Dans un contexte politique marqué par des manifestations sur le territoire, les autorités sénégalaises ont décidé de suspendre la connexion. Une pilule dure à avaler pour les usagers.
(Cio mag) – Il y a d’abord eu une restriction des applications comme WhatsApp, Tiktok. La grogne commençait à monter chez les utilisateurs d’internet au Sénégal. Les nombreux messages de complaintes en étaient la preuve. Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est sans nul doute l’annonce officielle faite par le ministre des télécommunications pour annoncer la coupure de l’internet mobile. Les réactions ont été virulentes et n’ont pas tardé à se faire entendre. « Après la suspension temporaire de l’utilisation de certaines applications digitales au Sénégal, le gouvernement a décidé, dimanche 4 juin, de suspendre l’internet des données mobiles. Le Restic (Rassemblement des Entreprises du Secteur des Technologies de l’Information et de la Communication) s’oppose à cette décision et demande le rétablissement immédiat des usages et fonctionnalités d’internet », s’est d’abord insurgé l’organisation regroupant les entreprises des technologies. Ensuite, le Restic a annoncé dans la même veine, une plainte auprès de la Cedeao « pour violation sur les droits économiques et libertés d’expression suite à la rupture observée dans le réseau d’internet mobile au Sénégal. Cette plainte concerne les trois opérateurs détenteurs de licence d’internet mobile sur le territoire national ». Enfin, c’est au tour d’Amnesty International de dénoncer. Dans un communiqué, l’organisation des droits de l’homme estime que ces « restrictions au droit à la liberté d’expression et à l’information constituent des mesures arbitraires contraires au droit international, et ne sauraient être justifiées par des impératifs de sécurité ».
Impacts réels sur le secteur informel et ailleurs
Alors pourquoi la coupure de l’internet mobile fait couler autant d’encre et de salives ? La réponse est sans doute à chercher dans les chiffres. Selon les chiffres de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP), au Sénégal, le parc de lignes Internet s’établit à 17 048 513 lignes en fin 2022, soit une hausse de 3,94 %. Les utilisateurs de l’Internet mobile 2G/3G/4G représentent la part la plus importante du parc des lignes Internet (96,95 %). Le parc des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) est de 1 444 lignes au troisième trimestre 2022.
« Le parc ”Internet mobile hors clé” représente 96,87 % du parc total, au troisième trimestre 2022. Il compte 16 526 897 utilisateurs au 30 septembre 2022 ; soit une hausse de 3,84 % par rapport au trimestre précédent. Le parc haut débit mobile (3G/4G) est estimé à 13 420 543 utilisateurs, soit 81,20 % du parc Internet mobile. La part des utilisateurs Internet via les terminaux dans le parc de lignes de téléphonie mobile, en croissance, représente 79,47 % au cours de ce trimestre », a indiqué le rapport. Une forte évolution qui a encouragé le commerce en ligne.
Aujourd’hui, ils sont des milliers et des milliers à ne pas avoir de boutiques physiques mais qui se font énormément de profits grâce à la magie du numérique. « Ce sont des millions de FCfa qui sont perdus à cause de ces restrictions. On ne peut pas donner des chiffres exacts. Mais si je prends mon cas, je gagnais en moyenne 20 Mille Cfa par jour. Si nous sommes une centaine, vous imaginez le reste ? », interroge Mme Fall, active dans la lingerie.
Wave le plus gros perdant
Si le secteur de la monnaie électronique est aussi dense au Sénégal, il le doit en grande partie à Wave qui, avec des prix relativement bas, a poussé ses concurrents à revoir leurs tarifs. Mais dans ce contexte de restriction, il paye le plus lourd tribut. En effet, si les opérateurs ont des codes Ussd qui permettent de faire des transactions, même sans connexion à internet, Wave n’a pas cette possibilité.
Spécialiste des Fintechs, Bassirou Ndiaye n’y va pas par le dos de la cuillère. « C’est un gros manque à gagner. Pour des raisons liées à la concurrence, il n’y aura pas de communication sur les pertes », a-t-il indiqué. Et sur le terrain, cela se vérifie.
Ayant réussi à faire adopter le paiement électronique dans le secteur du transport, Wave est contraint de faire face à la crainte de certains. Babacar Niang est chauffeur de taxi. Très proche de son téléphone, il n’est plus connecté depuis deux jours. Par prudence, il a décidé de ranger le Code Qr qui lui avait été remis. « Même si quelqu’un par des histoires de Vpn ou autre réussit à se connecter, moi je n’ai pas de connexion pour vérifier. Par prudence, je préfère tout simplement me contenter du cash », dit-il, comme pour le regretter.