Sénégal : « Les bourses de sécurité familiale ont été un instrument d’inclusion financière », Birima Mangara, ministre chargé du Budget

  • 29 mai 2018
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Dans les zones les plus reculées du Sénégal, le téléphone portable a été un instrument extrêmement efficace dans la digitalisation des bourses de sécurité familiale. Un exemple de réussite exposé dans cet entretien avec le ministre sénégalais Birima Mangara, invité d’honneur de la 2e édition du Mpay Forum tenue le 3 mai 2018 à Casablanca.

Pourquoi la digitalisation des paiements des bourses familiales au Sénégal est-elle si révolutionnaire ?

J’aimerai avant toute chose saisir l’occasion pour remercier CIO Mag ainsi que ses partenaires pour l’organisation de cet événement et me réjouir de la présence du Sénégal par ma personne pour parler de la digitalisation des moyens de paiement et quelle stratégie adopter. C’est une occasion d’échanges et de partage d’expérience et il a été question pour le Sénégal de faire mention des grands pas qui sont effectués dans le cadre de la gestion numérique et l’exemple typique a été le cas des bourses de sécurité familiale, l’e-paiement et plus généralement la modernisation de notre administration.

Le cas spécifique des bourses de sécurité familiale a été évoqué car tout d’abord, révolutionnaire dans sa conception. Le président de la République, dès son accession à la magistrature suprême, a décidé de penser à ceux qui semblaient être les oubliés de la société. Ceux qui n’ont pas de qualifications, ni de revenus et qui vivent dans l’extrême pauvreté. La révolution, c’est aujourd’hui d’assurer l’inclusion de ces personnes et surtout leur inclusion financière. Aujourd’hui, dans les zones les plus reculées du Sénégal, le téléphone a été un instrument extrêmement important car aujourd’hui tous les Sénégalais ont atteint un maniement du téléphone pour pouvoir transférer des ressources, les recevoir et les utiliser. C’est dans ce cadre que les bourses de sécurité familiale ont été un instrument d’inclusion numérique et technologique, avant même d’être un instrument d’inclusion financière.

Peut-on avoir un premier bilan de ce dispositif ?

Le bilan est parfaitement satisfaisant. Partant du néant, aujourd’hui vous permettez aux contribuables, aux entreprises de faire leur télé déclaration et leur télépaiement. De plus, le contact physique entre l’administration et l’usager n’est plus de rigueur et donc non seulement cela sécurise les ressources, mais cela engage également la transparence. Concrètement, les administrations peuvent faire les contrôles nécessaires, l’usager quant à lui peut calculer lui-même sa quantité d’impôt et payer avec sécurité et confiance.

Cet instrument permet donc de reconsidérer le surcoût administratif que constituait la gestion de plusieurs liasses d’impôts, de paperasse, de perte de temps aussi bien pour le contribuable que l’administration. D’ailleurs, si on prend le temps de paiement de la TVA, l’une des taxes les plus contributives des ressources budgétaires, le délai était au plus tard le 15 du mois qui suit. Or la plupart des concernés ne venaient qu’au dernier moment et donc l’administration devait gérer une masse de dossier ce qui posait un problème de gestion d’horaires et d’efficacité pour l’agent en charge. Aujourd’hui, le contribuable procède à ce paiement depuis son siège, ce qui colmate ce problème.

Le Sénégal accuse encore des retards dans le versement des bourses aux étudiants. Quelles sont les solutions envisagées ?

Vous savez, le paiement des bourses était physique, c’était un grand rendez-vous pour les étudiants qui d’ailleurs veillaient deux à trois nuits et faisaient la queue d’autant plus que leur nombre extrêmement élevé et la date de paiement des bourses étaient toujours incertains.

Depuis 2008, l’Etat travaillait avec Ecobank pour le paiement de ces bourses et un grand pas a été accompli en digitalisant, en recourant aux cartes bancaires pour chaque étudiant, pour qu’il puisse recevoir sa bourse. Il est arrivé que les cartes expirent, il arrive également qu’il y ait des problèmes technologiques mais il arrive aussi qu’ils viennent en surnombre parce qu’ils ont hâte de recevoir leurs bourses. Mais si le procédé est amélioré, et que les étudiants puissent recevoir leurs bourses via leurs téléphones, par l’e-money, c’est une idée à explorer, et qui sera peut être proposée à la banque. Chose qui permettra de faire disparaître ces queues.

Le gouvernement cherche à améliorer la qualité du service public, donc il ne peut pas se dégager de toute responsabilité mais in fine, vous verrez que le gouvernement n’a pas sa responsabilité entièrement engagée ou établie, quand bien même nous devons, nous avec nos partenaires, réfléchir sur les voies et moyens d’améliorer ces services publics, d’améliorer le paiement des bourses avec l’e-money.

Interview parue dans CIO Mag N°52 MAI / JUIN 2018, disponible sur commande

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