Tendons-nous vers la fin du « new deal » envisagé entre la France et l’Afrique à travers la création de Digital Africa en 2018 ? La question se pose au regard des démissions successives à la tête de l’organisme. Assurant l’intérim de Karim Sy, fondateur de Jokkolabs et ex-président de Digital Africa depuis juillet 2018, le Nigérian Kizito Okechukwu vient de démissionner pour « mauvaise gouvernance de l’AFD. »
(CIO Mag) – Le départ de Kizito Okechukwu, fondateur et directeur exécutif de l’incubateur 22 ON SLOANE basé en Afrique du Sud, de son poste de président intérimaire de Digital Africa, vient enfoncer le clou des malaises au sein de l’organisme et est révélateur d’une profonde crise. Sa démission prenant effet à partir du 02 mai 2021, il a préféré s’en aller à l’instar de Karim Sy et dans une période de remous caractérisée par des accusations de « mauvaise gouvernance de l’AFD. »
Cette situation ne date pas de maintenant. En effet, c’est pour ces mêmes raisons que Karim Sy a dû claquer les portes de l’initiative. Ses arguments sont soutenus par les révélations de Rebecca Enonchong, présidente d’Afrilabs dans un thread Twitter le 16 février. Elle y parle « des fissures [qui] ont commencé à apparaître lorsque la première cadre de l’organisation a été embauchée, Stéphan-Eloïse Gras. Ce n’était pas tant la personne que la manière. Le conseil a reçu un courriel annonçant son embauche. Jamais nous n’avons été consultés, ni intégrés au processus. »
Elle ajoute que « malheureusement, la situation ne s’est jamais améliorée. Le conseil est constamment contourné et rarement informé, obtenant la plupart de ses informations par le biais d’annonces sur les réseaux sociaux. Les décisions stratégiques et coûteuses sont prises sans que le conseil d’administration ne soit informé, encore moins d’accord. »
Quel avenir pour Digital Africa ?
L’atmosphère s’est davantage dégradée avec l’annonce de la dissolution de l’initiative lors d’une assemblée générale extraordinaire convoquée le jeudi 18 février. Ne l’entendant pas de cette oreille, Kizito Okechukwu y a opposé la convocation d’une réunion par lui-même le 25 février pour évoquer le souhait de l’AFD de dissoudre Digital Africa.
« Monsieur Jean-Pierre Barral, représentant de l’Agence Française de Développement (AFD), ne détient aucun titre à demander la réunion de ce Conseil et n’a au surplus pas respecté les dispositions statutaires relatives aux convocations du Conseil », faisait-il savoir dans une lettre. Selon lui, l’AFD s’empresse pour empêcher la rédaction du rapport de la structure.
Du côté de l’AFD, le son de cloche est tout autre : « nous n’avons pas encore eu l’occasion d’aborder le sujet [de la dissolution] en Conseil d’Administration, nous expliquait la cellule de communication de l’AFD. Aujourd’hui, il s’agit de discuter de la meilleure façon d’avancer et d’amplifier l’initiative ambitieuse et novatrice lancée au printemps 2018 pour soutenir les start-up africaines et accompagner le développement de projets d’innovation numérique à impact. La refonte de la gouvernance était attendue depuis juin 2020, lorsqu’un vice-président avait été choisi pour assurer la présidence par intérim après la démission du Président fondateur. »
C’est dans cet imbroglio qu’aux dernières nouvelles, le président intérimaire, le Nigérian Kizito Okechukwu, a lui-aussi claqué la porte. Et pour cause, l’AFD n’appliquerait pas les principes de bonne gouvernance dans la gestion de l’association. Pire, des désaccords seraient nés quant à la mise en œuvre de la stratégie de Digital Africa. D’ores-et-déjà, un conseil d’administration est annoncé pour ce 05 mai 2021 afin d’évaluer le sort réservé à Digital Africa. Et quand on sait que la question de la dissolution a été la pomme de discorde ces derniers temps, on est en mesure de croire qu’elle reviendra sur tapis. Mais la grande question reste, quel sera l’avenir de Digital Africa après cet épisode ?
Michaël Tchokpodo