Propos recueillis par Mohamadou Diallo
L’Intelligence artificielle est identifiée par plusieurs experts comme étant l’un des accélérateurs les plus puissants pour la réalisation des 17 ODD (Objectifs de Développement Durable) dont l’agriculture. Mais pour Frédéric MASSE, Head of Africa Agriculture Industry – SAP, ce constat est à relativiser du fait de la faible digitalisation dans la production des 250 millions de fermiers familiaux africains. L’enjeu dans l’introduction des technologies types IA, IoT, blockchain ou encore analyse prédictive reste fondamental dans la transformation.
CIO Mag : Considérez-vous que l’IA soit une chance pour l’Afrique ?
Frédéric Massé : L’IA comme le Big Data, l’IoT, la blockchain, le machine learning et l’analyse prédictive transforment l’économie globale en accélérant et en simplifiant les échanges mais surtout en permettant une exploitation accrue des données dont le volume ne cesse de croître. L’IA et les autres technologies sont à l’évidence une chance pour les pays africains d’accélérer leur développement et la transformation de leurs économies pour leur permettre de mieux profiter de la globalisation.
CM : Quel sera l’impact de l’IA sur l’agriculture en Afrique ?
FM : L’agriculture est aujourd’hui un des secteurs les plus faiblement numérisés (Illustration MCKINSEY*). En Afrique, si les grandes entreprises internationales, les grandes entreprises africaines sont aujourd’hui numérisées, les PME le sont peu et les 250 millions de fermiers familiaux ne le sont pas du tout à de rares exceptions près. Dans ce contexte, les usages de l’IA qui reposent en particulier sur les données produites par les systèmes informatiques de gestion seront donc limités à une part réduite du secteur de l’agriculture.
C’est d’autant plus préoccupant que la transformation de l’agriculture en Afrique repose en majeur partie sur l’inclusion des 250 millions de fermiers familiaux dans la chaîne de valeur agricole en les faisant passer d’une agriculture de subsistance à une agriculture générant des surplus comme l’affirme le rapport 2017 de l’Alliance for a Green Revolution in Africa (AGRA). On estime que ces 250 millions d’agriculteurs familiaux produisent 80% de la nourriture en Afrique.
CM : Quels sont les préalables pour y arriver et pour quels défis à relever ?
FM : Cette transformation passe par le développement d’organisations permettant l’agrégation des agriculteurs mais aussi par la mise en œuvre de nouveau business modèles, la numérisation des transactions opérées par ces agriculteurs familiaux et un accès simplifié aux services financiers et aux intrants agricoles.
CM : Produire davantage et surtout mieux ont toujours fait l’objet de plans gouvernementaux avec à l’arrivée des résultats mitigés. Comment voyez-vous l’enjeu du capital humain ?
FM : La formation des agriculteurs et des autres acteurs de la chaîne de valeur est aussi un préalable au succès de cette transformation. C’est vrai pour la formation initiale mais aussi pour la formation continue des agriculteurs. Cette intensification de la formation doit porter sur les meilleures pratiques de gestion mais aussi sur la gestion financière et commerciale de leur exploitation. SAP est présent en Afrique depuis des décennies et nous accompagnons nos clients dans tous les secteurs économiques y compris l’agriculture. Les enjeux que porte la transformation de l’agriculture en Afrique sont majeurs et c’est le rôle de SAP d’y contribuer en fournissant des solutions et des services qui permettent d’augmenter l’efficacité, l’efficience et la productivité des agriculteurs africains comme nous le faisons partout dans le monde.
CM : Quelle est justement la stratégie de SAP dans ce domaine en particulier ?
FM : Nous travaillons sur trois axes, les grandes entreprises et les PME mais aussi les agriculteurs familiaux au travers des organisations qui les agrègent. Notre approche prend en compte la chaîne de valeur agricole étendue à l’amont avec les fournisseurs d’intrants et de machines agricoles par exemple mais aussi à l’aval avec les industriels qui transforment les productions agricoles ou en assurent la distribution et la commercialisation. Nous travaillons également avec les banques, les assurances, les opérateurs téléphoniques et les fournisseurs d’intrants qui cherchent aussi à se développer dans le marché des 250 millions d’agriculteurs familiaux. Avec l’ensemble de ces acteurs, nous mettons en œuvre des partenariats qui devraient déboucher sur de nouveaux business modèles permettant l’inclusion des agriculteurs familiaux et la fourniture de bouquets de services.
*Illustration MCKINSEY
Retrouvez cette interview dans CIO Mag N°52 à paraître le 25 mai.