Mobile Tax au Cameroun : délestage malvenu ou exigence fondamentale ?

Le Cameroun  à travers la loi des finances pour l’exercice 2022 a institué une taxe sur les transferts d’argents pour un taux doublé à 0,2% depuis le 1er janvier sur fond de contestations et de crise.

(Cio mag) – « La taxation existait mais a juste été augmentée et validée par les autorités compétentes. Elle n’est pas bienvenue car elle arrive au moment où les gens ont plutôt beaucoup de difficultés économiques empirées par l’avènement de la crise sanitaire liée à la Covid-19 », a dit Simon Crépin Bikele, un expert socio économiste camerounais contacté par Cio Mag.

Selon son observation, les populations qui réclament et revendiquent depuis longtemps une baisse significative des coûts de communications et de transactions mobiles auraient mieux accueilli une baisse des frais dans le contexte actuel.

« Alors que les gens croyaient avoir tourné le dos à des services qui leur ajoutent des frais qu’ils n’approuvent pas on leur fait cette annonce. Les populations ne peuvent pas accepter quelque chose qui vient les appauvrir et les délester des moyens dans une période où ces transferts auraient pu être gratuits et alors que leur résilience est mise en mal, » a-t-il expliqué.

Pour lui, cette nouvelle donne a plus d’inconvénients que d’avantages dans le sens où elle affecte le pouvoir d’achat du consommateur camerounais et peut susciter un ralentissement  des activités chez les opérateurs téléphoniques qui faisaient déjà de bonnes affaires à travers ce moyen-là.

A noter que selon la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), 10 883 milliards de fcfa ont circulé via les transactions d’argent mobile en 2020 au Cameroun soit plus de 73% de la sous-région.

La principale institution monétaire de la Communauté économique et monétaire sous régionale  a alerté sur l’impact que l’imposition de taxe sur les transactions de monnaie électronique pouvait entraîner sur la marche vers l’inclusion financière.

Un possible « ralentissement » selon la BEAC qui trouve important pour les Etats, les prestataires de paiement et elle-même d’avoir « une approche économique globale, concertée qui viserait à permettre notamment l’élargissement de l’assiette fiscale, une évolution de la stratégie de taxation des États qui ne pénalise pas le développement de l’activité des paiements électroniques, mais au contraire d’accroître le niveau de l’inclusion financière, le niveau de l’acceptation commerçant (y compris informels) ».

Crepin Bikele pense que les ligues de consommateurs peuvent se mobiliser afin de renverser la vapeur en obtenant auprès des autorités, une annulation ou des mesures compensatoires.

Ces organisations se sont en effet indignées face au « taux exorbitant » de cette taxe selon la Ligue Camerounaise des Consommateurs (LCC) qui trouve que cette mesure ne prend pas en compte le consommateur.

Une aubaine pour le contribuable

L’Association camerounaise pour la défense du droit du contribuable (ACDC) a également dit non à la double imposition introduite dans le projet de loi de finance 2022 car « on ne peut pas prélever l’impôt deux fois sur une même transaction ».

L’ACDC qui prône la justice fiscale, avait bien avant la mise en application de cette taxe, invité le parlement à en tenir compte.

Mais pour le fisc camerounais, « la satisfaction du contribuable est une exigence fondamentale à laquelle le Mobile Tax tente de répondre à travers ses atouts », comme il l’explique dans son guide sur la taxation mobile.

Lesdits atouts qui y sont cités sont entre autres la modernisation de l’administration de l’impôt en proposant plusieurs modes alternatifs de paiement des impôts aux contribuables, la fourniture  d’une meilleure qualité de service au contribuable afin d’améliorer le civisme fiscal, la réduction du  coût de la discipline fiscale en limitant les déplacements physiques des contribuables auprès des guichets fiscaux.

Mais aussi la fluidification et la simplification des procédures de paiement afin de faciliter aux usagers l’accomplissement de leurs obligations fiscales ainsi que la sécurisation des recettes fiscales par l’élimination de la manipulation des espèces.

On y lit également qu’au total, « le Mobile Tax permet à l’administration fiscale de garantir au contribuable un service moderne qui allie proximité et confort ».

Aurore Bonny

Aurore Bonny est une journaliste passionnée d'Afrique qui accorde un fort intérêt aux questions liées aux TIC. Sa plume est dévouée aux enjeux du digital sur le développement des Etats et populations d'Afrique. Elle couvre les actualités d'Afrique centrale (Cameroun) et celles de la zone anglophone pour le Web. Ses interviews, reportages et autres articles de fond sont à retrouver sur le Web et dans le Magazine CIo Mag.
Twitter: @Aurore_Bonny / Email: aurore.bonny@cio-mag.com / Tel: +237 693115519

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