toute la vigilance nécessaire.
Toujours selon le rapport du Gabac, il y a également des défis liés aux paiements transfrontaliers. Ce mécanisme qui peut servir à déplacer des fonds d’origine criminelle de leur juridiction vers une autre juridiction dans laquelle ils peuvent servir à d’autres activités criminelles. « Les mouvements de fonds transfrontaliers rendent les recherches des autorités plus difficiles et permettent de camoufler l’objet du transfert. Ils constituent par conséquent une source supplémentaire de risque », note le Gabac.
Enfin, il y a les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme via les transferts internationaux. Car relève le Gabac, l’évolution des activités des opérateurs de la téléphonie mobile vers l’émission de la monnaie électronique au travers des cartes de paiement type “Visa”, pour régler des transactions et pour retirer des espèces dans les guichets automatiques des banques, pourrait ouvrir la porte aux transferts internationaux à des fins de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
Les pays de la sous-région Afrique centrale à travers le Gabac s’engagent fermement à lutter contre le terrorisme et à contrôler les transferts d’argent par le Mobile Money, susceptible d’être des moyens de financement des activités des terroristes.
Jean-Claude NOUBISSIE, Cameroun