La FinTech en Afrique est en plein développement. De nombreuses entreprises et des start-up ont su se saisir des problématiques locales pour apporter des réponses adaptées au continent. Loïse Tamalgo, en charge des Relations publiques pour l’Afrique subsaharienne de Huawei Northern Africa, explique comment la finance digitale peut aider à lutter contre l’exclusion financière. Et quels sont les freins au développement du secteur.
CIO Mag : La FinTech est-elle le secteur d’avenir du continent africain ?
Loïse Tamalgo : S’agissant d’impacts et de profits, aucun autre secteur en Afrique ne présente le même potentiel que l’espace FinTech. Aujourd’hui, le continent est à la pointe en matière de finance digitale. Plus de 100 millions d’utilisateurs ont choisi de remplacer les cartes en plastique et les agences bancaires par des paiements mobiles, des crédits numériques et par la cryptomonnaie. Comme le souligne « Global Fintech Index City Rankings », dans son rapport publié cette année, l’Afrique compte plusieurs hubs de la FinTech parmi les plus dynamiques au monde. On le doit aux start-up, qui sont capables d’aborder, de manière efficace, le problème majeur de l’exclusion financière sur le continent. À l’image de la Côte d’Ivoire, qui comptabilise près de 37 start-up FinTech. Elles développent de nouveaux modèles d’affaires en paiement mobile et vont même jusqu’à les adapter au contexte du monde rural, comme par exemple Moja Ride, une start-up locale en FinTech.
Dans l’écosystème des start-up, la FinTech est, sur le continent, le secteur qui attire le plus les investisseurs. Il a drainé 39% des levées de fonds en 2018. En Afrique, les FinTech répondent aux problématiques quotidiennes d’une population dont seulement 28% dispose d’un compte bancaire. On peut donc naturellement affirmer que ce secteur permet d’accélérer considérablement l’inclusion financière en élargissant l’accès aux services dédiés.
Quels sont les principaux freins au développement de ce secteur en Afrique ?
Un des obstacles majeurs, que le secteur de la FinTech en Afrique doit surmonter, est d’ordre technique et matériel. Dans le rapport « 2018 Global Digital », publié par We Are Social et Hootsuite, il est précisé que sur une population mondiale de 7,593 milliards de personnes, on dénombre plus de 4,021 milliards d’Internautes. L’Afrique, dont la population est de 1,272 milliard d’habitants, compte 435 millions d’utilisateurs, soit approximativement 34%, contre 53% à l’échelle planétaire. Ce faible taux de pénétration ne favorise pas le développement de la FinTech sur le continent. Et la possibilité de fournir un accès plus important aux services financiers reste limitée. C’est pour cela que nous devons proposer des solutions adaptées aux réalités locales, les caractéristiques des villes n’étant pas celles des zones rurales.
Comment remédier au déficit d’infrastructures dans de nombreux pays africains ?
Les infrastructures sont de première importance et favorisent l’émergence des pays africains. Pour remédier à leur déficit, il est important de s’attaquer au problème de l’énergie, de l’accès à l’eau, au transport ou encore à la mise à niveau des réseaux, lesquels représentent des leviers pour le développement des économies. L’énergie joue un rôle central, car sans énergie, point d’innovation. Selon la Banque africaine de développement, à l’heure actuelle, près de 640 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité. Ce préalable est pourtant indispensable au déploiement des TIC.
L’autre point important est la volonté politique. Elle doit être forte pour mener une véritable transformation digitale sur le continent. Le développement d’infrastructures numériques en Afrique doit être la pierre angulaire des programmes présidentiels. Et doit être exécuté au plus haut niveau et sur la totalité des structures d’Etat. Le Rwanda et le Cap-Vert sont les exemples emblématiques de ces transformations. Le pays des mille collines est passé d’une économie à 90% agricole à une économie du savoir et le Cap-Vert, par ses infrastructures de réseaux, a brisé la séparation géographique, en apportant, aux habitants des régions éloignées, des avantages en matière de réseaux et d’E-administration.
Il est donc primordial que les responsables gouvernementaux prennent en compte la technologie, dans leurs plans stratégiques, au même titre que les autres secteurs, tels que la santé, l’eau et l’électricité. C’est à ce prix que le potentiel numérique de leur pays sera libéré et qu’ils accèderont au développement socio-économique.
De quelle manière Huawei accompagne les innovations en Afrique ?
Chez Huawei, nous considérons le droit à la connectivité comme un droit fondamental et comme la pierre angulaire du progrès économique. C’est pourquoi notre groupe mène une action, à l’échelle mondiale, pour éliminer les inégalités de couverture et d’utilisation du numérique. En Afrique, nous innovons en nous adaptant aux contextes locaux, grâce à des solutions comme RuralStar. L’objectif est de mettre en place une « autoroute réseau », au profit des zones reculées, afin que les habitants puissent avoir accès à la connexion.
Une autre solution adaptée au monde rural africain est le PowerCube 1000. Il permet d’améliorer l’efficacité en alimentation électrique de l’énergie stable, de manière écologique et intelligente, et à faible coût. Et contribue ainsi à son accès à distance, en particulier dans les régions reculées du continent. Cette solution, qui a déjà été déployée dans 166 villages au Cameroun, a permis de les désenclaver au plan de l’électrification. Nous comptons poursuivre sur cette lancée.
Par ailleurs, nous nous engageons à traduire les technologies phares en produits et solutions plus efficaces et plus compétitives, et contribuons ainsi à la réussite de nos clients et de nos partenaires. Huawei est un groupe innovant, qui investit chaque année 10% de son chiffre d’affaires global à la Recherche et Développement, soit l’équivalent, en 2018, de 14,8 milliards de dollars. En 2019, cet investissement a atteint 15,3% du chiffre d’affaires global de la société. Huawei a l’ambition de développer la connectivité, tout en en renforçant la puissance de calcul. Apporter ces deux éléments à nos utilisateurs constitue la base de notre nouvelle stratégie et justifie nos investissements massifs dans l’innovation.
Enfin, Huawei accompagne l’essor de la Tech africaine et l’émergence des innovations des jeunes africains, notamment par sa participation aux différents hackathons. Lors du Hacking Covid-19 Africa, plus de 400 participants se sont réunis en ligne pour élaborer des solutions à la crise sanitaire actuelle. Un Centre de Cloud et d’Intelligence artificielle vient d’être mis en place par la société, en Afrique du Sud. Il a vocation à accompagner les start-up du continent dans le développement de ces deux secteurs, lesquels constituent la tête de pont de l’évolution future des TIC.
Loïse Tamalgo est actuellement Vice-président en charge des Relations publiques de Huawei Northern Africa. Il a contribué à la réalisation de plusieurs projets d’envergure pour les réseaux opérateurs, le déploiement de solutions innovantes à forte valeur ajoutée, ainsi que des projets d’infrastructures durables pour des gouvernements, selon différents business models.
Il a rejoint Huawei en septembre 2007 et a été successivement Chef de produit applications et logiciels, Gestionnaire de comptes opérateurs et de compte gouvernement, Directeur pays pour Huawei au Burkina Faso, pendant huit ans. Et a été, pendant un an et demi, Vice-président des ventes pour la représentation de Huawei en Côte d’Ivoire, laquelle regroupe également le Togo, le Bénin, le Burkina Faso et la Guinée. Il a finalement été nommé à la vice-présidence des Relations publiques.