La 12ème édition des Assises de la Transformation Digitale en Afrique (ATDA), prévue les 19 et 20 mai 2023 à Antananarivo, Madagascar, mettra l’accent sur le capital humain, en tant que catalyseur d’un écosystème numérique africain performant. A cet effet, Ghita Lahlou, directrice générale de Sana Education & l’École Centrale Casablanca et membre du comité scientifique de l’événement, évoque dans cet entretien le rôle fondamental de l’éducation dans le développement du capital humain.
CIO Mag : Comment l’éducation peut-elle contribuer au développement du capital humain et quels sont les défis que les systèmes éducatifs doivent relever pour y parvenir ?
De nombreuses études montrent l’effet positif de l’amélioration du niveau d’éducation sur le développement économique et humain des pays. Dans le cadre de ses travaux, notamment sur le renforcement du capital humain, la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement a identifié trois défis à relever pour parvenir à une véritable renaissance éducative marocaine. Le premier a trait à l’amélioration de la qualité de l’enseignement et des apprentissages : la dernière enquête PISA sur les acquis et les compétences des élèves de 15 ans montre que les jeunes marocains, même comparés à des jeunes issus de pays de niveau économique quasi similaire, enregistrent de faibles scores en compréhension de l’écrit, des mathématiques et des sciences. D’où la nécessité de mettre notamment en place des dispositifs internes et externes d’évaluation des enseignements afin d’œuvrer à l’amélioration continue des formations.
En partie lié au premier, le deuxième défi consiste à restaurer la confiance entre les Marocains et la communauté éducative. Pour ce faire, il importe notamment de moderniser les contenus et les méthodes d’enseignement, de former les enseignants aux nouvelles approches pédagogiques, de renforcer leurs compétences.
Enfin, le troisième défi concerne la vocation de l’école qui doit jouer un rôle d’ascenseur social et de promotion de l’égalité des chances. Malgré les efforts fournis par le Maroc afin de garantir une éducation pour tous, de nombreuses inégalités éducatives persistent : en fonction du lieu de résidence de l’enfant (zone rurale ou urbaine), du niveau de vie, d’études et de la catégorie socioprofessionnelle des parents, etc.
Comment les universités et les écoles peuvent-elles utiliser la technologie pour améliorer l’accessibilité et la qualité de l’éducation, tout en préparant les étudiants à relever les défis d’un marché du travail en constante évolution ?
Le monde dans lequel nous vivons est un monde VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity), c’est-à-dire à la fois volatile, incertain, complexe et ambigu. Il est aussi marqué par des transformations majeures liées à la transition numérique, la transition industrielle, la transition climatique, etc. Ces grandes évolutions ont un impact très fort sur le marché du travail qui exige des compétences nouvelles. On estime que 50% des actifs auront besoin d’une reconversion d’ici 2025, notamment pour répondre à l’usage accru de la technologie et à l’automatisation croissante qui transforme les métiers. Parmi les emplois qui seront les plus recherchés, on trouve de nombreux métiers liés aux nouvelles technologies et au développement du digital comme le Machine Learning, l’intelligence artificielle, le Big Data : data scientists, développeurs, growth hackers…
D’où la nécessité, d’une part, de former les élèves/étudiants pour qu’ils puissent disposer des compétences nécessaires pour leur future vie professionnelle et, d’autre part, d’encourager l’utilisation croissante des outils numériques en classe pour améliorer le processus d’enseignement, le rendre plus motivant et interactif.
Les enseignants sont aujourd’hui face à de jeunes apprenants qui n’ont pas connu la vie sans Internet « Digital Natives » : en développant leurs compétences pédagogiques numériques et en les utilisant dans le cadre de leurs enseignements, ils pourront davantage motiver les élèves, capter leur attention et, ce faisant, faciliter la transmission des connaissances.
Les Edtech peuvent également contribuer à une plus grande flexibilité et personnalisation des contenus en fonction des besoins, des attentes, du rythme de chaque élève/étudiant.
A noter également qu’avec la montée en puissance d’internet, apprendre par soi-même est devenu beaucoup plus simple qu’auparavant. Coursera, le leader mondial du e-learning, a récemment constaté l’engouement des apprenants marocains, estimés à un peu plus de 600 000 inscrits, soit quasiment 10% du total que dénombre la plateforme dans la zone MENA.
Quels sont les programmes d’études et les projets que l’École Centrale et Sana Education proposent pour renforcer les compétences des étudiants et leur permettre de devenir des acteurs clés du développement économique et social au Maroc ?
La principale mission de l’Ecole Centrale Casablanca (ECC) est de former des ingénieurs généralistes de haut niveau scientifique, également dotés d’un fort sens du relationnel et d’une grande ouverture sur le monde. Dès le début de leur cursus et grâce à des ateliers de développement personnel, des liens constants avec le monde de l’entreprise, des expériences à l’international (via la mobilité académique, des stages, etc.), les élèves apprennent à travailler en mode projet, en groupe, dans un environnement multiculturel (près de 15 nationalités sont en interaction quotidienne sur notre campus de Bouskoura). L’ingénieur centralien se distingue ainsi par sa capacité à appréhender la complexité des systèmes, l’innovation, la responsabilité sociétale et la diversité culturelle.
Notre objectif est de préparer nos élèves aux métiers de demain afin qu’ils deviennent de véritables acteurs du changement et du développement qui sauront répondre aux besoins des entreprises et de la société.
Toujours dans la perspective de répondre aux exigences du marché du travail, que ce soit au Maroc ou en Afrique de manière générale, l’ECC propose, depuis la rentrée 2022, deux autres formations. La première est l’African Bachelor of Engineering : une formation post-bac dispensée intégralement en anglais dont l’objectif est de former des cadres intermédiaires, des ingénieurs d’opération sensibilisés aux projets pluridisciplinaires et interculturels et dotés d’un esprit d’entreprise et de compétences managériales dans un contexte international. Le Master anglophone sur l’analyse des politiques publiques en développement (Evidence based in development policy and design) vise quant à lui à former des diplômés opérationnels qui maîtrisent les outils de l’évidence et les méthodes d’évaluation des politiques publiques. Des profils de plus en plus recherchés par les administrations et organismes publics et semi publics, les bureaux privés de conseil et d’étude, les ONG ou encore les fondations et associations.
L’International Education Group (IEG) est un réseau international d’établissements scolaires d’excellence où sont formés des élèves de la maternelle au lycée. Son approche pédagogique innovante permet d’allier excellence académique et développement personnel des élèves. Elle repose sur 3 piliers. Le premier d’entre eux a pour volonté de contribuer au dialogue des cultures et de favoriser l’ouverture au monde des élèves. Pour ce faire, le groupe a mis en place une politique linguistique très forte : dans chaque école du réseau, 3 langues sont enseignées dès la maternelle (l’anglais, le français, la langue du pays d’accueil). Cette politique est renforcée par des partenariats avec des universités prestigieuses comme, par exemple le MIT (Massachusetts Institute of Technology, ndlr). Les élèves ont ainsi l’opportunité de réaliser des semaines de stages scientifiques avec des diplômés du MIT sur des thématiques comme le développement durable ou la biotechnologie.
Le deuxième pilier met l’accent sur l’accompagnement personnalisé des élèves grâce à une approche pédagogique bienveillante et positive qui place le bien-être de l’enfant au cœur de l’apprentissage. Le corps enseignant propose des contenus et des exercices différents, adaptés à chaque élève : ce dispositif permet une meilleure participation et implication des élèves en classe et facilite aussi les interactions entre camarades.
Quant au troisième pilier, il consiste à encourager la créativité et l’esprit entrepreneurial des élèves grâce à une pédagogie active et par projets. La volonté de l’IEG est de rendre les élèves acteurs de leur formation pour qu’ils développent leur sens de l’autonomie et des responsabilités.